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Les dispositifs de soutien de l’Aide Sociale à l’Enfance ouverts aux jeunes majeurs isolés étrangers

    Les dispositifs de soutien de l’Aide Sociale à l’Enfance ouverts aux jeunes majeurs isolés étrangers

    Publié le mardi 1er avril 2014 , mis à jour le lundi 12 février 2024

    PRISE EN CHARGE ADMINISTRATIVE : L’AIDE PROVISOIRE JEUNE MAJEUR

    Attention ! Cet article est en cours de mise à jour. Des changements ont été apportés par la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants puis par la loi du 26 janvier 2024 pour contrôle l’immigration, améliorer l’intégration.

    1. TEXTES DE RÉFÉRENCE :

    - Article L112-3 du Code l’action sociale et des familles :

    • « La protection de l’enfance vise à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant, à soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité et son éducation, dans le respect de ses droits.
      Elle comprend des actions de prévention en faveur de l’enfant et de ses parents, l’organisation du repérage et du traitement des situations de danger ou de risque de danger pour l’enfant ainsi que les décisions administratives et judiciaires prises pour sa protection. Une permanence téléphonique est assurée au sein des services compétents.
      Les modalités de mise en œuvre de ces décisions doivent être adaptées à chaque situation et objectivées par des visites impératives au sein des lieux de vie de l’enfant, en sa présence, et s’appuyer sur les ressources de la famille et l’environnement de l’enfant. Elles impliquent la prise en compte des difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives et la mise en œuvre d’actions de soutien adaptées en assurant, le cas échéant, une prise en charge partielle ou totale de l’enfant. Dans tous les cas, l’enfant est associé aux décisions qui le concernent selon son degré de maturité.
      Ces interventions peuvent également être destinées à des majeurs de moins de vingt et un ans connaissant des difficultés susceptibles de compromettre gravement leur équilibre.
      La protection de l’enfance a également pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d’assurer leur prise en charge.. […]
       »

    - Article L111-2 du Code l’action sociale et des familles :

    • « Les personnes de nationalité étrangère bénéficient dans les conditions propres à chacune de ces prestations :
      1° Des prestations d’aide sociale à l’enfance ;
       »

    - Article L222-5 du Code de l’Action Sociale et des Familles :

    • « (...) Peuvent être également pris en charge à titre temporaire par le service chargé de l’aide sociale à l’enfance les mineurs émancipés et les majeurs âgés de moins de vingt et un ans qui éprouvent des difficultés d’insertion sociale faute de ressources ou d’un soutien familial suffisants.
      Un accompagnement est proposé aux jeunes mentionnés au 1° du présent article devenus majeurs et aux majeurs mentionnés à l’avant-dernier alinéa, au-delà du terme de la mesure, pour leur permettre de terminer l’année scolaire ou universitaire engagée.
      . »

    À noter : : Le CESE a rendu en mars 2015 un avis "Sécuriser le parcours d’insertion des jeunes" dans lequel il recommande de systématiser le contrat jeune majeur pour les jeunes confiés à l’aide sociale à l’enfance et donc d’en faire un droit pour tous les jeunes confiés à l’ASE, jusqu’à 21 ans, (voire 25 ans pour les jeunes nécessitant une protection particulière) et les intégrer à la Garantie jeunes.

    Informations issues du Guide AutonoMIE paru en septembre 2013 - page 56 - disponible ici :


    QUAND ET COMMENT DEMANDER UNE PROLONGATION DE PRISE EN CHARGE ?

