Source : France terre d’asile
Date : octobre 2019
Présentation :
« L’immigration était au cœur de la visite de d’Emmanuel Macron à Mayotte, le 22 octobre. Mais quelle est la situation migratoire en Outre-mer, et plus particulièrement à Mayotte et en Guyane ? Quelles mesures dérogatoires s’appliquent dans ces territoires, et quelles sont les conséquences sur leurs conditions de vie et les droits des étrangers sur place ? Pourquoi la situation des mineurs isolés étrangers est-elle tout particulièrement alarmante ? Comment les associations tentent-elles enfin de compenser ces défaillances ?
Le dernier numéro de la Lettre de l’Asile et de l’Intégration revient sur ces questions afin de proposer une vue d’ensemble de la thématique de l’asile en Outre-mer. »
Sommaire :
« P. 2 L’asile en Outre-mer, un « régime d’exception »
P. 4 Mayotte, des « atteintes graves aux droits des étrangers »
P. 5 La parole à Mouhamadi Assani, directeur adjoint de l’association Solidarité Mayotte
P. 6 Guyane : forte demande d’asile et moyens limités
P. 7 Les mineurs isolés en Outre-Mer, un public vulnérable « invisible » ?
Bien que bénéficiant de droits spécifiques du fait de leur minorité, les mineurs isolés étrangers (MIE) en Outre-mer sont pourtant victimes de la non-application de nombreuses dispositions légales ainsi que de multiples défaillances des mécanismes de protection de l’enfance. Livrés à eux-mêmes, ils échappent bien souvent au radar des administrations et accumulent les vulnérabilités.
Si les droits de l’enfant sont universels, reconnus par la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) et protégés à l’échelle nationale par le Code de l’action sociale et des familles (Casf), ils ne sont pourtant bien souvent pas appliqués au cas des MIE en Outre-mer. Le dispositif de mise à l’abri et d’évaluation de l’âge, première étape de la prise en charge des mineurs isolés inscrite dans la loi de mars 2016, y est en réalité largement sous-développé. À Mayotte, par exemple, la cellule chargée de l’évaluation ne traite que 20 % des signalements qu’elle reçoit, et seuls 223 jeunes ont été confiés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) en 2018 – pour comparaison l’Observatoire des MIE en avait comptabilisé 4 446 en 2016. De même, seuls 15 enfants ont vu leur minorité reconnue en Guyane en 2016. Aucun chiffre précis n’est disponible pour les autres DROM-COM. Faute d’être repérés par les départements, ces jeunes ne font bien souvent pas l’objet d’une mise à l’abri et d’une prise en charge par l’ASE.
Par ailleurs, les départements d’Outre-mer sont également marqués par une véritable défaillance des services de l’ASE qui n’ont pas les moyens d’accueillir ces mineurs. À Mayotte et en Guyane, les mineurs isolés sont presqu’exclusivement placés en famille d’accueil, dispositif moins coûteux mais dont la saturation force le développement de dispositifs dérogatoires : familles non formées, non accompagnées, accueillant parfois jusqu’à 11 enfants. Si un premier lieu de vie et d’accueil a été ouvert à Mayotte en décembre 2018, le nombre d’assistants familiaux ne permet néanmoins pas d’accueillir l’ensemble des enfants dans des conditions satisfaisantes. De même, les systèmes scolaires ne disposent pas de suffisamment de places pour l’ensemble des élèves : les Français sont généralement priorisés par rapport aux MIE. À Mayotte, on estime que 2 300 jeunes isolés ne sont pas scolarisés.
Les conséquences sont ensuite durables. Les mineurs non pris en charge sont forcés de vivre dans la rue ou dans des bidonvilles, où ils sont exposés à des risques de violences et d’exploitations (travail forcé, réseaux de vol ou de prostitution). Cette situation favorise également leur plongée dans une délinquance, de survie d’abord puis plus grave, notamment en Guyane où le nombre de mineurs isolés (étrangers ou non) suivis par la Protection judiciaire de la jeunesse est passé de 900 en 2011 à 1 000 en 2016. Ces enfants connaissent par la suite de véritables obstacles d’accès au séjour, les conditions requises par la loi étant pratiquement impossibles à atteindre compte tenu de leur « invisibilité » administrative, du faible taux de scolarisation et de certaines mesures dérogatoires s’appliquant à Mayotte, notamment la remise en cause du droit du sol par la loi « asile et immigration » de 2018. Des associations s’efforcent néanmoins de compenser cela, par exemple l’association Solidarité Mayotte qui accompagne actuellement 209 MIE demandeurs d’asile dans leurs démarches.
Alors que l’article 3 de la CIDE dispose que « l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale », le Défenseur des Droits en 2016 puis la CNCDH en 2017 ont vivement appelé les pouvoirs publics à agir « en urgence », afin de rendre leur visibilité et leurs droits à ce public en situation d’extrême vulnérabilité.
P. 8 Actualités juridiques et sociales »