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Mineurs isolés à Toulouse : le coup de gueule des avocates contre l’hypocrisie et l’immobilisme des autorités publiques

Publié le 13-09-2022

Date de la publication : 13/09/2022
Source : Médiacités
Auteur : Un collectif d’avocates et d’avocats toulousains

« Une quinzaine d’avocates et d’avocats dénoncent « les propos mensongers » diffusés par les autorités locales avec « la complicité » de certains titres de la presse toulousaine. Ils appellent le département, la mairie et la préfecture à cesser de transgresser le droit et de soumettre des mineurs à des traitements inhumains et dégradants.

Une centaine de jeunes exilés campent sur les pelouses des allées Jules Guesde à Toulouse, depuis l’évacuation du bâtiment qui les hébergeait, le 26 août dernier. Une décision prise par la mairie de Toulouse qui a souhaité mettre fin à son dispositif d’accueil des jeunes exilés isolés dont le conseil départemental de Haute-Garonne ne reconnaît pas la minorité. Et ce, quitte à mettre plusieurs dizaines de personnes à la rue. Pourtant, les recours engagés par ces jeunes aboutissent dans la majorité des cas à une reconnaissance de leur minorité par les juges des enfants et à leur prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance. Une situation absurde et contraire au droit que dénoncent les avocats intervenants auprès des jeunes exilés.

« Une bonne nouvelle pour la République ». C’est en ces termes que le maire de Toulouse décrivait le 27 août dernier la remise à la rue d’une centaine de mineurs isolés. Ainsi donc est-il toujours possible de trouver en 2022 des responsables politiques qui se réjouissent de voir vivre et dormir dehors dans la plus grande précarité une centaine d’adolescents.

Et, ajouterions-nous, qu’importe leur âge, un campement de fortune installé sous les fenêtres du tribunal judiciaire dans la quatrième ville de France, cinquième puissance économique mondiale, est bien plus une balafre honteuse pour une République déjà défigurée qu’une heureuse nouvelle, n’en déplaise à ceux dont le fonds de commerce consiste à ne pas manquer une occasion de tirer sur cet autre qui n’en finira donc jamais de déranger « l’identité nationale ».

Des propos mensongers dans la presse
Le déversement récent dans la presse de propos mensongers, approximatifs et hypocrites de la part des institutions publiques locales témoigne là encore de leur sens des priorités, déjà tristement connues des acteurs de terrain. L’instrumentalisation de la situation des mineurs isolés (et désormais sans abri) se fait ainsi au détriment du droit et notamment du respect de l’ordre public, dont il n’est pas inutile de rappeler qu’il ne se résume pas – encore – à son volet sécuritaire, mais garantit également la protection de la dignité humaine.

Derrière les prétendus vœux pieux d’aboutir à des solutions partenariales et tripartites, préfecture, mairie et conseil départemental jouent en réalité un bras de fer institutionnel dans lequel chacun campe sur ses positions minimalistes pour s’assurer qu’il lui en coûtera le moins possible et, avec un peu de chance, qu’il ne lui en coûtera rien du tout.

En attendant, et depuis désormais trop longtemps à Toulouse – et ailleurs –, la survie des mineurs isolés continue d’être assurée non par l’État ou ses déclinaisons locales, mais bien par la solidarité populaire qui s’organise pour pallier la défaillance cynique et sciemment organisée du dispositif de protection de l’enfance.

La présomption de minorité, balayée. Le droit à un recours effectif, oublié. Le droit à la protection contre les traitements inhumains et dégradants, superflu. Le droit au respect de la dignité humaine, obsolète. L’intérêt supérieur de l’enfant, saugrenu. Violation du droit et hypocrisie, encore, lorsque ces administrations se retranchent derrière l’argument simpliste de l’exécution de la décision du tribunal administratif ayant prononcé l’expulsion du bâtiment dans lequel, jusqu’alors, ces mineurs avaient été mis à l’abri.

Avec la complicité d’une large partie de la presse locale reprenant sans vergogne ni nuances cette rhétorique, allant jusqu’à titrer qu’un squat a été évacué, l’on en viendrait presque à oublier d’abord, que le lieu de refuge qui existait jusqu’à présent était un bâtiment vide mis à disposition par le maire de Toulouse lui-même ; ensuite, que le tribunal avait conditionné l’expulsion du bâtiment à ce que des propositions de relogement soient adressées à chacun des jeunes, lesquelles, bien entendu, ne sont jamais intervenues pas plus qu’elles n’ont été sérieusement envisagées.

Un conseil départemental dans le déni
Entendre désormais le préfet de la Haute-Garonne inviter ces mineurs à se présenter au conseil départemental pour une évaluation de minorité, quand tous ont déjà été mis à la rue par ce même conseil départemental après qu’ils aient accompli cette démarche, prêterait à sourire si la situation n’était aussi révoltante.

Ce conseil départemental qui continue dans le déni le plus complet de qualifier les mineurs du campement de majeurs. Mais les faits sont têtus : l’écrasante majorité des évaluations conduites sous l’autorité du département sont remises en cause par le juge des enfants, aboutissant ainsi à un placement à l’Aide sociale à l’enfance des jeunes concernés.

Dans ce contexte, la seule véritable « bonne nouvelle » serait que les administrations locales, au premier rang desquelles le département légalement en charge de la protection de l’enfance, cessent enfin de se défausser de leurs responsabilités au prix d’arguties et de pratiques transgressant le droit et soumettant les mineurs à des traitements inhumains et dégradants.

Signataires : Les avocates et avocats des jeunes installés allées Jules Guesde, à Toulouse :
Fiona Zemihi
Fanny Sarasqueta
Benjamin Francos
Anita Bouix
Agathe Joubin
Sarah Maquet
Néguine Behechti
Saskia Ducos Mortreuil
Stéphane Soulas
Sara Khoury
Lucie Korchia
Mathilde Jay
Hannaa Naciri
Camille Pougault
Clémence Durand

Soutiens : Avocat.es pour la défense des étranger.es ; Syndicat des avocats de France ; Avocat.es des Jeunes Toulouse

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Voir l’article en ligne : www.mediacites.fr