    - Quand ?
    Les jeunes qui ont besoin de poursuivre leur prise en charge au-delà de leur majorité doivent faire leur demande par écrit en envoyant un courrier avec accusé de réception au Président du Conseil général du département dans lequel ils/elles ont été placé•e•s.
    Cette demande doit être envoyée idéalement entre deux et trois mois avant la majorité du/de la mineur•e. En cas d’absence de réponse dans les deux mois, les jeunes auront un refus implicite de prise en charge jeune majeur•e qu’ils/elles pourront contester devant le/la juge administratif/ve (voir 2 « Que faire en cas de refus  »).
    Y compris quand le/la jeune a déjà fait une demande, soit écrite dont il n’aurait pas la trace du dépôt, soit orale, il est utile de renvoyer une demande par courrier avec accusé de réception. Cela permettra de constituer une preuve du refus et incitera l’ASE à envoyer une réponse écrite et à motiver sa décision.
    En effet, lorsque les demandes sont faites oralement ou déposées en mains propres, il arrive fréquemment que les jeunes n’aient qu’un refus oral sans explications convaincantes, ce qui rend toute contestation difficile.

    - Comment ?
    Avant de faire la demande, il est primordial qu’un dialogue entre les jeunes et leurs éducateurs/trices s’établisse sur cette question afin d’anticiper la réponse. Le plus souvent, les éducatrices/eurs savent quel•le•s jeunes auront ou non la possibilité de bénéficier d’un maintien de prise en charge. Les dossiers qui aboutissent sont souvent le fruit d’un travail de longue haleine de la part des éducateurs/rices. Cependant, même en cas de refus probable de prolongation de la prise en charge, il est nécessaire de la solliciter en bonne et due forme.
    La demande doit émaner du/de la jeune et être signée par elle/lui. Elle doit retracer son parcours depuis son arrivée en France et expliquer en quoi le bénéfice d’une prise en charge jeune majeur•e lui permettra d’accéder rapidement à l’autonomie. Elle doit également démontrer que le/la jeune se trouvera dans une situation très difficile en l’absence d’une telle prise en charge (voir 1.B « Les conditions de la prise en charge jeune majeur•e »).
    La demande doit être envoyée à la/au président•e du Conseil général dont dépend l’ASE à qui a été confié•e le/la jeune, car c’est lui/elle qui prendra la décision d’accorder ou non la prise en charge jeune majeur•e.
    Il est utile de demander dans le corps du courrier une réponse écrite : il faut notamment indiquer explicitement qu’en cas de refus, on souhaite en recevoir les motivations par écrit dans le délai de deux mois imparti à l’administration pour répondre (cela afin de contester plus facilement un éventuel refus.)
    Selon les départements, les jeunes seront invité•e•s à passer un entretien, ou leur situation sera directement examinée par une commission comprenant des représentant•e•s de l’ASE et du Conseil général.

    ATTENTION ! Il arrive fréquemment que des prises en charge jeune majeur•e partielles soient proposées, ne comprenant qu’un hébergement, ou qu’une allocation d’un montant parfois dérisoire. C’est pourquoi il est important de préciser dans la demande quel type de prise en charge est attendu : hébergement, nourriture, accompagnement socioéducatif, allocation, etc. Il est conseillé d’éviter de solliciter un « contrat jeune majeur•e » selon l’expression consacrée car elle donne aux ASE la possibilité de répondre par l’offre de prestations minimalistes (par exemple, par un simple hébergement). Mieux vaut donc demander une prolongation de prise en charge dont on précisera qu’elle doit être conforme à l’article L.221-1 du CASF (voir ci-après).

    2. CARACTÈRE FACULTATIF DE L’AIDE PROVISOIRE JEUNE MAJEUR :

    - Le contrat jeune majeur est une prestation facultative soumise à l’appréciation du Président du Conseil Général.
    Voir sur ce point l’arrêt du Conseil d’Etat du 26 février 1996 n° 155639, Président du Conseil général de la Marne c/ Mlle Lesieur : « qu’il résulte de ces dispositions qu’alors même que l’intéressé remplit les conditions d’âge et de situation sociale susmentionnées, le président du conseil général n’est pas tenu d’accorder ou de maintenir le bénéfice de la prise en charge par le service chargé de l’aide sociale à l’enfance, mais dispose d’un pouvoir d’appréciation »

    - Du fait de son caractère facultatif et soumis à l’appréciation du Président du Conseil Général, on observe de nombreuses disparités entre les départements s’agissant de l’obtention de l’Aide Provisoire Jeune Majeur.

