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Réfugiés en Grèce : “Les enfants ont le regard de ceux qui ont perdu tout intérêt pour la vie”

Publié le 13-12-2019

Source : Les Inrocks

Auteur : Amélie Quentel

Extraits :

«  Médecins sans frontières (MSF) alerte depuis des années sur les conditions de vies inhumaines dans les camps de réfugié.e.s des îles grecques. Enfants aux pensées suicidaires, politiques européennes délétères... Le président international de l’ONG, le docteur Christos Christou, revient pour “Les Inrocks” sur cette situation, tout en enjoignant l’UE d’agir.

A priori, il n’y a pas plus oxymorique que les mots “enfant” et “suicide”. Et pourtant, d’après le témoignage du président international de Médecins sans frontières (MSF) Christos Christou, sur les îles grecques, des petits garçons et des petites filles réfugié.e.s sont de nos jours confronté.e.s à des pensées suicidaires - trois enfants ont même tenté de mettre fin à leurs jours cet été d’après l’ONG. En cause : les conditions de vie inhumaines sur les camps installés sur les îles de Lesbos ou encore de Samos, où, selon MSF, près de 40 000 personnes vivent. En effet, la Grèce est redevenue, depuis 2019, le pays par où arrivent le plus de migrants tentant de se réfugier dans d’autres pays européens.

Si les autorités grecques ont annoncé mi-novembre qu’elles comptaient évacuer d’ici la fin 2019 les trois camps les plus surpeuplés en les remplaçant par des structures fermées, Christos Christou, chirurgien de profession, appelle de son côté à une “évacuation immédiate” de ces endroits dont il est revenu “profondément choqué”. Mineur.e.s s’auto-mutilant, crise humanitaire, “faillite collective des états européens”... Dans un entretien aux Inrocks, le docteur Christou fait le point sur la situation tout en appelant l’Union européenne a, enfin, “traiter ces personnes comme des humains plutôt que comme un fardeau”.

(...)

Quelle est la situation des personnes réfugiées actuellement en Grèce ? Particulièrement pour les enfants ? Dans votre lettre, vous évoquez des cas d’auto-mutilation ou des pensées suicidaires chez des jeunes garçons et filles, quand vos collègues basés sur place, eux, évoquent même des tentatives de suicide…

C’est très difficile de trouver les mots pour décrire la situation. Dans certaines sections du centre d’accueil pour réfugiés du camp de Moria (Lesbos), il y a par exemple une latrine pour 200 personnes. Sur l’île de Samos, c’est une pour 300 personnes, alors que les standards internationaux du HCR prévoient une latrine pour 20 personnes. A Samos, certaines personnes n’ont même pas accès à suffisamment d’eau potable, MSF a donc dû installer un système de camions citernes - soit des dispositifs que nous mettons habituellement en place dans les pays en voie de développement, lors de graves situations d’urgence.

(...)

Concernant les enfants, nos équipes sont les témoins des dommages de long terme qui leur sont infligés. Un des psychologues m’a parlé d’un garçon de 12 ans qui, ayant perdu toute forme d’espoir, avait commencé à se couper le visage avec un couteau : à travers ces souffrances auto-infligées, il essayait de trouver un sens à sa situation, qui n’en a justement aucun. Ce n’est qu’un exemple parmi les nombreuses situations désespérées d’enfants, qui en viennent à s’automutiler ou à avoir des pensées suicidaires.

En tant que chirurgien impliqué auprès de MSF, je me suis rendu dans des pays marqués par des conflits, et j’ai déjà été exposé à de nombreuses situations très dangereuses. J’ai été confronté à énormément de souffrance humaine. Et le plus difficile est toujours de regarder les yeux des petits enfants. Dans leur regard, vous pouvez voir la peur, la souffrance, ou encore le dénuement. Mais ce que j’ai vu en Grèce est pire : chez les enfants, là-bas, j’ai vu des regards vides. Le regard d’enfants qui ont perdu tout intérêt pour la vie, un regard sans espoir. Ce qui me rend dingue, c’est que ces enfants ont fui des zones de guerre, mais que c’est en Europe qu’ils ont perdu leur enfance.

Selon l’UNICEF, 23 000 enfants (réfugiés ou demandeurs d’asile) sont arrivés en Grève, en Italie et en Espagne en 2018. Et selon la Convention internationale des droits de l’enfant, tout enfant a le droit à une protection jusqu’à sa majorité. En Grèce actuellement, c’est donc loin d’être le cas…

Les enfants demandeurs d’asile qui arrivent en Grèce sont confrontés à un système de négligence, qui ne leur garantit ni un endroit sûr pour dormir, ni de la nourriture, ni un accès aux services médicaux. En tant que docteur, c’est de ma responsabilité de protéger les enfants abusés ou maltraités, de même que de rapporter de telles situations. Cependant, pour de nombreux enfants à Athènes, mais aussi pour ceux retenus sur les îles grecques, le système étant censé les protéger les met plutôt en danger. (...)  »

Voir en ligne : https://www.lesinrocks.com/2019/12/...