LES CONDITIONS DU MAINTIEN EN ZONE D’ATTENTE
1. RÈGLES GÉNÉRALES
En vertu de l’article L. 221-3 du CESEDA, « le maintien en zone d’attente est prononcé pour une durée qui ne peut excéder quatre jours par une décision écrite et motivée d’un agent relevant d’une catégorie fixée par voie réglementaire » (Cf. article R. 221-1 CESEDA ci dessous).
DONC : Le maintien en zone d’attente décidé par les agents cités à l’article R. 221-1 CESEDA ne peut excéder 4 jours. Pour toute prolongation de ce maintien, une décision du juge de la liberté et de la détention sera nécessaire (Cf. infra).
L’article R. 221-1 CESEDA dispose que « la décision écrite et motivée prononçant le maintien en zone d’attente d’un étranger, prévue à l’article L. 221-3, est prise par le chef du service de la police nationale ou des douanes, chargé du contrôle aux frontières, ou d’un fonctionnaire désigné par lui, titulaire au moins du grade de brigadier dans le premier cas et d’agent de constatation principal de deuxième classe dans le second ou, à Saint-Barthélemy, par le commandant d’unité de la gendarmerie nationale ou un militaire désigné par lui, titulaire au moins du grade de gendarme.
Dans les aérodromes affectés à titre exclusif ou principal au ministère de la défense, cette décision peut être également prise par le commandant d’unité de la gendarmerie maritime ou de la gendarmerie de l’air ou par un militaire désigné par lui, titulaire au moins du grade de gendarme. »
L’article L.221-3 du CESEDA prévoit également que la décision de maintien en zone d’attente est :
- inscrite sur un registre mentionnant l’état civil de l’intéressé et la date et l’heure auxquelles la décision de maintien lui a été notifiée.
- portée sans délai à la connaissance du procureur de la République. ATTENTION : Lorsque la notification faite à l’étranger mentionne que le procureur de la République a été informé sans délai de la décision de maintien en zone d’attente, cette mention fait foi sauf preuve contraire.
2. LA POSSIBILITÉ D’UNE SAISINE DU JUGE DES ENFANTS OU DU PROCUREUR
- Dans un arrêt en date du 25 mars 2009 (n°08-14125), la Cour de Cassation a précisé que « la zone d’attente se trouve sous contrôle administratif et juridictionnel national ».
EN CONSÉQUENCE : Le mineur isolé étranger maintenu en zone d’attente ou l’administrateur ad hoc qui lui a été désigné peuvent saisir le juge des enfants territorialement compétent (au même titre que les mineurs isolés étrangers admis sur le territoire) afin qu’il intervienne en prononçant des mesures d’assistance éducative sur le fondement des articles 375 et suivants du Code Civil « si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur [...] sont en danger ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ».
Le placement à l’Aide Sociale à l’Enfance d’un mineur isolé étranger maintenu en zone d’attente est donc possible.
Voir également CA Paris, 7 décembre 2004 : « Considérant que les articles 375 et suivants du Code Civil sont applicables sur le territoire français à tous les mineurs qui s’y trouvent, quelque soit leur nationalité ; Qu’au moment où il avait saisi le juge pour enfants, H. H., bien qu’il ait fait l’objet d’une décision de refus d’admission sur le territoire français et de placement en zone d’attente, se trouvait, de fait, sur le territoire français ; Que les articles 375 et suivants lui étaient donc applicables »
Dans une décision en date du 21 février 2014 N°14/00545, la Cour d’appel de Paris se base sur l’avis exprimé par l’administrateur ad hoc représentant la mineure. La Cour considère alors que « l’intérêt supérieur de l’intéressée est de saisir le parquet des mineurs près le Tribunal de grande instance de Bobigny afin qu’il puisse prendre toute mesure pour assurer la protection de Mlle D. sur le territoire français. En conséquence il apparaît qu’il n’y a pas lieu de maintenir la mineure appelante en zone d’attente. »
Néanmoins, la Cour d’appel de Paris avait également rappelé, dans un arrêt en date du 19 avril 2013, N°1301283, que « la minorité d’un ressortissant étranger ne constitue pas en soi un empêchement au placement de l’intéressé en zone d’attente. »
ATTENTION : Sur la décision du juge des enfants concernant un mineur placé en zone d’attente :
- le seul fait d’être maintenu en zone d’attente suffit à caractériser l’urgence au sens de l’article 375-5 du Code Civil
- la situation de danger du mineur doit être analysée aussi bien au regard de sa situation actuelle en zone d’attente qu’au regard de sa situation prochaine en cas de retour son pays d’origine
- si une décision de placement au titre de l’enfance en danger est décidée par le juge des enfants, il n’y a plus lieu de maintenir le mineur concerné en zone d’attente. La décision de prise en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance entraîne donc la sortie immédiate du mineur de la zone d’attente
ATTENTION : Le mineur n’est cependant pas présumé être en danger du fait de son maintien en zone d’attente ou du refoulement vers son pays d’origine. La Cour d’appel rappelle que l’intervention du juge des enfants reste subordonnée à la preuve d’un danger encouru par le mineur (au sens de l’article 375 du CC ).
De la même manière, l’administrateur ad hoc peut saisir le Procureur de la République dès lors qu’il estime que l’enfant est en danger.
