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Loi « immigration » : le Sénat adopte la suppression de l’aide médicale de l’Etat pour les sans-papiers

Publié le 7-11-2023

Date de la publication : 07/11/2023
Source : Le Monde
Auteur : Le Monde avec AFP

« Les sénateurs ont voté à la place une "aide médicale d’urgence" qui réduit drastiquement le panier de soins remboursés. Pour entrer en vigueur, le dispositif devra être voté à l’Assemblée nationale.

Par 200 voix pour et 136 contre, les sénateurs ont adopté, mardi 7 novembre, la suppression de l’aide médicale de l’Etat (AME), réservée aux sans-papiers, à l’occasion de l’examen du projet de loi "immigration". Le Sénat lui a substitué une "aide médicale d’urgence". Cette suppression pourra toutefois encore être retoquée lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale.

La réforme a été introduite par la droite sénatoriale, mais le gouvernement ne s’y est pas opposé. La ministre déléguée aux professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, a justifié l’abstention du gouvernement par le fait que cette réforme "n’a rien à faire" dans le projet de loi sur l’immigration.

Elle a ouvert la voie à une annulation pure et simple de la mesure par l’Assemblée nationale, qui se penchera à son tour sur le texte à partir du 11 décembre. "Mélanger les débats sur l’AME et le contrôle de l’immigration est un non-sens », a déclaré Mme Firmin Le Bodo au Sénat, en assurant que « le gouvernement est très attaché à l’AME", un "dispositif de santé publique".

Malgré tout, le gouvernement s’en est remis à la "sagesse" des sénateurs sur cette proposition de réforme, réclamée de longue date par la droite.

Instaurée par la gauche en 2000, l’AME accorde une couverture intégrale des frais médicaux et hospitaliers aux étrangers en situation irrégulière présents en France depuis au moins trois mois. Si elle entrait en vigueur, l’aide médicale d’urgence votée mardi par les sénateurs serait "recentrée" sur la prise en charge "des maladies graves et des douleurs aiguës", ainsi que de la prophylaxie, réduisant le panier de soins actuellement accordé à quelque 400 000 bénéficiaires. La mesure doit également permettre la prise en charge des soins liés à la grossesse, les vaccinations et les examens de médecine préventive.

"De vrais risques pour notre système de soins"

L’adoption de l’article de suppression de l’AME a fortement fait réagir les parlementaires de gauche. Le médecin et sénateur écologiste de Paris Bernard Jomier (apparenté PS) a déploré sur X (anciennement Twitter) "une faute sanitaire, morale et économique". La sénatrice (socialiste) de Seine-Saint-Denis Corinne Narassiguin a associé l’avis de sagesse du gouvernement à un "silence complice".

A l’origine, le gouvernement n’avait pas prévu de remettre en question l’AME dans le cadre des discussions entourant le projet de loi "immigration", mais le parti Les Républicains (LR), qui juge le système de santé trop généreux avec les sans-papiers, a profité de sa position de force au Sénat. La droite prétend que l’AME entraîne un "appel d’air" et met en avant son coût : environ 1,2 milliard d’euros.

Gérald Darmanin favorable à la suppression de l’AME

Le 7 octobre, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, s’était dit favorable "à titre personnel", dans Le Parisien, à la mesure réclamée par LR et leur allié centriste au Sénat de "supprimer l’AME et la transformer en AMU". "C’est un bon compromis qui allie fermeté et humanité", jaugeait l’ancien sarkozyste, qui défend cette position depuis une dizaine d’années.
"L’AME n’est pas un facteur d’attractivité pour les candidats à l’immigration dans notre pays", a balayé Agnès Firmin Le Bodo. Si l’aide médicale d’urgence n’était pas retoquée à l’Assemblée nationale, elle entraînerait "de vrais risques pour notre système de soins", a-t-elle expliqué : "Il est préférable de prendre en charge une maladie bénigne, avant qu’elle ne se transforme en pathologie grave, ou avant qu’elle ne se propage."

En revanche, le gouvernement "n’est pas du tout fermé sur l’AME et est prêt à ce que d’autres pistes d’évolution soient explorées", a déclaré la ministre.

Au contraire, le ministre de la santé, Aurélien Rousseau, a fustigé dans l’émission "Quotidien" "une profonde erreur" et "même une faute" des sénateurs. "Nous sommes atterrés", a réagi, de son côté, Médecins du monde, dont les centres de soins en France sont fréquentés à 98 % par des immigrés. L’ONG a estimé sur X (ex-Twitter) que l’article a été adopté "au mépris des arguments de santé publique".

Les sénateurs des Républicains (LR) et leurs alliés centristes ont par ailleurs trouvé mardi un "accord" sur la mesure phare du projet de loi, celle sur les régularisations de travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, ouvrant la voie à une adoption du texte au Sénat, a annoncé le groupe Les Républicains, en début de soirée.

Ce "compromis" entre les deux groupes de la majorité sénatoriale prévoit la suppression de l’article 3 qui permettait l’octroi d’un titre de séjour pour les travailleurs sans papiers dans des secteurs en pénurie de main-d’œuvre, ligne rouge de la droite. Il prévoit également l’ajout de mesures législatives visant à "encadrer" le "pouvoir de régularisation des préfets", selon une demande des centristes. »


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www.lemonde.fr