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La justice européenne rappelle que les refoulements systématiques aux frontières sont interdits

Publié le 25-09-2023

Date de la publication : 25/09/2023
Source : InfoMigrants
Auteur : Romain Philips

« Dans une décision rendue le 21 septembre, la Cour de justice de l’Union européenne a déclaré que, même si un pays a mis en place des contrôles à ses frontières intérieures, il n’a pas le droit de procéder à des refoulements systématiques à ses frontières. Il doit respecter la directive européenne dite "retour" qui prévoit qu’un ressortissant non européen puisse "bénéficier d’un certain délai pour quitter volontairement le territoire".

Lorsqu’un État membre décide de réintroduire temporairement des contrôles à ses frontières intérieures, peut-il imposer systématiquement un refus d’entrée à tous les ressortissants étrangers illégaux ? Non, a tranché la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) jeudi 21 septembre. Il doit respecter la directive européenne dite "retour". Cette dernière prévoit notamment qu’un ressortissant non européen puisse "bénéficier d’un certain délai pour quitter volontairement le territoire".

Sollicitée par le Conseil d’État français, qui lui-même a été saisi par des associations, la CJUE impose donc par cet arrêt une jurisprudence à tous les pays de l’Union européenne (UE). Et cette décision vise notamment la France car le pays a rétabli des contrôles à ses frontières intérieures depuis 2015. Depuis huit ans, tous les trains passant par Menton sont contrôlés, des policiers filtrent les postes-frontières et patrouillent dans les montagnes de l’arrière-pays. Et depuis le 1er juin, une force frontière est déployée, avec des renforts de personnels, l’appui des militaires de l’opération Sentinelle et de drones à caméras thermiques.

"Exclure à titre exceptionnel"

La France doit donc respecter obligatoirement la directive "retour". "L’éloignement forcé n’intervient qu’en dernier recours", ajoute la Cour.

"Une décision de refus d’entrée peut être adoptée mais, en vue de l’éloignement de l’intéressé, les normes et procédures communes prévues par la directive ’retour’ doivent tout de même être respectées, [...]", écrit la CJUE, mettant ainsi à mal la politique menée à certaines frontières françaises. Elle précise également "qu’exclure les ressortissants de pays tiers qui séjournent irrégulièrement sur leur territoire du champ d’application de cette directive" ne peut se faire qu’à "titre exceptionnel".

Or, depuis plusieurs années, la France est accusée de profiter du retour des contrôles aux frontières pour refouler les migrants qui tentent de pénétrer sur le territoire - même ceux qui viennent y demander l’asile. Dans un rapport paru début août, les équipes de Médecins sans frontières (MSF) basées à Vintimille documentaient par exemple des pratiques de refoulement dans cette zone frontalière entre l’Italie et la France. Des refoulements à caractère "systématique", qui touchent des mineurs non accompagnés, voire séparent des familles, d’après les témoignages recueillis.

"En deux mots, cette décision dit que la France mène une politique illégale de fermeture des frontières", résume Flor Tercero, de l’association pour le droit des étrangers (ADDE), une des associations qui a saisi justice. "Refouler, ça veut dire en quelque sorte, refuser à ces personnes la possibilité de venir en France faire une demande d’asile ou de traverser la France pour aller ailleurs dans l’UE [...] La France depuis 8 ans a décidé de faire des contrôles. Et comme elle a rétabli des contrôles, elle s’est estimée en droit de pouvoir refouler des exilés provenant d’Italie, en particulier".

"Après huit ans de pratiques illégales du gouvernement français en matière de contrôle et d’enfermement des personnes en migration aux frontières intérieures, la CJUE confirme (...) qu’elles sont contraires au droit", ont complété dans un communiqué commun une vingtaine d’organisations.

Pour Flor Tercero, cette décision "est clairement une victoire". "Cela veut dire que le gouvernement ne peut pas passer outre le droit de l’Union européenne". Et l’avocate en droit des étrangers d’appeler le gouvernement français "à prendre des mesures sans attendre".

La France "n’accueillera pas de migrants" de Lampedusa

Car cette décision intervient à un moment où l’attention est rivée sur la frontière franco-italienne. Le ministre de l’Intérieur français, Gérald Darmanin, a annoncé l’envoi de 200 membres des forces de l’ordre supplémentaires à la frontière franco-italienne. Il avait annoncé mardi vouloir faire passer les effectifs sur place de 500 à 700 suite aux arrivées massives sur l’île de Lampedusa, en Italie, ces derniers jours.

Les autorités françaises craignent que l’arrivée de plus de 10 000 personnes dans le hotspot de l’île italienne ces dernières semaines provoquent une augmentation des tentatives de traverser la frontière franco-italienne. Mais la France "n’accueillera pas de migrants" venus de l’île italienne, a déclaré mardi le ministre de l’Intérieur, affichant ainsi la "fermeté" du gouvernement sur ce sujet.

En deux semaines, plus de 3 000 migrants ont été interpellés à Menton, dans les Alpes-Maritimes, a annoncé vendredi Emmanuelle Joubert, directrice départementale de la police aux frontières. Cela porte à 32 000 le nombre d’interpellations depuis le début de l’année le long de la frontière franco-italienne. Et sur ce nombre, 24 000 ont fait l’objet d’une procédure de non-admission et ont été remis aux autorités italiennes

Concernant l’arrêt rendu par la CJUE : "Nous avons été informés. L’État réalise une analyse, nous aurons les instructions plus tard", a expliqué Mme Joubert qui a précisé que les migrants arrivés récemment à Lampedusa ne devraient pas arriver à la frontière française avant "plusieurs semaines". »


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