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La galère poitevine des mineurs isolés

Publié le 30-03-2016

Source : www.lanouvellerepublique.fr

Auteur : Delphine Noyon

« Ils disent avoir moins de 18 ans, mais l’administration conteste leurs papiers. Trois jeunes Guinéens sont baladés depuis des mois sans solution de repli.

Ali* a la mine triste des mauvais jours. Sa casquette enfoncée sur son crâne, il a la démarche lente et abattue de ces jeunes qu’on voit souvent traîner dans le quartier de la gare à Poitiers, de ces migrants qui assurent être mineurs et qui peinent à faire reconnaître leurs papiers d’identité. « J’ai eu 17 ans en février », martèle-t-il. Il n’expliquera pas comment il est passé de la Guinée, son pays d’origine… à la gare de Châtellerault le 24 août dernier. Juste qu’il a très vite été pris en charge par l’aide sociale à l’enfance. « Ils m’ont amené devant le juge pour enfants, j’ai passé une ou deux nuits à l’hôtel. Et puis ils m’ont dit qu’il n’y avait pas de place pour m’accueillir. J’ai beaucoup pleuré, mais ça n’a rien changé. »

Coincé dans le flou administratif

Pas franchement décidé à reprendre le train, il s’est tourné vers l’association le Toit du monde qui lui a trouvé un avocat. Une demande de placement a été faite pour six mois le temps que son dossier soit étudié. En vain. « Ils disent que mon extrait de naissance n’est pas bon et ne suffit pas à prouver ma minorité. »
Et lui, il affirme qu’il a perdu tous ses autres papiers dans sa migration, dont une carte attestant de son identité. Si bien que le jeune homme, non reconnu mineur officiellement, ne peut pas être pris en charge par l’aide sociale à l’enfance. Mais comble de l’ironie : comme le seul document d’identité qu’il réussit à présenter est cet extrait de naissance qui lui donne moins de 18 ans, il ne peut pas non plus, être pris en charge par les structures pour adultes !
Ils sont quelques-uns à Poitiers, à avoir ainsi sombré en quelques jours dans ce flou administratif. Ils ne sont pas expulsables avec leurs papiers de mineurs, mais personne ne peut les prendre en charge.
Ali et deux copains de galère, Omar et Mustapha*, vivent actuellement la même situation. Pour eux, la solidarité a fonctionné à plein. Deux étudiantes en colocation ont accepté de les loger et de les nourrir pour leur éviter la rue. Et elles s’attendent avec le collectif D’ici Nous Sommes d’Ailleurs, à en voir débarquer un quatrième dans quelques temps. Évidemment, ça ne pourra pas durer éternellement…
Les garçons ont entamé des démarches auprès de leur ambassade pour obtenir une carte consulaire, qui pourrait les aider à prouver leur identité. Mais la démarche semble mal engagée. Alors en attendant, ils traînent en ville, passent du temps à la médiathèque, improvisent un match de foot. « J’ai demandé à suivre des cours de français mais on me l’a refusé. Comme je ne suis pas pris en charge, je ne peux pas aller à l’école », s’inquiète Mustapha. « Nous on veut s’insérer, on ne veut pas rester à rien faire toute la journée. »
Ali d’insister. « Vous savez, j’ai dû quitter la Guinée parce que mon père est mort, peut-être d’Ebola. J’ai perdu ma mère quand j’avais six ans. Je ne pouvais pas m’en sortir seul et les autres ont cru que j’avais aussi Ebola, ils se sont mis à me détester. J’ai vendu mon vélo et quelques biens et je me suis enfui. Mon père voulait que je vienne étudier ici. Ensemble, on regardait les avions Air France passer dans le ciel… Je voudrais faire ce qu’il préparait pour moi. Je lui dois ça. »
D’autres qu’eux, avant eux, ont repris le train vers un ailleurs et retenté leur chance dans une autre ville. Pour le moment, les trois copains disent vouloir rester à Poitiers. Mais ça peut changer.

* Les prénoms ont été modifiés. »

Voir en ligne : http://www.lanouvellerepublique.fr/...