    A titre d’exemple, la Cour administrative d’appel de Marseille, dans un arrêt en date du 29 décembre 2014, N°13MA03761, a retenu les considérations du Président du Conseil départemental selon lesquelles il refusait le bénéfice d’une prise en charge à un jeune majeur aux motifs que d’une part, l’intéressé n’était pas dépourvu de toutes ressources et que d’autre part, il pouvait bénéficier d’un accueil matériel et d’un suivi effectif par le biais du centre d’hébergement dédié aux jeunes majeurs où il se trouvait alors pris en charge.

    D’autre part, s’agissant de l’articulation entre une Aide Provisoire Jeune Majeur et un titre de séjour, la Cour administrative d’appel de Nantes, dans un arrêt en date du 26 juin 2014, N° 13NT03482, considère que : « La prise en charge par le département d’un contrat jeune majeur n’implique pas que le préfet soit tenu de délivrer un titre de séjour. »

    À noter : il est important de toujours formuler une demande d’Aide Provisoire Jeune Majeur même si il a été indiqué oralement au jeune ou à ses référents que le jeune en question n’en bénéficierait pas. En effet, il est important de disposer d’un refus écrit afin d’une part de s’assurer de ce refus et d’autre part pour pouvoir, le cas échéant, faire un recours contre ce refus.

    - En pratique, son attribution ou son renouvellement est arbitré par une commission qui se réunit à l’échelle du secteur ou du département.
    - L’appréciation à laquelle se livre ladite commission est susceptible de recours devant le tribunal administratif.
    Voir à cet effet : TA Paris 19 juillet 2012 n° 121106219 : «  En refusant à un jeune Bangladais âgé de 18 ans le bénéfice d’une prise en charge en tant que jeune majeur, au motif que le caractère récent de son accueil alors qu’il était mineur n’avait pas permis de construire un projet d’insertion social et professionnelle adapté et pérenne, le chef du Bureau de l’ASE de Paris a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation, ce qui est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité dudit refus. »

    La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant modifie l’article L.222-5 du CASF avec un alinéa supplémentaire : «  Un accompagnement est proposé aux jeunes mentionnés au 1° du présent article devenus majeurs et aux majeurs mentionnés à l’avant-dernier alinéa, au-delà du terme de la mesure, pour leur permettre de terminer l’année scolaire ou universitaire engagée. »

    S’agissant de la régularisation des jeunes bénéficiant d’un contrat jeune majeur n’ayant pas terminé leur formation, la Cour administrative d’appel de Paris, dans un arrêt du 24 septembre 2015, N°15PA00375, oblige le préfet à délivrer un titre de séjour pour un jeune bénéficiant d’un contrat jeune majeur suivant une formation professionnelle non achevée dans le but qu’il termine sa formation.

