InfoMIE.net
Informations sur les Mineurs Isolés Etrangers

Accueil > Dossiers Thématiques > Protection contre l’éloignement > L’éloignement des mineurs isolés étrangers

L’éloignement des mineurs isolés étrangers

    L’éloignement des mineurs isolés étrangers

    Publié le jeudi 24 avril 2014 , mis à jour le vendredi 28 juillet 2017

    PRINCIPE : INTERDICTION DE L’ÉLOIGNEMENT DES MINEURS ISOLES ÉTRANGERS

    - PROTECTION CONTRE L’ÉLOIGNEMENT DU TERRITOIRE :

    • Article L.511-4 1° CESEDA :« Ne peu[t] faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français : […] l’étranger mineur de dix-huit ans. »

    À noter : Les mineurs ne sont pas concernés par l’obligation de détenir un titre de séjour, ils ne peuvent donc pas être en situation irrégulière (Cf. Article La régularité du séjour des mineurs isolés étrangers)
    OR : les mesures d’éloignement du territoire ne peuvent concerner que des individus en situation irrégulière
    EN CONSÉQUENCE : Ne pouvant pas être en situation irrégulière, aucune mesure d’éloignement du territoire n’est envisageable à leur encontre.

    - PROTECTION CONTRE L’EXPULSION :

    • Article L.521-4 du CESEDA : « L’étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l’objet d’une mesure d’expulsion »

    AMÉNAGEMENT DU PRINCIPE DE L’INTERDICTION DE L’ÉLOIGNEMENT DES MINEURS ISOLES ÉTRANGERS

    1. PROCÉDURE JUDICIAIRE DE RETOUR DES MINEURS ISOLÉS ÉTRANGERS DANS LEUR PAYS D’ORIGINE
    Voir les indications de l’OFII sur ce point ci-dessous ou ici :

    - Le retour d’un enfant dans son pays d’origine peut être décidé par ordonnance du juge des enfants ou intervenir dans le cadre d’un dispositif ayant pour objet une réunification familiale dans son pays d’origine ou un pays d’accueil.
    - Après réception de la décision du magistrat et en liaison avec les acteurs en charge du suivi du mineur, une procédure particulière est alors mise en place par l’OFII qui se charge de :

    • l’établissement des contacts avec la famille en vue de préparer le retour
    • l’information des Autorités consulaires du pays d’origine du mineur
    • l’obtention du document de voyage pour le mineur démuni de passeport
    • la réservation du billet d’avion pour le mineur et pour l’accompagnateur OFII
    • la communication des dates de départ et des modalités pratiques arrêtées pour le retour aux structures en charge du mineur (Aide sociale à l’enfance, Foyer d’hébergement, Tribunal...), au Consulat du pays d’origine ainsi qu’à la famille du mineur
    • la communication, au Magistrat en charge du dossier, des modalités de départ, en vue de l’émission de l’ordonnance de mainlevée du placement permettant le rapatriement du mineur par l’OFII.

    - Cette aide au retour mise en place par l’OFII intervient dans le cadre de l’Aide au Retour Humanitaire prévue par la Circulaire interministérielle du 7 décembre 2006

    - Le retour d’un mineur isolé ne peut être envisagé que si ce retour est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant (Article 3 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant et article L. 375-1 Code Civil).
    Voir Sur ce point : CA Paris, 7 déc 2004, n°04/08249

    2. LES ACCORDS FRANCO-ROUMAINS

    - L’accord de coopération franco-roumain du 4 octobre 2002 (disponible ici) :

    • Cet accord, entré en vigueur le 1er février 2003, prévoyait la possibilité d’organiser le retour en Roumanie des mineurs isolés étrangers roumains.
    • Le retour des enfants roumains en Roumanie était prévu par cet accord « en vue de la protection des mineurs roumains en difficulté sur le territoire de la République française » et de « la lutte contre les réseaux d’exploitation » (article 1 du décret 2003-220 portant publication de l’accord).
    • Cet accord avait été conclu pour une durée de 3 ans. DONC : aujourd’hui, il est CADUQUE.

