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L’Italie condamnée pour le refoulement d’un mineur isolé vers la Grèce

Publié le 11-08-2023

Date de la publication : 11/08/2023
Source : InfoMigrants
Autrice : Maïa Courtois

« Âgé de 17 ans à son arrivée au port de Brindisi, un mineur non-accompagné afghan avait été refoulé vers la Grèce par les autorités italiennes au mois de mars. La Cour de Rome vient de condamner l’État italien pour cette pratique, dite de "réadmission informelle", que les ONG dénoncent sur place depuis des années.

Les ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères italiens viennent d’être condamnés en justice par la Cour de Rome pour avoir refoulé un mineur isolé afghan vers la Grèce. Le jugement, rendu en juillet, vient d’être diffusé publiquement par le tribunal le 9 août.

L’affaire remonte au 16 mars 2023. Le jeune Afghan de 17 ans a été refoulé au port de Brindisi, au sud de l’Italie, via une procédure de "réadmission informelle" vers la Grèce. Autrement dit : il s’est vu refuser la possibilité même de demander l’asile sur le sol italien.

La police aux frontières de Brindisi a indiqué que le mineur avait "nié vouloir demander une protection internationale, signant une déclaration à cet effet". Mais selon les associations, la procédure s’est déroulée "sans présence d’un médiateur linguistique". Lors des appels que le jeune homme a passés aux associations et avocats, ces derniers ont constaté qu’il était retenu dans des conditions indignes au port de Brindisi, "vêtu seulement de sous-vêtements et enfermé dans la cabine d’un navire", et qu’il exprimait "sa peur d’être renvoyé en Afghanistan".

Le temps du refoulement, le jeune homme aurait ainsi été "détenu à l’intérieur d’une cabine" d’un "ferry" puis "transféré dans un autre lieu et remis à la garde d’agents d’un pays étranger", détaille le jugement.

Les "réadmissions informelles" jugées contraires au droit européen

Saisie de cette situation, la juge de la Cour de Rome en charge de l’affaire a considéré que le jeune avait le droit de "présenter une demande de protection internationale en Italie". Les deux ministères ont donc été condamnés à payer les frais du procès, s’élevant à 1 800 euros. Surtout, la Cour a ordonné aux autorités administratives d’autoriser l’entrée "immédiate" du jeune demandeur en Italie, et d’enregistrer sa demande de protection internationale.

Au-delà du cas de ce jeune homme, cette décision de justice condamne la pratique des "réadmissions informelles", prises sur la base d’accords intergouvernementaux. Ce type d’accords permet, par exemple, à la France de refouler vers l’Italie à Montgenèvre ou Menton - des pratiques régulièrement attaquées devant la justice. Entre l’Italie et la Grèce, l’accord bilatéral en question remonte à 1999.

Ce type d’accord n’a jamais été ratifié par le Parlement : il n’est donc jamais entré dans la législation en tant que telle. Par conséquent, ces accords bilatéraux ne doivent pas "déroger aux lois italiennes ou aux réglementations européennes ou internationales en vigueur", réaffirme la Cour de Rome. Et l’accès à la protection internationale pour les mineurs isolés est, en droit européen, garantie partout dans l’UE.

De plus, parce qu’ils reposent sur un simple accord entre deux pays et ne figurent pas dans la loi ou la Constitution, ces accords empêchent les personnes concernés de pouvoir faire appel rapidement d’une décision de refoulement. "L’absence d’une disposition attaquable" revient à "priver la personne" de son droit à un "recours effectif", conclut la Cour de Rome. Et ce, en violation notamment de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Une pratique déjà condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme

Après "deux ou trois jours en cellule au port d’Igoumenitsa", sur la côte ouest de la Grèce, le jeune Afghan a été "transféré dans un centre pour mineurs à Thessalonique", à 300 kilomètres de là, sur la côte est de la Grèce.

Les "violations et lacunes systémiques" dans la prise en charge des mineurs en Grèce sont "considérées comme connues, du moins des opérateurs du secteur", considère le tribunal italien.

De fait, le jeune homme a décrit des "conditions d’accueil insuffisantes" en Grèce, en particulier lorsqu’il a fini par être transféré vers un établissement pour adultes malgré sa minorité.

Cette décision met surtout "en évidence ce qui continue de se passer dans les ports de l’Adriatique", rappelle l’ONG Asgi. À savoir : "les refoulements de demandeurs d’asile et de mineurs non accompagnés, dans la continuité des pratiques pour lesquelles l’Italie a déjà été condamnée". En 2014, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) avait en effet déjà condamné l’État pour ce fait.

Asgi a porté cette affaire en justice aux côtés de No Name Kitchen, Lungo La Rotta Balcanica (membre du Réseau des ports adriatiques) et Equal Rights Beyond Borders. Depuis plusieurs années, ces ONG dénoncent les atteintes au droit d’asile dans les ports italiens.

"Bien que les autorités italiennes aient affirmé à plusieurs reprises que cette pratique avait cessé, nous avons constaté qu’elle se poursuivait pleinement" constatait aussi, huit ans après la condamnation par la CEDH, le consortium de journalistes de Lighthouse Reports. Leur enquête parue en janvier 2023 a mis en lumière la rétention d’adultes mais aussi d’enfants dans des "prisons non officielles, sous la forme de box métalliques et de pièces sombres", dans des navires italiens, pour les refouler vers la Grèce.

Avec cette nouvelle condamnation, les ONG invitent aujourd’hui à redoubler de vigilance pour que la jurisprudence soit, une fois pour toutes, appliquée dans les ports italiens. »


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