    3. LES CRITÈRES EXAMINÉS PAR L’ASE - Extrait du Guide AutonoMIE - page 57 - Cf ci-dessous et disponible ici

    LES CRITÈRES EXAMINÉS PAR L’ASE


    Dans la pratique, les critères examinés par le département et par l’ASE diffèrent des critères légaux. Si la rédaction de la loi laisse penser que ce sont les jeunes se trouvant le plus en difficulté qui doivent être pris en charge après leurs dix-huit ans, c’est plutôt le contraire qui se passe en pratique. Les départements et l’ASE se fondent, en plus des critères définis par les articles du CASF mentionnés ci-dessus, sur un arrêt du Conseil d’État du 26 février 1996 pour baser leurs décisions en matière de prise en charge jeune majeur•e sur d’autres critères.
    […]
    Parmi les critères les plus communément opposés aux jeunes on trouve : l’absence de projet professionnel sur le court terme, l’absence de sérieux dans le suivi de la formation, le non-respect du projet établi entre le/la jeune et l’ASE, l’absence de démarches engagées en matière de régularisation.
    Il faut donc que les jeunes aient entrepris des démarches ouvrant une perspective d’obtention d’un titre de séjour (la demande d’asile entre dans ce cadre), et qu’ils/elles aient commencé une formation professionnelle – CAP, Bac Pro, apprentissage ou autres. La mention de l’existence d’une formation et de démarches pour un titre de séjour doivent clairement apparaître dans la demande de prise en charge jeune majeur•e et être étayées par des preuves : récépissé de demande de titre de séjour, certificat de scolarité, lettre de soutien d’un•e professeur•e, etc.
    Par ailleurs, en cas de fragilités particulières des jeunes (santé, perturbations psychologiques, etc.), on en soulignera l’existence.

    4. LES MOTIFS QUI NE PEUVENT PAS ÊTRE INVOQUÉS PAR LES DÉPARTEMENTS POUR JUSTIFIER UN REFUS DE PRISE EN CHARGE :

    - L’irrégularité du séjour du jeune : L’article L. 111-2 du Code l’action sociale et des familles ne prévoit pas de condition de régularité du séjour pour la conclusion d’un contrat jeune majeur à destination d’un jeune isolé étranger.

    - L’absence de prise en charge du temps de la minorité par l’Aide sociale à l’enfance : l’article L. 222-5 du Code de l’Action Sociale et des Familles ne conditionne pas la conclusion d’un contrat jeune majeur à la prise en charge du jeune par l’ASE durant sa minorité.
    DONC : Il peut donc être conclu à la demande du mineur accueilli au titre de l’ASE en vue d’une continuité de sa prise en charge au moment de sa majorité ou à la demande d’un majeur de moins de 21 ans non pris en charge préalablement.
    MAIS : Dans les faits, il est très difficile pour un jeune majeur, non pris en charge préalablement par l’ASE, d’y accéder.

    - L’absence d’autonomisation rapide : L’article L. 222-5 du Code de l’Action Sociale et des Familles du code de l’action sociale et de la famille ne font pas état d’une nécessité d’autonomisation rapide du jeune.

    - La seule durée de la formation ne peut justifier un refus de prise en charge
    Voir sur ce point : TA Paris, 27 septembre 2013, 1222113/6-1 : « Le président du Conseil général du département de Paris a commis une erreur manifeste d’appréciation de la situation de M.K. en considérant que la seule durée de la formation dans laquelle ce dernier allait s’engager justifiait un refus de prise en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance »

    La Cour administrative d’appel de Paris, dans une décision en date du 29 avril 2014, N°13PA03173, considère que les décisions de refus d’accorder un contrat jeune majeur doivent être motivées.

    5. LE CONTRAT CONCLU ENTRE L’AIDE SOCIALE À L’ENFANCE ET LE JEUNE MAJEUR :

    - L’aide provisoire jeune majeur doit être sollicitée par le jeune lui-même par le biais d’une lettre recommandée avec accusé de réception adressée :

    • au Président du Conseil général s’agissant des jeunes n’ayant pas été pris préalablement en charge par l’ASE du temps de leur minorité
    • au responsable de l’ASE pour les jeunes pris en charge par l’ASE et approchant de la majorité.

    - Le courrier doit mettre en évidence les « difficultés d’insertion sociale, faute de ressources ou d’un soutien familial suffisant »

    - En signant ce "contrat", le jeune s’engage à élaborer un projet d’insertion sociale et professionnelle et à le respecter ("programme d’action" listant un certain nombre d’objectifs à atteindre).

    - Ce contrat correspond à :

    • un soutien financier, qui peut être assorti d’un hébergement,
    • un soutien juridique en vue d’une régularisation du statut administratif,
    • un soutien éducatif (aide à la réalisation du projet par l’intermédiaire du travailleur social) et/ou psychologique.

