Source : ASH
Date : 20 février 2019
Auteure : Marion ESQUERRÉ
Extraits :
« En complément de l’enquête "Enfants et familles sans logement personnel en Ile-de-France", publiée en 2014 par l’Observatoire du Samusocial de Paris, une nouvelle étude s’intéresse spécifiquement aux existences quotidiennes des adolescents hébergés en hôtel social. Une occasion, pour le Défenseur des droits, de réitérer ses recommandations.
Entre avril 2017 et mai 2018, les auteurs de "Adolescents sans-logement. Grandir en famille dans une chambre d’hôtel" ont réalisé entre un et six entretiens avec 36 adolescents, dont six résidaient dans l’agglomération de Tour. Les 30 adolescents franciliens ont connu 92 hôtels différents dans 65 communes, selon les données issues du Samusocial de Paris. Mais ce chiffre, déjà révélateur de la mobilité subie par ces jeunes, ne prend pas en compte les autres formes d’hébergement et les changements qu’ils ont pu connaitre en amont ou entre deux hôtels sociaux : hébergement chez un tiers, en campements, en CHRS, en centre d’hébergement d’urgence, en hôtels non enregistrés, ou encore changements de chambre au sein d’un même établissement. Après avoir, pour la plupart, vécu l’expérience migratoire et des ruptures familiales, "à plus d’un titre, l’instabilité résidentielle [...] place [ces adolescents] en situation de vulnérabilité, car ils font face à la quasi-impossibilité de s’en protéger", notent les auteurs de l’étude.
L’hôtel contraint et isole
Ils ont pu constater, au fil des entretiens, combien la vie en hôtel empêchait les adolescents de s’ancrer dans un territoire, du fait de la mobilité régulière, mais également de l’implantation même des établissements, pour une majorité d’entre eux situés en zone non habitée et souvent éloignés des lieux de scolarisation.
(...) "Au quotidien, les adolescents [sont] aussi [exposés] à la co-présence forcée avec les autres membres de la famille. Quasi permanente, elle limite fortement leur marge de manœuvre, entre les nécessités impérieuses des plus jeunes et les exigences des parents au regard desquels ils ne peuvent se dérober", soulignent les auteurs. L’adolescence devrait être pourtant la période de "la prise d’autonomie, acquise notamment en élaborant un "petit monde" à l’intérieur de sa chambre", rappellent-ils.
(...) Au ce titre, insistent les auteurs, "la privation permanente ou intermittente d’accès est lourde de conséquences".
Des ados aux prises avec des problèmes d’adultes
Autre source de difficultés : dans la moitié des cas, les parents des enfants interrogés ne travaillaient pas. Dans l’autre moitié, les travaux occupés sont très précaires : quelques heures déclarées, par semaine, ou des travaux journaliers non déclarés. "L’impossibilité, pour un grand nombre, de travailler se conjugue à des difficultés d’accès aux prestations sociales, en raison de leur statut administratif mais également de la complexité des démarches à effectuer", notent les auteurs. La gestion fine du budget des familles – consacré essentiellement à la nourriture – est souvent le fait des mères. Toutefois, insistent les auteurs, les adolescents eux-mêmes sont très au fait des difficultés quotidiennes, notamment budgétaires, parce qu’ils la vivent – et s’auto-restreignent -, assistent aux discussions parentales et participent aux démarches administratives.
L’importance des démarches administratives au quotidien entraîne de nombreuses absences scolaires, "qui ne sont pas sans conséquences sur leurs résultats et leur insertion dans les réseaux de sociabilité", insistent les auteurs. En outre, elle participe grandement du phénomène d’"inversion des rôles familiaux", qui place ces adolescents en situation de s’occuper de leurs parents. "Nombre d’entre eux décrivent des parents diminués physiquement et moralement, dont ils doivent prendre soin, rapportent les auteurs. Réciproquement, très peu d’adolescents bénéficient de moments de complicité avec leurs parents, de temps où ils peuvent partager des activités avec eux", et même les repas.
Renvoi aux recommandations du Défenseur des droits
"L’étude met en évidence les effets délétères de la vie en hôtel sur les relations familiales et amicales, la scolarité et la santé des adolescents", résume le Défenseur des droits, qui a soutenu ce travail. Dans un communiqué, il a tenu à réaffirmer certaines de ses recommandations sur la prise en charge de ces enfants et de leurs familles : développer des alternatives à l’hébergement en hôtel social, qui soient adaptées à toute la famille ; limiter l’orientation des familles vers les hôtels inadaptés aux besoins fondamentaux des enfants ; assurer le droit à l’éducation, aux loisirs et à la santé des enfants ; prendre en compte les lieux de scolarisation et les calendriers scolaires dans les décisions d’orientation et réorientation. »