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« Certains jeunes migrants ne savent pas quand exactement ils sont nés »

Publié le 14-11-2018

Source : La Croix

Auteur : Laureline Dubuy

Extraits :

«  ENTRETIEN Maître Serge Donzel, avocat spécialiste des droits des étrangers accompagne les jeunes migrants qui saisissent la justice pour faire reconnaître leur minorité et être pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE).

La Croix : À quel moment rencontrez-vous les jeunes migrants ?

Serge Donzel  : Des associations font appel à moi lorsque de jeunes migrants, qui n’ont pas été reconnus mineurs par le département des Deux-Sèvres, veulent déposer un recours devant le juge des enfants du tribunal de grande instance de Niort. (...)

Sur quels éléments vous basez-vous pour contester la décision du département et donc demander une prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) ?

S.D. : D’après ce que me disent les jeunes, leur entretien d’évaluation de la minorité dure en moyenne une demi-heure et est mené le plus souvent par une seule personne, exceptionnellement par deux. (...)

Ce qui est gênant c’est que les conclusions de ces entretiens sont subjectives, à partir du moment où ils sont menés par un seul professionnel, sans concertation. Certains critères d’évaluation ne peuvent pas non plus constituer des preuves suffisantes pour démontrer qu’un jeune n’est pas mineur. Les jeunes vont par exemple être jugés sur leur développement « staturo-pondéral », c’est-à-dire sur leur apparence physique. À ce sujet, la cour d’appel de Poitiers a eu l’occasion de dire que ces jeunes ont un parcours tellement traumatisant, qu’ils sont usés physiquement et vieillissent prématurément.

Autre exemple, certains sont évalués trop autonomes pour être mineur, mais chez ces jeunes l’autonomie est également liée à ce qu’ils ont vécu. On ne peut pas comparer un jeune migrant qui a parcouru parfois des centaines de kilomètres au péril de sa vie avec un jeune Français sans histoire. J’insiste systématiquement sur le fait que les évaluations doivent être menées de façon collégiale et dans la bienveillance ce qui n’est pas toujours le cas. Beaucoup de dossiers que je traite sont également basés sur les documents d’identité.

J’ai gagné tous mes premiers recours car le département jugeait ces jeunes « non mineurs » alors même qu’ils présentaient des documents d’identité précisant qu’ils avaient moins de 18 ans. Le département considérait arbitrairement leurs documents comme étant des faux sans avoir pris la précaution, au préalable, de faire vérifier leurs documents d’identité par les services de la fraude documentaire. (...) Aujourd’hui, le département des Deux-Sèvres semble avoir fait évoluer sa politique en demandant une expertise des documents d’identité qui lui sont présentés.

Mais lorsqu’ils arrivent à Niort, tous ces jeunes ne disposent pas forcément de documents d’identité…

S.D. : Non, en effet, car ils quittent en général leur pays dans la précipitation. Certains d’entre eux n’ont même jamais eu de documents d’identité entre les mains et ne savent pas exactement quand ils sont nés. La recherche se fait la plupart du temps depuis Niort, par les jeunes eux-mêmes, aidés par les bénévoles de l’association Migr’action 79, car ils savent que cela peut être un élément déterminant devant le juge des enfants. De mon côté, je peux être amené à contacter les ambassades, notamment pour faire légaliser les actes de naissance des jeunes que je défends.

À partir du moment où ils ne sont pas reconnus comme mineurs par le département, combien de temps ces jeunes ont-ils pour faire valoir leurs droits ?

S.D. : C’est très variable. Une fois qu’ils ont déposé leur recours devant le juge des enfants du tribunal de grande instance de Niort, ces jeunes attendent parfois plusieurs mois une date d’audience… Plusieurs mois durant lesquels ils ne sont plus pris en charge et sont livrés à eux-mêmes. (...)

Les jeunes que je reçois ont entre 15 et 18 ans et la rétroactivité ne s’applique pas. Si la date d’audience devant le juge des enfants du tribunal de grande instance de Niort, ou dans un deuxième temps devant la cour d’appel de Poitiers, est fixée après la majorité du jeune, la justice considère que sa demande est caduque. La procédure judiciaire s’arrête donc net. Pour moi, c’est un déni de justice, en ce sens qu’on nie le droit du jeune de faire valoir qu’il est mineur et de bénéficier d’une protection qui lui est, à ce titre, due.  »

Voir en ligne : https://www.la-croix.com/France/Imm...