    - Le but de ce contrat est de permettre au jeune de vivre, à terme, de façon autonome.

    À noter : L’aide provisoire jeune majeur peut être interrompue à tout moment par l’Aide Sociale à l’Enfance

    Informations issues du Guide AutonoMIE paru en septembre 2013 - page 57 - disponible ici :


    On désigne couramment par l’expression contrat jeune majeur•e » la prise en charge prolongée près 18 ans. Au moment de la demande, il est recommandé d’éviter de l’employer pour des raisons expliquées plus haut. Ce contrat, passé entre le département ou l’ASE et le/la jeune, fixe les modalités et la durée de la prise en charge en tant que majeur•e, et vise les objectifs à accomplir pour le/la jeune et l’ASE.
    Souvent les obligations des jeunes consistent à suivre avec sérieux leurs formations professionnelles, à être respectueux/ses du lieu d’hébergement fourni, etc.
    En conséquence, en cas d’absences répétées ou d’un comportement considéré comme « inconvenant », parfois aussi lors d’un changement d’orientation dans la formation, la prolongation de la prise en charge ne sera pas reconduite. La protection accordée aux jeunes majeur•e•s est donc très précaire, en ce qu’elle peut prendre fin à n’importe quel moment si l’ASE considère que les engagements du/de la jeune ne sont pas respectés.

    EXEMPLE : À Paris, beaucoup de contrats jeunes majeur•e•s sont conclus pour une durée de trois ou six mois. Ils peuvent également s’arrêter au terme d’une formation professionnelle (fin de CAP, etc.).

    ATTENTION  ! L’ASE refuse de délivrer des prises en charge jeunes majeur•e•s aux demandeurs/euses d’asile car elle considère qu’ils/elles peuvent alors être hébergé•e•s en CADA et bénéficier de l’ATA.

    6. RECOURS CONTRE LES DÉCISIONS DE REFUS DE CONTRAT « JEUNE MAJEUR »

    - Article R.223-2 du code de l’Action Sociale et des Familles : « Les décisions d’attribution, de refus d’attribution, de modification de la nature ou des modalités d’attribution d’une prestation de l’aide sociale à l’enfance doivent être motivées.
    Leur notification doit mentionner les délais et modalités de mise en œuvre des voies de recours
    . »

    - En cas d’absence de réponse suite à la sollicitation du jeune majeur ou de réponse négative orale, ce dernier doit solliciter par lettre RAR la notification de son refus et des motifs de refus d’attribution.
    - Il pourra par la suite saisir le Président du Conseil général d’un recours gracieux (devant l’autorité qui a pris la décision) en contestant les motifs du refus ou l’absence même de motif.
    - D’autres recours (hiérarchiques ou contentieux) sont également envisageables.

    Informations issues du Guide AutonoMIE paru en septembre 2013 - page 58 - disponible ici :


    - Le recours hiérarchique
    En cas de refus de prise en charge jeune majeur•e, il est possible de faire un recours hiérarchique auprès du/de la Président•e du Conseil général du département concerné dans les deux mois à partir de la réception du refus (soit quatre mois après la preuve de l’envoi de la demande pour un refus implicite). Il faut alors aider le/la jeune à rédiger un courrier argumenté insistant sur le fait qu’il/elle remplit bien les conditions d’une prise en charge jeune majeur•e et démontrant la nécessité de cette prise en charge pour la construction de son avenir socioprofessionnel. Il faut, dans ce cas, appuyer la demande en y ajoutant des courriers de soutien d’associations, de professeur•e•s, et montrer que le/la jeune suit avec sérieux une formation. Même si, dans la plupart des cas, le recours hiérarchique n’est pas suivi de réponse, il reste utile pour passer au stade suivant – celui du tribunal administratif.

