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Immigration | Mineurs isolés étrangers dans les Alpes-Maritimes : un hôtel réquisitionné à Antibes pour faire face à « l’urgence de la situation »

Publié le 3-02-2023

Date de la publication : 3 février 2023
Source : Libération
Autrice : Mathilde FRENOIS

« Responsable de la protection des mineurs non accompagnés, le département a réquisitionné un hôtel pour les mettre à l’abri, alors que les centres d’urgence saturent. Son président, Charles-Ange Ginésy, réclame leur répartition « sur tout le territoire national ».

Sur les portes vitrées de l’hôtel, des affichettes promettent « wifi » et « snacking », « partage », « confort » et « bien-être ». C’est dans les chambres de cet Appart’City d’Antibes que sont désormais logés 25 mineurs non accompagnés. La préfecture des Alpes-Maritimes a « réquisitionné » l’hôtel. Il s’agit de faire face à « l’urgence de la situation » et à « la saturation des dispositifs d’accueil », formule l’arrêté préfectoral signé mardi.

Les centres d’urgence débordent. Les Alpes-Maritimes arrivent à « une saturation totale des dispositifs d’accueil », indique dans un communiqué le département, qui enregistre « un chiffre record » : plus de 5 000 mineurs non accompagnés ont été pris en charge en un an. « En huit ans, cette prise en charge a été multipliée par 28, précise la collectivité. Actuellement, nous sommes à plus de 700 mineurs hébergés. » Une situation qui s’amplifie depuis le début d’année. Lundi, la préfecture a noté « l’arrivée d’un nombre important de mineurs non accompagnés », sans communiquer davantage de données.

« On ne peut pas laisser des gamins seuls dans la rue »

La frontière franco-italienne est fermée depuis 2015. Malgré les contrôles dans chaque train, sur la route et jusque dans la montagne, les migrants parviennent à entrer sur le territoire français, parfois avec l’aide de passeurs. Frontalier, le département des Alpes-Maritimes se retrouve aux premières loges dans l’accueil des réfugiés car la protection des mineurs non accompagnés relève de sa responsabilité.

L’hôtel est situé à deux pas de la bretelle d’autoroute et de la zone commerciale. Au pied des façades ocre et blanc, des oliviers font de l’ombre au soleil d’hiver. Dessous, trois Egyptiens papotent avec l’agent de sécurité. Ils mesurent une tête de moins. Les trois jeunes ont entre 15 et 16 ans. Ils sont emmitouflés dans leur polaire dont seule la couleur diffère. Arrivé en France il y a dix jours, le trio est désormais placé sous la protection du département, qui a confié cette mission à l’association Agir pour le lien social et la citoyenneté (ALC). Ils peuvent souffler. « On est sur de la mise à l’abri, explique Camille Constans, responsable du développement pour l’association. Quand le mineur n’a pas de représentant légal et qu’il est en situation d’urgence sociale, on inscrit notre action dans la continuité de la protection de l’enfance : hébergement, nourriture et accompagnement par une équipe éducative. »

Si l’évaluation de la minorité confirme ce statut, l’aide est prolongée jusqu’à la majorité. « Il y a une obligation de les prendre en charge, inscrite dans les conventions internationales, rappelle Michel Seonnet, bénévole pour le collectif niçois Tous Citoyens qui soutient les exilés. On ne peut pas laisser des gamins seuls dans la rue à la merci de réseaux. » Selon le collectif, les deux foyers de mise à l’abri du département sont complets. Dans l’attente de l’évaluation de la minorité, 100 jeunes migrants patientent déjà dans des chambres d’hôtel. L’Appart’City d’Antibes n’est qu’un hébergement d’urgence parmi d’autres. « Oui, c’est mieux que la rue. Mais mettre un sparadrap sur une jambe de bois ne solutionnera pas le problème, remet en question David Nakache, président de Tous Citoyens. Nous dénonçons le manque d’anticipation du département. » Il préconise l’ouverture de nouveaux foyers pérennes « pour que les jeunes ne restent pas plusieurs mois sans prise en charge adaptée », eux qui « souffrent de syndrome post-traumatique dû à leur parcours migratoire ».

Bisbilles politiques

L’hébergement d’urgence fait l’objet d’un bras de fer entre l’Etat et le département. Par la voix de son président Charles-Ange Ginésy (LR), les services départementaux se disent "victimes de l’absence d’une politique migratoire européenne coordonnée". Dans une lettre adressée mercredi au garde des Sceaux et au ministère de l’Intérieur, il demande à l’Etat de prendre ses responsabilités, « à l’instar de la “jungle” de Calais ou de l’accueil de l’Ocean Viking à Toulon », pour faire face à l’« immigration massive à la frontière franco-italienne de Menton ». Il réclame une répartition des exilés "sur tout le territoire national"et une réquisition "à grande échelle de sites d’hébergement". Le rapport de force ne s’arrête pas à ce duel. Les élus proches du maire de Nice, Christian Estrosi, en désaccord avec la politique départementale menée par Charles-Ange Ginésy et Eric Ciotti, révèlent dans un communiqué que la ville de Nice s’est vu demander "la mise à disposition des gymnases" : "Les mineurs non accompagnés sont actuellement logés dans des hôtels qui sont plus coûteux pour le contribuable que les places en structures dédiées", pointent-ils. Les bisbilles politiques sont relancées, les querelles administratives reparties. Et les mineurs non accompagnés continuent d’arriver. La réquisition de l’hôtel est prévue "pour un mois". »

Voir l’article en ligne : liberation.fr