    - L’accord du 1er février 2007 relatif à une coopération en vue de la protection des mineurs roumains isolés sur le territoire français et à leur retour dans leur pays d’origine :

    • Cet accord avait notamment pour objet d’organiser la coopération entre les deux États afin de permettre le « raccompagnement » dans leur pays des mineurs isolés roumains présents en France.
    • L’autorisation de raccompagner le mineur était prise, sur demande des autorités roumaines, soit par le parquet des mineurs soit par le juge des enfants s’il était saisi.
    • Ce texte a été censuré par le Conseil Constitutionnel qui a relevé que, lorsque la mesure de « raccompagnement » était prise par le parquet, aucune voie de recours ne permettait de la contester. Ceci méconnaît le droit du mineur ou de toute personne intéressée à exercer un recours juridictionnel effectif garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (Décision n° 2010-614 DC du 04 novembre 2010).
      EN CONSÉQUENCE : le Conseil Constitutionnel ayant censuré la loi de ratification de cet accord, il n’est pas applicable en France.

    À noter : Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, le retour des mineurs déplacés dans un autre État Membre relève de l’application du règlement Bruxelles 2bis (compétence exclusive de l’Union) et deux Etats Membres ne peuvent y déroger.


    EXCEPTIONS POTENTIELLES AU PRINCIPE DE L’INTERDICTION DE L’ÉLOIGNEMENT DES MINEURS ISOLES ÉTRANGERS

    1. REFOULEMENT DEPUIS LA ZONE D’ATTENTE VERS LE PAYS D’ORIGINE OU DE DERNIER TRANSIT
    (Cf. Rubrique Frontière et zone d’attente)
    - La Cour de Cassation a estimé dans un arrêt rendu en 2001 que l’ordonnance de 1945 ne donnait aucune indication sur l’âge des personnes pouvant être maintenues en zone d’attente et que par conséquent, rien ne s’oppose à ce que les mineurs y soient placés. (Cass. civ., 2 mai 2001, Stella I., pourvoi n° 99-50008)
    DONC : Les mineurs isolés étrangers ne bénéficient pas de dispositions plus favorables que les adultes en la matière.

    - EN CONSÉQUENCE : S’agissant du refoulement, ils peuvent, au même titre que les majeurs, faire l’objet de menaces d’expulsion par la police de l’air et des frontières.

    À noter : Le pays de renvoi n’est pas nécessairement le pays d’origine du jeune mais très souvent un pays de transit. Il se retrouve ainsi dans un pays inconnu sans aucune protection.

    - Le jour franc :

    • L’article L.213-2 al. 2 du CESEDA prévoit que les étrangers à qui l’entrée en France est refusée bénéficient d’une protection de 24 heures contre l’expulsion, connue sous le nom de "jour franc".
    • Le droit au "jour franc" constitue une garantie essentielle pour l’étranger se présentant aux frontières, car il lui permet de prendre contact avec son consulat, un membre de sa famille ou un proche, un avocat ou une association avant d’être refoulé.
    • Dans le cas des mineurs isolés étrangers, cela lui permet également de rencontrer un administrateur ad hoc notamment afin d’évaluer sa situation.

    - POUR APPROFONDIR :

    2. LA DIRECTIVE 2008/115/CE DU 16 DÉCEMBRE 2008 DITE « DIRECTIVE RETOUR »

    - La Directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 dite “Directive retour” traite des normes et procédures communes applicables, dans les Etats Membres, au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
    - Cette directive prévoit la possibilité d’éloigner un mineur non accompagné (mineur isolé) séjournant en situation irrégulière sur le territoire d’un Etat membre.

    • Elle précise toutefois qu’« avant que soit prise une décision de retour concernant un mineur non accompagné, l’assistance d’organismes compétents autres que les autorités chargées d’exécuter le retour est accordée en tenant dûment compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. […] les autorités de cet État membre s’assurent qu’il sera remis à un membre de sa famille, à un tuteur désigné ou à des structures d’accueil adéquates dans l’État de retour. »

    - Cette directive a été transposée en 2011 à l’occasion de l’entrée en vigueur de la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité par décret n°2011-820 en date du 8 juillet 2011.
    TOUTEFOIS, à la lecture de la loi du 16 juin 2011 et de son décret d’application, il apparaît qu’aucune disposition ne prévoit l’expulsion des mineurs isolés étrangers telle que prévue dans la directive retour.
    DONC : Malgré l’existence de cette directive qui prévoit la possibilité d’éloigner des mineurs isolés étrangers, en France un tel cas de figure n’est toujours pas envisageable (sauf dans le cas des refoulements en zone d’attente (Cf. supra). D’autant plus que la directive n’est pas d’applicabilité directe.
    PAR AILLEURS, Un tel éloignement ne devrait pas pouvoir être mis en oeuvre par la France dans la mesure où les mineurs ne peuvent pas être en situation irrégulière (Cf. Article La régularité du séjour des mineurs isolés étrangers)

    Pour aller plus loin