    ATTENTION  ! Ce type de recours ne fonctionne qu’exceptionnellement. Il a encore moins de chance d’aboutir quand les études en sont au stade de l’apprentissage du français sans aucune formation professionnelle ou quand les résultats scolaires sont médiocres, ou encore en cas de petits ennuis d’ordre pénal, de gestes répétés d’indiscipline, d’absence de demande ou de perspective de titre de séjour. Il est conseillé de s’engager dans ces démarches pour toutes les situations moins fragiles ou bien si, malgré un parcours a priori peu prometteur, on peut invoquer des circonstances très particulières : maladies, personnalité fragile, risque de tomber dans un réseau de traite, ou autre.

    - Le recours contentieux
    Avec ou sans recours hiérarchique préalable, il est possible d’engager un recours contentieux devant le/la juge administratif contre le refus de prise en charge jeune majeur•e dans un délai de deux mois à compter de la notification du refus (ou à la suite de deux mois de silence de l’ASE). Le/la jeune pourra alors exercer un recours pour excès de pouvoir contre la décision de refus. Il s’agit d’un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision administrative, fondé sur le fait que le refus de prolongation de prise en charge constitue une violation d’une règle de droit.
    Ce recours met généralement plus de six mois à aboutir, c’est pourquoi il pourra être assorti en parallèle d’un référé-suspension contre cette même décision ; ce contentieux, qui aboutit en quelques jours, consiste en une demande de suspension de la décision de refus jusqu’au jugement du recours pour excès de pouvoir qui prend beaucoup plus de temps. Il permet la suspension de la fin de la prise en charge, et donc le prolongement de la prise en charge du/de la jeune jusqu’à l’issue du recours en excès de pouvoir. Il faut démontrer que les critères de la prise en charge jeune majeur•e sont bien remplis et invoquer l’urgence de la situation.

    Exemple : L’urgence peut être caractérisée par le fait que le/la jeune a perdu son hébergement ou va le perdre de façon imminente, ou parce qu’il/elle ne peut plus suivre ses cours.

    Pour prouver l’urgence, une attestation de fin de prise en charge de l’ASE ou de fin d’hébergement de l’hôtel ou du foyer peuvent s’avérer particulièrement utiles. Pour cette procédure, il est fortement recommandé de s’adresser à un•e avocat•e. Si son assistance n’est pas obligatoire, elle amplifie les chances de réussite. À tout le moins, il faut demander l’aide d’un•e juriste pour la rédaction des deux recours référés et recours pour excès de pouvoir.

    À noter : L’aide provisoire jeune majeur constitue un soutien institutionnel représentant une chance de faire aboutir les démarches administratives des jeunes étrangers (obtention d’un titre de séjour notamment) en ce qu’il est perçu comme une garantie d’insertion
    Arrêt du Conseil d’Etat du 21 avril 2000 n° 210291 : « qu’il est pris en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance de Paris dans le cadre d’un contrat "jeune majeur" ; qu’il a témoigné de sa volonté de s’insérer socialement et de mener à bien ses études pour s’assurer d’une formation professionnelle ; que, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la mesure de reconduite prise à son encontre le 21 septembre 1998 par le préfet de police doit être regardée comme entachée d’une erreur manifeste d’appréciation des conséquences qu’elle comportait sur la situation personnelle de l’intéressé »

    De façon concrète et pratique, il est nécessaire que le jeune demande à bénéficier de l’aide jeune majeur au minimum 1 mois avant la date de sa majorité. La demande doit être écrite, envoyée par courrier en recommandé avec accusé réception.
    Voir les modèles de trame ici. Sa demande doit être motivée. Il faut expliquer nécessairement pourquoi le jeune a besoin d’être accompagné durant sa majorité puisque, nous l’avons vu précédemment, l’octroi de cette prestation n’est pas automatique. En pratique, il est souvent aisé de motiver l’absence de ressource familiale, mais ce n’est pas le cas forcément de l’absence de ressource (notamment pour les jeunes en apprentissages). Il est nécessaire d’expliquer les difficultés d’insertion sociale et d’évoquer les raisons pour lesquelles il est demandé non seulement une aide financière mais aussi un accompagnement socio-éducatif.

