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TRIBUNE. « Non, la présomption de minorité n’est pas respectée en France »

Publié le 23-12-2022

Date de la publication : 23/12/2022
Source : Le Journal du Dimanche
Autrice : Euphrasie KALOLWA

« Euphrasie Kalolwa, responsable plaidoyer de Médecins sans frontières France, alerte sur le fait que la principe de présomption de minorité pour les mineurs non accompagnés n’est pas respecté en France.

Voici sa tribune : « Lors de la séance des questions au gouvernement du 6 décembre, Charlotte Caubel, secrétaire d’État chargé de l’Enfance, a déclaré que “le principe de présomption de minorité est totalement respecté dans notre pays”. C’est malheureusement faux. La réalité que vivent les mineurs non accompagnés est tout autre.

Le principe de présomption de minorité n’est pas respecté par la police aux frontières (PAF). Aux frontières franco-italienne et franco-espagnole, les mineurs non accompagnés (MNA) sont encore trop souvent refoulés. La PAF remet en cause leur minorité, malgré la présence de documents en attestant, allant même jusqu’à modifier la date de naissance sur les notifications de refus d’entrée sur le territoire qu’elle délivre. Privés d’un accès aux dispositifs d’évaluation et de mise à l’abri de l’Aide sociale à l’enfance, les MNA sont enfermés illégalement dans des constructions modulaires attenant aux locaux de la PAF, dans des conditions indignes. À la frontière franco-britannique, ils n’ont pas accès aux services de base et sont particulièrement vulnérables aux risques de traite des êtres humains.

Le principe de présomption de minorité n’est pas respecté par les départements. Les évaluations de la minorité et de l’isolement effectuées sont le plus souvent teintées de suspicion et menées à charge. De plus, malgré l’obligation qui leur incombe au titre de l’accueil provisoire d’urgence, certains départements rechignent à mettre à l’abri les MNA. À plusieurs reprises, les associations ont dû saisir le juge des référés pour contraindre les départements récalcitrants à respecter leurs obligations.

"Les évaluations de la minorité et de l’isolement effectuées sont le plus souvent teintées de suspicion et menées à charge"

Le principe de présomption de minorité n’est pas respecté par le gouvernement, qui se refuse à légiférer pour rendre suspensive la saisine du juge des enfants. Lorsqu’un département émet un refus de prise en charge, la mise à l’abri prend fin. Les MNA se retrouvent alors sans protection, sans hébergement, sans aide financière et sans accompagnement sociojuridique. Cette situation, qui peut durer de longs mois, expose les mineurs à l’errance, à la vie à la rue, à des traitements inhumains et dégradants, aux risques de violence et d’emprise des réseaux d’exploitation et de traite.

Aujourd’hui, les MNA en procédure de reconnaissance de minorité dépendent des associations et des réseaux de citoyens solidaires pour accéder à leurs droits, à l’éducation et aux soins.

Les propos de Mme Caubel occultent une réalité : celle des jeunes qui ont saisi le juge des enfants. Ce gouvernement fait le choix de maintenir des mineurs en dehors de toute protection sous prétexte que le doute profiterait à des majeurs. Le principe de présomption de minorité repose sur l’idée selon laquelle il vaut mieux accorder une protection provisoire à un jeune adulte de 18 ou 19 ans – par ailleurs tout aussi isolé et écorché par son parcours d’exil – que de remettre à la rue un enfant de 16 ou 17 ans jugé hâtivement trop “mature” par son évaluateur.

Plusieurs instances internationales et européennes appellent la France à appliquer le principe de présomption de minorité. Emmanuel Macron, alors candidat à sa réélection, déclarait en avril 2022 faire de la protection de l’enfance la seconde grande cause de son quinquennat. Pour que cet engagement présidentiel soit tenu, il faut garantir aux MNA une protection tant qu’un juge n’a pas tranché en dernière instance sur leur minorité.

Le principe de présomption de minorité reste à inscrire dans le droit français. Qu’attend ce gouvernement pour le faire ? »

Voir l’article en ligne : www.lejdd.fr