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L’UNICEF France | Grandir dans les Outre-mer - Etat des lieux des droits de l’enfant

Publié le lundi 20 novembre 2023 , mis à jour le mercredi 22 novembre 2023

Date de publication : 20/11/2023
Source : L’UNICEF France
Auteur : L’UNICEF France

Voir en ligne : www.unicef.fr


Extraits :

«  • Un enfermement massif des enfants en centre de rétention administrative

[…].

Cette situation est particulièrement exacerbée et préoccupante à Mayotte et amplifiée par une politique de lutte contre l’immigration irrégulière d’ampleur et dérogatoire au droit commun français. À Mayotte, le nombre d’enfants placés en rétention est plus de 30 fois supérieur à celui de l’Hexagone. En 2022, sur les 2 999 enfants enfermés en rétention en France, 2905 ont été placés au centre de rétention administrative (CRA) de Pamandzi (Mayotte)(2).

[…].

Ainsi, le Défenseur des droits a rendu une décision le 14 octobre 2022 relative à l’interpellation et l’enfermement abusifs de mineurs au centre de rétention administrative de Pamandzi(5). La décision condamne les pratiques de modification unilatérale des dates de naissance des mineurs afin de les déclarer majeurs pour pouvoir les placer seul en rétention et pour les éloigner du territoire. Les décisions du Défenseur confirment également la pratique de rattachement arbitraire d’enfants à un tiers qui n’exerce pas l’autorité parentale, et rappelle la condamnation pour le même motif de la France par la Cour Européenne des droits de l’Homme dans son arrêt Moustahi c. France du 9 juin 2021(6). La décision du Défenseur des droits recommande aux autorités de mettre un terme à l’enfermement des enfants, aux pratiques arbitraires, rappelle que l’identité peut être prouvée par tout moyen et le fait qu’un mineur n’est pas soumis à l’obligation de justifier d’un titre de séjour.

2 Centres et locaux de rétention administrative, rapport inter associatif national et local – 2021

5 Décision Défenseur des droits n°202-206 du 14 octobre 2022

6 CEDH, 9347/14 Moustahi c. France du 9 juin 2021


• Les mineurs non accompagnés : un manque préoccupant de repérage et d’orientation et des carences dans les services de protection.

Un mineur non accompagné (MNA) ou mineur isolé est "une personne de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable, qui a été séparé de ses deux parents et d’autres membres proches de sa famille et n’est pas pris en charge par un adulte investi de cette responsabilité par la loi ou la coutume(3)".

En droit français, on parle de "mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille". Selon la réglementation, une personne mineure "est considérée comme isolée lorsque aucune personne majeure n’en est responsable légalement sur le territoire national ou ne le prend effectivement en charge et ne montre sa volonté de se voir durablement confier l’enfant, notamment en saisissant le juge compétent(4)."

En France, la loi prévoit que "la protection de l’enfance a également pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d’assurer leur prise en charge(5)". Ils doivent être considérés comme des mineurs en danger au titre de l’article 375 du Code Civil qui dispose que "si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducatives peuvent être ordonnées".

L’Aide Sociale à l’Enfance, compétence des Conseils Départementaux, "doit apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique tant aux mineurs et à leurs familles ou à tout détenteur de l’autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre leur éducation ou leur développement physique, intellectuel, affectif et social (6) ».

Le dispositif de protection de l’enfance est censé s’appliquer sur tout le territoire français, en Outre-mer comme en Hexagone. Pourtant en Guyane et à Mayotte, la défaillance du système de protection de l’enfance est telle que la majeure partie des enfants isolés, étrangers ou non, sont victimes de graves violations de leurs droits. Ces dysfonctionnements se caractérisent par le sous-dimensionnement des solutions de placement, l’insuffisance du suivi éducatif auxquels s’ajoutent des difficultés chroniques d’accès à la scolarisation.

Le nombre de mineurs non accompagnés à Mayotte demeure inconnu. En effet, plusieurs chiffres se croisent sans pour autant établir une statistique précise qui dénombre les mineurs isolés étrangers sur le territoire. Il faut noter que le territoire est marqué par une conception traditionnelle de la famille reposant sur la prise en charge collective des enfants(7). Les mineurs non accompagnés peuvent donc être confiés à des adultes qui ne sont pas leurs représentants légaux, apparentés ou non, mais qui – la plupart du temps – ne se sont pas vu confier la tutelle ou l’autorité parentale sur décision du juge compétent.

Le rapport d’observations définitives de la Chambre régionale des comptes de Mayotte sur l’Aide Sociale à l’Enfance à Mayotte indique qu’en 2016, l’Observatoire des mineurs isolés évalue à 4 446 le nombre de mineurs non accompagnés(8). Cette donnée officielle reprise par les autorités est à relativiser puisqu’elle ne prend en compte que les mineurs identifiés comme tels par les autorités de protection de l’enfance.