    Le pouvoir d’appréciation du président du conseil départemental dans l’octroi du bénéfice d’un accompagnement jeune majeur au titre de l’aide sociale à l’enfance est reconnu par la juridiction administrative. Le Conseil d’Etat a ainsi considéré qu’il résulte des dispositions du CASF qu’alors même que l’intéressé remplit les conditions d’âge et de situation sociale susmentionnées, « le président du conseil général n’est pas tenu d’accorder ou de maintenir le bénéfice de la prise en charge par le service chargé de l’aide sociale à l’enfance, mais dispose d’un pouvoir d’appréciation ». C’est pour cela qu’il faut insister sur ce point : les demandes de contrats jeunes majeurs ainsi que les demandes de renouvellement de contrat jeune majeur doivent être motivées par le jeune et par la structure et/ou l’éducateur qui accompagne le jeune. Donc le Conseil d’Etat reconnait que le Président du Conseil départemental dispose d’un pouvoir d’appréciation et poursuit en statuant « qu’il peut fonder sa décision, sous le contrôle du juge administratif, sur d’autres critères que ceux indiqués dans les dispositions précitées ; »

    Par conséquent, si le jeune reçoit une réponse négative, on encourage et on invite fortement le jeune a exercé son droit au recours contre cette décision négative.

    La réponse à une demande d’aide jeune majeur doit impérativement être écrite et motivée par le Président du Conseil départemental. Un refus d’aide provisoire jeune majeur nécessite un examen au cas d’espèce et une motivation individuelle. Si la réponse n’est pas motivée, elle est susceptible d’être sanctionnée par le juge administratif.
    Il existe en effet une jurisprudence de la Cour administrative d’appel de Paris (voir ci-dessus) qui a considéré que « cette obligation (de motivation) implique que les destinataires de ces décisions aient connaissance tant des fondements juridiques des décisions que des circonstances de fait prises en considération par leurs auteurs ».
    Il faut donc noter que les juridictions administratives opèrent un contrôle approfondi des motivations avancées par les départements pour refuser l’aide à un jeune majeur, sachant que, et cela rejoint la première partie des interventions, la situation administrative du jeune au regard du droit au séjour est une donnée importante.

    Donc, comme nous l’avons rappelé, en cas de refus, il est recommandé de saisir le juge administratif, d’une part d’un recours pour excès de pouvoir contre la décision du Conseil départemental mais aussi d’autre part, puisqu’on connait les délais de la juridiction administrative, d’un référé suspension afin que soit suspendue la décision négative du Conseil départemental.

    Ceci est valable également pour chaque demande de renouvellement d’aide provisoire jeune majeur.
    Trame à retrouver ici.


    L’ACCOMPAGNEMENT ÉDUCATIF POUR ANTICIPER LA MAJORITÉ

    La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfance a été attentive au fait que la transition entre le placement auprès de l’aide sociale à l’enfance et l’arrivée à la majorité se fasse de manière pérenne. En effet, elle réglemente la sortie du dispositif de protection de l’enfance.

    La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfance insère un article L.222-5-5 dans le Code de l’Action Sociale et des Familles ainsi rédigé : «  Un entretien est organisé par le président du conseil départemental avec tout mineur accueilli au titre des 1°, 2° ou 3° de l’article L. 222-5, un an avant sa majorité, pour faire un bilan de son parcours et envisager les conditions de son accompagnement vers l’autonomie. Dans le cadre du projet pour l’enfant, un projet d’accès à l’autonomie est élaboré par le président du conseil départemental avec le mineur. Il y associe les institutions et organismes concourant à construire une réponse globale adaptée à ses besoins en matière éducative, sociale, de santé, de logement, de formation, d’emploi et de ressources. L’entretien peut être exceptionnellement renouvelé afin de tenir compte de l’évolution des besoins des jeunes concernés. »