LA PROLONGATION DU MAINTIEN EN ZONE D’ATTENTE (ARTICLES L.222-1 ET L.222-2 du CESEDA )
En vertu de l’article L222-1 du CESEDA, « le maintien en zone d’attente au-delà de quatre jours à compter de la décision initiale peut être autorisé, par le juge des libertés et de la détention, pour une durée qui ne peut être supérieure à huit jours ».
Une prolongation supplémentaire du maintien en zone d’attente est toutefois prévue par l’article L222-2 CESEDA « à titre exceptionnel ou en cas de volonté délibérée de l’étranger de faire échec à son départ ».
Cette prolongation supplémentaire du maintien en zone d’attente au-delà de 12 jours peut être renouvelée mais doit être prononcée par le Juge des Libertés et de la Détention (JLD) et ne peut excéder 8 jours.
DONC : a priori, la durée maximale du maintien en zone d’attente est de 20 jours (les 4 jours de maintien initial en zone d’attente auxquels s’ajoutent deux éventuelles prolongations de 8 jours décidées par le JLD)
La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt en date du 13 avril 2013, N°1301217 considère que « lorsque l’administration du pays d’origine a été saisie dans le cadre du maintien en rétention d’un mineur, le fait de ne pas donner le moindre élément sur une date de réponse possible ne justifie pas le renouvellement du maintien en zone d’attente au-delà de 12 jours. »
De plus, le fait que la personne maintenue en rétention soit mineure ne peut être un élément constitutif d’un refus de prolongation du maintien en zone d’attente.
En effet, la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt en date du 12 décembre 2013, N°1303838 considère que : « ne saurait se fonder sur la seule minorité de l’étranger pour refuser une prolongation du maintien en zone d’attente étant observé que la seule distinction opérée par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile concernant le placement d’un mineur consiste en la désignation d’un administrateur ad hoc, condition remplie au cas d’espèce. »
TOUTEFOIS : Une prorogation du délai de maintien en zone d’attente est possible lorsque :
- « l’étranger dont l’entrée sur le territoire français a été refusée dépose une demande d’asile dans les six derniers jours de cette nouvelle période de maintien en zone d’attente » (prorogation de 6 jours supplémentaires à compter du jour de dépôt de la demande)
- « l’étranger dont l’entrée sur le territoire français au titre de l’asile a été refusée dépose un recours en annulation sur le fondement de l’article L. 213-9 dans les quatre derniers jours de la période de maintien en zone d’attente fixée par la dernière décision de maintien » (prorogation de 4 jours supplémentaires à compter du jours de dépôt du recours)
En vertu de l’article L222-3, c’est l’autorité administrative qui demande la prolongation du maintien en zone d’attente au JLD et qui doit en exposer les raisons dans sa saisine.
À noter :
- le JLD compétent pour statuer sur la prolongation du maintien en zone d’attente est soit le président du Tribunal de Grande Instance soit un juge désigné par lui).
- Le JLD doit statuer « dans les vingt-quatre heures de sa saisine ou, lorsque les nécessités de l’instruction l’imposent, dans les quarante-huit heures de celle-ci par ordonnance, après audition de l’intéressé, ou de son conseil s’il en a un, ou celui-ci dûment averti ». (Article L222-3 du CESEDA)
Les juges ont établi différents motifs de prolongation de maintien en zone d’attente.
La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt en date du 7 mai 2013 N°1301494, a considéré qu’« en l’absence d’éléments sur son identité réelle et de garanties aux fins de son réacheminement, dans l’hypothèse où il ne serait pas admis sur le territoire, il y a lieu, dans l’intérêt supérieur du jeune étranger qu’il convient de protéger de l’action de réseaux d’exploitation des mineurs, de prolonger son maintien en zone d’attente. »
LA SORTIE DE LA ZONE D’ATTENTE
Les différentes possibilités de sortie de la zone d’attente pour les mineurs isolés étrangers sont les suivantes :
- le départ forcé (le refoulement)
À noter : les mineurs étrangers peuvent au même titre que les majeurs faire l’objet d’expulsion en zone d’attente. Ils bénéficient toutefois de la protection liée au "jour franc" (Cf. Article Les droits des mineurs isolés étrangers placés en zone d’attente)
- le départ volontaire de l’étranger hors de France
- la mise en liberté par le Juge des Libertés et de la Détention refusant la prolongation du maintien en zone d’attente ou pour des motifs tenant à l’irrégularité de la procédure
- la libération par la police de l’air et des frontières (PAF) lorsque le délai maximum de rétention a été atteint ou pour d’autres motifs tels que la nécessité d’une hospitalisation
- la mise en liberté sur ordre du parquet ou par le juge des enfants si sa santé, sa sécurité ou sa moralité sont menacées (art 375 du CC) (plus rarement)
- l’admission sur le territoire au titre de l’asile ou à titre exceptionnel pour des motifs humanitaires (enfant très jeune, famille en France, ...)
- L’étranger autorisé à entrer sur le territoire français est muni d’un visa de régularisation de 8 jours ("sauf-conduit"), le temps pour lui de déposer une demande de carte de séjour auprès de la préfecture ou d’enregistrer sa demande d’asile.
CEPENDANT : cette particularité ne concerne pas les mineurs isolés étrangers.