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Reportage « Mineurs isolés »

Publié le lundi 27 mars 2023 , mis à jour le vendredi 24 mars 2023

Source : France Culture

Date : 23 mars 2023

Reportage : Émilie Chaudet
Réalisation : Étienne Gratianette

Présentation :

« Pendant 4 mois, des mineurs non accompagnés ont vécu sous les ponts d’Ivry-sur-Seine, en attendant d’obtenir un statut de mineur isolé, tandis que les institutions concernées se renvoyaient la balle. Récit d’un parcours d’hébergement semé d’obstacles, par Émilie Chaudet.

Sous les ponts d’Ivry-sur-Seine dans le Val-de-Marne, des réfugiés mineurs dorment sous des tentes en plein hiver. Retour sur la situation des mineurs isolés en région parisienne, qui tentent aujourd’hui d’obtenir leur statut de mineurs sur le sol français, mais surtout de survivre sans abris.
L’association Utopia 56 a rassemblé à Ivry-sur-Seine, tous les mineurs isolés essayant tant bien que mal d’obtenir le statut de réfugié mineur. Il s’agit donc d’un campement sous le pont d’Ivry, au sein duquel des jeunes tentent de survivre. Jean-Charles, riverain des alentours témoigne de la dureté des conditions de vie de ces jeunes gens. "Ils sont à trois dans les tentes, il y a beaucoup d’hypothermie. Il y a eu à peu près dix hospitalisations. C’est l’association Utopia 56 qui a rassemblé à Ivry-sur-Seine tous les jeunes qui sont en recours de demande de minorité. Ils attendent tous que les duplicatas de leurs papiers de pays d’origine leur reviennent pour pouvoir prouver qu’ils sont mineurs." Jean-Charles

"Je me sens déshumanisé."

Dembas va avoir 16 ans, il vient de Côte d’Ivoire et raconte que depuis son arrivée en France il ne se sent plus considéré comme un être humain. "Je me sens déshumanisé. Je ne me sens plus être une personne..." Dembas

Dembas a fait une demande pour obtenir un statut de mineur réfugié, mais cela lui a été refusé. "En arrivant en France, j’ai fait une demande de minorité et ça n’a pas été accepté, mais quand ils ont refusé ma minorité, ils m’ont mis dehors. C’est comme ça que je suis arrivé à Ivry, sous le pont." Dembas

Pour se faire entendre, Utopia 56 a organisé un campement devant le Palais-Royal. "Utopia 56 a dit : ‘On déménage on fait ce coup de force’. Et le 2 décembre à 11h les jeunes ont pris leurs affaires et ils se sont retrouvés ici à Palais-Royal. Et on est le six aujourd’hui. Et toujours absolument aucune nouvelle des autorités de la préfecture. La préfecture refuse de rencontrer les associations qui encadrent les jeunes. Les jeunes sont épuisés, mais ont bien compris que le dernier recours c’était d’être dans un endroit visible." Jean-Charles

" Ils vivent avec quatre euros par jour. "

Après ce coup de force d’Utopia 56 et six mois à la rue, dans le froid, 147 jeunes vont être hébergés au gymnase des Épinettes à Ivry sur Seine, certains à Coupvray, et d’autres en Seine-et-Marne. Aïcha habite en Seine-et-Marne et raconte qu’elle est venue en aide à certains de ces jeunes, en voyant la dimension urgente de la situation. "J’ai été informée par une association qu’ils étaient arrivés à telle adresse et qu’ils n’avaient pas mangé. On s’est dépêché, on a fait les courses et ensuite des sandwichs pour eux. Quand je suis allée les voir le soir même j’étais contente parce que je les ai trouvés dans une maison chauffée, il y avait du confort contrairement aux tentes dans lesquelles ils dormaient avant." Aïcha

"Mais l’envers du décor, c’est qu’ils se retrouvent dans une campagne. Il n’y a pas de transport, ils sont isolés, et ils ont chacun quatre euros par jour." Aïcha

Jean-Charles et sa femme, s’occupent des jeunes hébergés au gymnase des Épinettes. Comme Aïcha, ils ont lancé une cagnotte dans leur entourage pour venir en aide aux mineurs isolés d’Ivry.

Pour la majorité des ces jeunes réfugiés, ce sont les actes de naissance, qu’ils ne parviennent pas à obtenir, qui leur manque pour pouvoir acquérir le statut de mineur en France. Comme Amadou, 16 ans, des centaines de jeunes ne pourront peut-être jamais prouver leur minorité à l’État français. "Je suis allé au Tribunal de Paris pour obtenir mon statut, ils m’ont dit d’envoyer un extrait de naissance. Mais je n’ai pas d’extrait de naissance, et je n’ai personne au pays..." Amadou

En attendant son recours, Amadou reste enfermé dans le gymnase des Épinettes... "J’apprends de mieux en mieux à lire et écrire ici. J’ai commencé à lire des livres qu’ils ont envoyés au gymnase. Je lis des romans et des petits livres, ça me permet d’améliorer mon français. Parfois, la nuit, je ne fais que lire." Amadou

Remerciements : Jean-Charles, Caroline, Aïcha, Amadou, Dembas, Mustapha, tous les jeunes du gymnase des Epinettes d’Ivry-sur-Seine, Espérance Minart de la Timmy, Guillaume Schers de France terre d’Asile et Estelle Butez d’Equalis.

Musique de fin : "Don’t wanna fight" par Alabama Shakes »

A écouter en ligne ici.