    De plus, cette même loi insère un article L.222-5-2 dans le Code de l’Action Sociale et des Familles ainsi rédigé : « Un protocole est conclu par le président du conseil départemental, conjointement avec le représentant de l’Etat dans le département et le président du conseil régional et avec le concours de l’ensemble des institutions et des organismes concernés, afin de préparer et de mieux accompagner l’accès à l’autonomie des jeunes pris en charge ou sortant des dispositifs de l’aide sociale à l’enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse. Ce protocole organise le partenariat entre les acteurs afin d’offrir aux jeunes de seize à vingt et un ans une réponse globale en matière éducative, culturelle, sociale, de santé, de logement, de formation, d’emploi et de ressources. »

    Enfin, l’article L.223-3-2 du CASF crée par la loi du 14 mars 2016 prévoit que : « Au terme de l’accueil d’un enfant par le service de l’aide sociale à l’enfance, le président du conseil départemental s’assure qu’un accompagnement permet le retour et le suivi de l’enfant dans sa famille dans les meilleures conditions. »


    MISE SOUS PROTECTION JUDICIAIRE DES "JEUNES MAJEURS"

    1. TEXTE DE RÉFÉRENCE : Décret n° 75-96 du 18 février 1975 qui fixe les modalités de mise en œuvre d’une action de protection judiciaire en faveur de jeunes majeurs :

    • Article 1er : « Jusqu’à l’âge de vingt et un ans, toute personne majeure ou mineure émancipée éprouvant de graves difficultés d’insertion sociale a la faculté de demander au juge des enfants la prolongation ou l’organisation d’une action de protection judiciaire. Le juge des enfants peut alors prescrire, avec l’accord de l’intéressé, la poursuite ou la mise en œuvre, à son égard, d’une ou de plusieurs des mesures suivantes, dont il confie l’exécution soit à un service ou établissement public d’éducation surveillée, soit à un service ou établissement privé habilité :
      Observation par un service de consultation ou de milieu ouvert
      Action éducative en milieu ouvert
      Maintien ou admission dans un établissement spécialisé assurant des fonctions d’accueil, d’orientation, d’éducation ou de formation professionnelle
       »
    • Article 3 : « Cette mesure prend fin à l’expiration du délai fixé en accord avec l’intéressé ou lorsque celui-ci atteint l’âge de vingt et un ans. Il y est de plus mis fin à tout moment soit à l’initiative du juge des enfants, soit de plein droit à la demande du bénéficiaire. »

    2. MODALITÉS DE MISE EN ŒUVRE

    - La personne qui sollicite une telle mesure doit adresser une requête écrite au tribunal pour enfants de sa résidence habituelle.
    - Le juge apprécie souverainement les difficultés d’insertion sociale invoquées par le jeune.
    - La décision du juge n’a pas à être motivée et ne peut faire l’objet d’aucun recours.

    3. MESURE RÉSERVÉE AUX JEUNES MAJEURS LES PLUS EN DIFFICULTÉ :

    - Extraits de la note accompagnant la Circulaire du 21 mars 2005 relative à l’orientation relative à la mise en œuvre de la protection judiciaire en faveur des jeunes majeurs : « La Direction de la protection judiciaire de la jeunesse, tout en réaffirmant son engagement dans la mise en œuvre de la mesure de protection judiciaire des jeunes majeurs en difficulté d’insertion sociale, s’est engagée dans un programme d’actions qui a pour finalité de recentrer son intervention sur les publics clairement identifiés, en complémentarité avec les prises en charge administratives ainsi qu’avec les dispositifs d’action sociale de droit commun.
    C’est pourquoi la circulaire qui vous est transmise rappelle le périmètre du décret en matière de milieu ouvert mais souligne la nécessité en matière d’hébergement d’utiliser, autant que possible, les dispositifs de droit commun et de recentrer cette mesure sur les jeunes majeurs les plus en difficulté.
     »

    Pour aller plus loin