Or, le Défenseur des droits a pu dénoncer une "inertie institutionnelle persistante et préoccupante" des dispositifs de protection de l’enfance sur le territoire, comprenant la prise en charge des MNA(9). Le Défenseur des droits a également été informé en 2020 d’un appel à projet du département selon lequel l’évaluation de la minorité et de l’isolement d’un MNA doit conduire, en cas de doute à le déclarer majeur. Cette mention entre en contradiction absolue avec la décision du Conseil Constitutionnel du 21 mars 2019 et l’article 388 du code civil qui dispose que "le doute profite à la qualité de mineur de l’intéressé". Cette tendance à remettre en cause hâtivement la minorité des intéressés en cas de doute entraine mécaniquement des conséquences sur le dénombrement des MNA présents sur le territoire mahorais et pris en charge par les services de protection.

3 Voir l’observation générale nº 6 du Comité des Droits de l’Enfant relative au traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine, CRC/GC/2005/6.

4 Voir arrêté du 17 novembre 2016 relatif aux modalités de l’évaluation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille

5 Voir article L112-3 du Code de l’Action Sociale et des Familles (CASF)

6 Voir article L221-1 du CASF

7 CNAPE, La protection de l’enfance en Outre-mer, Pratiques et expériences innovantes, octobre 2021.

8 Chambre régionale des comptes, département de Mayotte, Aide sociale à l’enfance : rapport d’observations définitives, exercices 2016 et suivants

9 Défenseure des droits – Rapport Etablir Mayotte dans ses droits – 2020

Il arrive également que les pratiques de l’administration génèrent elles-mêmes des situations d’isolement : il est courant que l’administration procède à l’éloignement des parents étrangers sans que soit pris en compte la présence de leur enfant sur le territoire.

Par ailleurs, cette défaillance est accentuée par un contexte particulièrement hostile aux enfants étrangers qui font souvent l’objet de discriminations qui entravent l’accès à leurs droits, notamment le droit à l’éducation. Ainsi des pratiques illégales ont pu être constatées (et condamnées par les tribunaux) et visent à limiter l’accès à l’éducation pour ces enfants : barrière à l’inscription sur les listes d’attente (par l’exigence de certaines pièces complémentaires qui ne devraient pourtant pas être exigées(1), telle qu’une attestation de logement par exemple), ou expulsion d’enfants étrangers des classes par des groupes de parents exigeant la priorité pour les enfants mahorais(2).

En Guyane, le nombre de mineurs non accompagnés et là aussi largement sous-estimé. Malgré les difficultés de recensement, la proportion d’étrangers en Guyane est estimée à près de 40 % de la population(3). Parmi eux, la proportion de mineurs est vraisemblablement importante, mais demeure inconnue. Parmi la population de mineurs étrangers en Guyane, le nombre réel de mineurs isolés présents sur le territoire est lui aussi inconnu(4).

Seuls 52 mineurs non accompagnés étaient confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance en Guyane en 2019. Toutefois, de nombreux mineurs non accompagnés demeurent non identifiés par les services de protection. La Collectivité territoriale de Guyane assume le fait que "ce chiffre ne reflète pas du tout le nombre important d’enfants et de jeunes présents sur le sol Guyanais sans attaches familiales ni sociales réelles(5)". Parmi ces derniers, la Collectivité Territoriale de Guyane souligne le phénomène d’"enfants déposés" d’origine haïtienne, surinamienne et brésilienne, confiés à des proches sur le sol guyanais et finalement souvent livrés à eux-mêmes. S’ils ne sont pas confiés officiellement par décision du juge compétent, ils correspondent bien à la catégorie légale des mineurs non accompagnés et doivent faire l’objet d’une protection.

1 Refus d’inscription à l’école à Mayotte – lettre ouverte du collectif Migrants Outre-mer (MOM), 6 avril 2020

2 Réclamation sur des mesures d’exclusion de l’accès à l’éducation des mineurs ou jeunes majeurs étrangers à Mayotte – Journal du droit des jeunes – 2008/8 n°278

3 Bériet G., Madeco S., Qribi A., Vié A. (coord.), 2021, Guyane, les défis du droit à l’éducation, Association Migr’En Soi, rapport de recherche commandé par l’UNICEF France, financement UNICEF France, Défenseur des Droits

4 HCFEA, 2022, Santé et scolarisation des enfants avant 6 ans à Mayotte, en Guyane et à La Réunion, Rapport adopté par le Conseil de l’enfance et de l’adolescence adopté le 28 septembre 2021,

5 Collectivité Territoriale de Guyane, 2020, Schéma territorial de prévention et de protection de l’enfance, 2020 – 2024

[…].

AIDE SOCIALE À L’ENFANCE ET PROTECTION MATERNELLE ET INFANTILE

[…].

Enfin, il semble qu’un nombre important d’enfants d’origine étrangère présents sur le territoire [Guyane] soient rattachés à des adultes de leurs familles (plus ou moins éloignées) et/ou de leurs communautés. Cette organisation proche du "confiage", est très rarement encadrée par la protection de l’enfance, et peut conduire à des situations de violences ou d’exploitation de ces enfants, maintenus dans une situation particulière de dépendance envers ces adultes. Cette situation explique notamment le nombre très faible de mineurs non accompagnés officiellement recensés sur le territoire.

[…]. »


Voir le rapport au format PDF :

Rapport | Grandir dans les Outre-mer - Etat des lieux des droits de l’enfant

Voir la synthèse au format PDF :

Synthèse | Grandir dans les Outre-mer - Etat des lieux des droits de l’enfant