Source : Défenseur des droits
Date : Décision 2019-255 du 16 octobre 2019
Résumé :
« Le Défenseur des droits a été saisi d’une réclamation relative aux difficultés rencontrées par une jeune fille se prétendant mineure non accompagnée à bénéficier d’une mesure de tutelle d’État.
Arrivée sur le territoire français en août 2018, la jeune fille a bénéficié d’une première évaluation réalisée par le dispositif d’évaluation des mineurs isolés étrangers (DEMIE) de Paris. Le rapport d’évaluation a conclu à sa minorité.
Par ordonnance de placement provisoire du 24 août 2018, le procureur de la République de Paris, en application du principe de répartition nationale, l’a confiée à l’aide sociale à l’enfance d’un autre département, dans lequel elle a fait l’objet d’une seconde évaluation ayant conclu : « au terme de cette évaluation et devant la reconnaissance d’une demande de visa avec une date de naissance autre que celle déclarée, la minorité par Vanessa ne peut être retenue. Son isolement en France et en Europe n’est pas remis en question ».
Par ordonnance du 18 septembre 2018, le juge des enfants a confirmé le placement de la jeune fille pour une durée de six mois, jusqu’au 18 mars 2019.
Le 26 septembre 2018, le président du conseil départemental a sollicité du juge des enfants un non-lieu à assistance éducative et la clôture du dossier sur le fondement de la nouvelle évaluation réalisée par ses services.
Par ordonnance du 26 novembre 2018, le juge aux affaires familiales chargé des tutelles des mineurs a dit n’y avoir lieu à mesure de tutelle concernant l’intéressée, sans que celle-ci ne soit entendue, ni informée de l’audience.
Par jugement du 3 décembre 2018, le juge des enfants a, sans avoir convoqué la jeune fille et sans avoir tenu d’audience, ordonné la mainlevée de la mesure de placement au motif que « la procédure de police présente un fichier VISABIO avec comme date de naissance le 13 avril 1999 ».
La jeune fille a interjeté appel de ce jugement. C’est dans le cadre de la procédure devant la cour d’appel qu’elle a eu connaissance du fait qu’une ordonnance avait été rendue par le juge en charge des tutelles des mineurs le 26 novembre 2018. Elle a, par l’intermédiaire de son conseil, interjeté appel de ladite ordonnance.
Le Défenseur des droits a décidé de présenter des observations devant la cour d’appel, aux termes desquelles :
- Il a considéré que la décision faisant l’objet du présent appel n’a respecté ni le contradictoire, ni les droits de la défense, et paraît donc entachée de nullité ;
- Il a rappelé qu’il convient de tenir compte de l’intégralité du contenu des deux rapports d’évaluation, ainsi que de leurs manques, pour en apprécier la portée. Or, ces deux rapports contiennent différents éléments en faveur de la minorité de la jeune fille.
- Il a rappelé que, n’ayant pas été entendue par le juge des tutelles, la jeune fille n’a pas été en mesure de produire les actes d’état civil dont elle dispose, qui n’ont fait l’objet d’aucune procédure d’authentification, et qui doivent donc, conformément à l’article 47 du code civil, bénéficier de la présomption d’authenticité.
- Il a rappelé que la correspondance Visabio ne permet pas d’écarter les documents d’état civil que la jeune fille possède et de remettre en cause son identité et, partant, sa minorité. »
Suivi de la décision :
« Le dossier a fait l’objet de plusieurs renvois. Il devait initialement être examiné lors de l’audience du 6 janvier 2020. Toutefois, compte tenu du mouvement de grève des avocats, un renvoi a été ordonné au 30 mars 2020. Compte tenu de l’état d’urgence sanitaire, l’affaire a été renvoyée au 29 mai 2020.
La jeune fille se disant née le 13 avril 2002, elle était donc majeure lors de l’audience. Dans ces conditions,la cour d’appel d’Angers a constaté que le recours exercé contre la décision de non-lieu à tutelle rendue le 26 novembre 2018 est devenu sans objet. »
Décision à retrouver en format pdf ci-dessous :