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"C’est la pire des politiques" : en Belgique, des milliers de mineurs afghans ne sont plus protégés

Publié le 30-05-2023

Date de la publication : 30/05/2023
Source : InfoMigrants
Autrice : Leslie Carretero

« Depuis près de deux ans, la Belgique n’accorde presque plus de protection aux mineurs afghans. Bruxelles considère que l’Afghanistan n’est plus en guerre puisque les Taliban contrôlent l’entièreté du pays. Déboutés de l’asile et dans l’impossibilité d’être renvoyés, ces jeunes se retrouvent dans un no man’s land administratif, qui perdurera à leur majorité.

En Belgique, les mineurs non accompagnés (MNA) originaires d’Afghanistan ne sont plus les bienvenus. Depuis plusieurs mois, de plus en plus de jeunes Afghans voient leur demande de protection refusée. C’est même devenu la norme.

À la différence de la France, un mineur isolé arrivé en Belgique doit demander l’asile ou la protection subsidiaire - comme un majeur - pour être pris en charge par les autorités. Même si son dossier est refusé, il pourra en théorie être hébergé dans un centre – en Europe, on ne peut pas expulser un enfant.

En revanche, il ne se verra pas attribuer de tuteur, essentiel pour l’aider dans ses démarches administratives ou sa scolarité.

Un taux de protection en nette baisse

"Désormais, l’asile est uniquement accordé à une petite catégorie de MNA afghans, les plus vulnérables : ceux arrivés très jeunes en Belgique ou ceux souffrant de graves traumatismes", assure à InfoMigrants Clément Valentin, chargé de plaidoyer au Ciré (Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers).

Entre 2017 et 2021, le taux de protection accordée à des mineurs afghans s’élevait à 74%. En 2022, il est tombé à 40%, selon les chiffres de l’association.

Comment expliquer un tel revirement du gouvernement belge ? La politique à l’égard de ces ressortissants a changé après le retour des Taliban à Kaboul, en août 2021. Les autorités estiment que le pouvoir des fondamentalistes religieux ne représente plus une menace car en contrôlant l’entièreté du pays, aucune guerre n’est en cours.

"Pour le CGRA [Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides, équivalent de l’Ofpra en France, ndlr], les Afghans ne peuvent plus bénéficier de la protection subsidiaire [titre de séjour le plus courant délivré à cette population, ndlr] car ils ne répondent plus aux critères", précise Clément Valentin.

Cette protection est délivrée sous trois conditions : risques de peine de mort, de traitement inhumain et dégradant, et de violences aveugles.

"On présuppose que l’Afghanistan n’est plus en guerre civile donc que les Afghans ne sont plus en danger en rentrant chez eux. En suivant cette logique, ils n’ont plus besoin de protection", explique à InfoMigrants Benoit Van Keirsblick, directeur de l’ONG Défense des enfants international Belgique et membre du comité des droits de l’enfant des Nations unies.

Le même cas de figure se pose au sujet du statut de réfugié. Les Afghans pourraient en théorie obtenir l’asile sur la base de leur "occidentalisation" mais là encore les critères se montrent restrictifs.

Pour qu’un Afghan voit sa demande acceptée, il doit prouver que son retour au pays est impossible puisque la vie qu’il a construit en Belgique est incompatible avec les préceptes des Taliban. Pour cela il faut combiner plusieurs éléments : le sexe et l’âge du mineur, son milieu et sa région d’origine, le travail de sa famille au pays, la durée de séjour en Europe, s’il a une relation amoureuse en Belgique…etc.

"Cela n’a pas vraiment de sens. Dans la Convention de Genève [qui régit le statut de réfugié, ndlr], l’intégration d’une personne n’est pas le sujet mais plutôt le risque de persécution dans son pays", s’insurge Clément Valentin.

"Fabrique de sans-papiers"

Résultat : les mineurs Afghans se retrouvent dans un no man’s land administratif, livrés à eux-mêmes. La plupart d’entre eux ne sont pas hébergés dans les centres d’accueil, notamment en raison de leur saturation. Ils n’ont droit à rien, et ils sortent des radars des associations.

"C’est la pire des politiques", s’agace Benoit Van Keirsblick. "Les MNA doivent être protégés par les autorités. Au lieu de cela, ils dorment dans les rues d’une ville qu’ils ne connaissent pas, sans famille ni soutien. Pour survivre, ils sont obligés de travailler illégalement ou forcés de se prostituer et tombent dans des réseaux de traite. On les pousse dans une situation d’extrême précarité".

Les associations déplorent une "fabrique de sans-papiers". Aucun envoi en Afghanistan n’est possible. "On créé des générations de personnes qui vont vivre dans l’illégalité", critique encore Benoit Van Keirsblick.

Selon les spécialistes interrogés, la politique de Bruxelles a pour but de freiner les arrivées d’Afghans dans le pays - première nationalité des demandeurs d’asile, chez les mineurs et les majeurs.

En agissant ainsi, la Belgique devient un des pays de l’Union européenne (UE) avec le plus faible taux de protection des MNA afghans. À ses côtés, se trouvent la Bulgarie et la Hongrie.

À titre de comparaison, en Norvège, Autriche ou encore en Allemagne, 100% des Afghans obtiennent la protection. Au sein de l’UE, le taux de protection atteint 85% pour les Afghans, contre 42% en Belgique (mineurs et majeurs confondus). »


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www.infomigrants.fr