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Décision 2023-080 du 28 avril 2023 relative aux défaillances constatées d’un conseil départemental dans la prise en charge et l’accompagnement d’un mineur ressortissant étranger qui lui était confié par décision judiciaire

Publié le jeudi 15 juin 2023 , mis à jour le jeudi 15 juin 2023

Source : Défenseur des droits

Résumé :

« Le Défenseur des droits a été saisi des défaillances de l’aide sociale à l’enfance à l’égard d’un mineur ressortissant étranger, qui lui était confié par décision de justice, et dont le père était incarcéré.

A l’issue de son instruction, la Défenseure des droits a conclu :

- Que le conseil départemental avait manqué à ses obligations légales en n’établissant aucun projet pour l’enfant pendant près de six ans, ni aucun projet d’accès à l’autonomie, et a manqué de diligences et de rigueur dans la tenue du dossier du mineur, portant ainsi atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant qui lui était confié ;
- Que le conseil départemental avait porté atteinte au droit à l’identité du mineur qui lui était confié en raison de l’absence d’anticipation et de planification des démarches de reconstitution de son état civil et de réalisation de ces dernières en temps utiles ;
- Qu’en déléguant les démarches de reconstitution d’état civil à un tiers, personne ressource mais dépourvue de toute autorité parentale sur le mineur, le président du conseil départemental avait manqué à ses obligations découlant du droit à l’identité du mineur et avait porté atteinte à son intérêt supérieur ;
- Que l’absence de diligences des services de l’aide sociale à l’enfance en temps utiles pour accompagner le mineur vers une déclaration de nationalité française a privé le jeune de la possibilité de souscrire une déclaration de nationalité et a par conséquent porté gravement atteinte à l’intérêt supérieur du mineur ;
- Que l’absence d’accompagnement du mineur vers une demande de titre de séjour mention vie privée et familiale, auquel il pouvait prétendre de plein droit, afin de sécuriser son parcours et assurer son maintien sur le territoire français, conformément à son souhait exprimé, a porté gravement atteinte à son intérêt supérieur et entravé son accès au séjour ;
- Qu’en l’absence de démarches en vue de la rentrée de septembre 2015 ayant entraîné la déscolarisation du mineur alors qu’il était âgé de 15 ans, le conseil départemental avait manqué à ses obligations légales et avait porté atteinte à l’intérêt supérieur du mineur et à son droit à l’éducation ;
- Que l’absence d’entretien à 17 ans et l’absence d’élaboration d’un projet d’accès à l’autonomie constituaient un manquement du conseil départemental à ses obligations légales ;
- Que l’absence de prise en compte de la parole de l’enfant exprimant son mal-être à plusieurs reprises, et les conséquences de cette négligence sur son parcours scolaire, avaient porté atteinte à l’intérêt supérieur du mineur et à son droit d’être entendu et de participer à toute décision le concernant.

Au vu de ce qui précède, la Défenseure des droits a recommandé au conseil départemental :

- D’élaborer le Projet pour l’enfant (PPE) pour chaque enfant bénéficiant d’une mesure de protection de l’enfance, dès le début de la mesure et de l’actualiser régulièrement afin de réajuster les objectifs opérationnels et moyens fixés aux avancées réalisées avec le mineur et, le cas échéant, sa famille ;
- D’adopter et diffuser rapidement des consignes concernant la tenue des dossiers en protection de l’enfance et le recueil d’informations essentielles et obligatoires pour assurer le suivi du mineur qui lui est confié, précisant notamment les modalités de transmissions de ces dernières entre les services de l’aide sociale à l’enfance et les structures d’accueil des mineurs ;
- De veiller à ce que chaque dossier de mineur accueilli contienne les éléments principaux actualisés relatifs à la situation juridique, administrative, socio-éducative et médicale de l’enfant : date de la première mesure judiciaire, identité du juge des enfants et juridiction, identité du responsable et du référent ASE, identité des titulaires de l’autorité parentale et des personnes ressources pour l’enfant, statut administratif du mineur, lieu de placement, lieu et niveau de scolarité et toutes indications importantes relatives à la santé de l’enfant (identité et coordonnées des professionnels de santé, situation de handicap, notification MDPH, etc.) ;
- De veiller, concernant les mineurs ressortissants étrangers pour lesquels l’accès au séjour se pose à la majorité, à ce que chaque dossier contienne les éléments précis relatifs à la situation juridique et administrative, et notamment la date de la première mesure judiciaire ;
- D’envisager un audit de ses services afin de s’assurer de la teneur actuelle des dossiers des mineurs suivis par le conseil départemental ;
- De veiller, dès l’admission d’un enfant dans ses services, à vérifier son état civil, à récupérer les documents d’état civil et d’identité le concernant et à ce que la reconstitution et/ou la consolidation de l’état civil des mineurs accueillis soit un axe obligatoirement développé au sein du projet pour l’enfant et au sein du projet d’accès à l’autonomie ;
- D’adopter et diffuser rapidement des protocoles concernant la reconstitution et/ou la consolidation de l’état civil des mineurs accueillis par les services de protection de l’enfance ;
- De prévoir des modules de formation continue pour les services de l’aide sociale à l’enfance et les structures de prise en charge de mineurs ressortissants étrangers afin que les travailleurs sociaux actualisent leurs connaissances concernant la souscription de déclaration de nationalité et l’accès au séjour des mineurs ressortissants étrangers ;
- De rappeler aux services d’aide sociale à l’enfance la possibilité d’orienter les mineurs vers des avocats spécialisés en droit des étrangers en cas de difficultés relatives à l’accès au séjour de ces derniers à 18 ans ;
- De veiller à ce que les projets pour l’enfant et projet pour l’autonomie intègrent l’accès au séjour et à la nationalité française pour les mineurs ressortissants étrangers et que les démarches soient planifiées dès l’accueil du mineur ;
- De veiller à conserver copie des dossiers de déclaration de nationalité française, copie des dossiers de demandes de titres de séjour ou copies des échanges avec les autorités compétentes, et à en remettre un exemplaire aux mineurs ou jeunes majeurs que le conseil départemental accompagne.

Enfin, la Défenseure des droits a recommandé au conseil départemental de se rapprocher du jeune afin de procéder à une juste réparation des préjudices subis. »


Voir la décision du DDD au format PDF :

Décision 2023-080 du 28 avril 2023


Voir en ligne :
www.juridique.defenseurdesdroits.fr