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Un conseil des réfugiés s’organise

Publié le 8-04-2016

Source : www.lepharedunkerquois.fr

Auteur : E. O.

« Dans l’humanitaire, on trouve quelques cinglé(e)s magnifiques et des parcours hors norme. Comme celui de Magali Bourgouin, qui a pris provisoirement les commandes d’Utopia 56 dans la gestion du camp de la Linière. Une Marseillaise à la tête d’une association bretonne pour gérer un camp de migrants grand-synthois…

D’où viennent les bénévoles qui interviennent sur le camp ? Combien sont-ils ?
En moyenne, on a une trentaine de personnes par jour en semaine. Le week-end, c’est un peu plus : une cinquantaine. C’est insuffisant, malheureusement. On a fait un gros appel à bénévoles, spécifiquement pour le déménagement. Depuis, on relance sans arrêt. Il y a beaucoup de Bretons, le réseau Utopia 56 a marché à plein ! Il y a beaucoup d’Anglais et d’Allemands, ils font les petits-déjeuners et les repas du soir. On voit aussi arriver des Italiens et des Espagnols, et ce week-end, on a reçu des Corses venus apporter des matelas ! Il y a un effet d’entraînement : des personnes viennent un week-end, ils en parlent à leurs copains et ils nous les ramènent le week-end suivant… Ça, ça marche bien. Mais on aimerait avoir plus de bénévoles locaux.

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ?
Il y a un problème de sous-effectif. Par exemple, sur mon organigramme, j’ai douze chefs d’équipe qui sont irremplaçables, à ce stade. Je ne peux pas les envoyer en repos ! D’où notre volonté de créer deux ou trois postes de managers salariés. Mais ça nous amène au problème financier : on ne peut compter que sur la Mairie de Grande-Synthe… et nos fonds propres.
Pour vous donner une idée, il y a eu le problème de l’extension des shelters. Ceux qui ont été installés étaient sous-dimensionnés pour accueillir quatre personnes. En s’installant, les migrants ont fabriqué eux-mêmes des extensions, avec des toiles de jute, des couvertures, ce qu’ils avaient sous la main. Évidemment, du point de vue des pompiers, il n’y a pas pire en cas d’incendie ! Alors il fallait en urgence bâtir des extensions en dur. Mais il n’y avait pas de financement pour ça ! Et on ne pouvait pas attendre, ça pouvait être un prétexte pour fermer le camp. Du coup, on a payé ces extensions de notre propre poche…

Pour les bénévoles, y a-t-il des compétences exigées, ou recherchées ? Notamment en matière de langues ?
Il n’y a pas de compétences exigées, non ! On s’en fout, on est tous là pour la même cause, c’est ce qui importe. Tout ce qu’on demande, c’est d’adhérer à l’assurance collective, en cas de problème. Ou au moins de nous signer une décharge à l’entrée. Si c’est pour une journée, on va aller aux tâches les plus urgentes ! Il y a aussi des tâches vues comme ingrates : la présence au rond-point d’accès à la Linière, les bénévoles s’y ennuient, parfois… Mais c’est indispensable : on a constaté que les voitures roulaient nettement plus vite dès que nos gilets fluos n’étaient plus dans les parages… Si des bénévoles ont des compétences particulières, on essaye de les orienter au mieux. Par exemple, on a un grand besoin de menuisiers charpentiers : on en a 10 qui sont bénévoles, ce n’est pas beaucoup… Si un professeur nous contacte, on va l’orienter vers l’équipe enfant qu’on est en train de mettre en place…

Une équipe enfant ? Il s’agit de les scolariser ?
Pour ceux qui le veulent, oui. Il n’y a pas d’école obligatoire, mais on essaye de mettre en place des horaires où les enfants doivent être soit en classe, soit en train de faire des activités, comme du dessin. Même si c’est des enfants en parcours migratoire, ce qui signifie qu’ils sont déscolarisés et traumatisés, on cherche à établir des règles et des activités cadrées.

La semaine dernière, vous avez organisé une réunion avec les migrants pour faire un premier point sur le fonctionnement du camp. Comment cela s’est-il passé ?
Il y avait une centaine de migrants qui ont répondu à l’appel et on voit qu’il y a un conseil des réfugiés qui s’organise tout seul. On avait une série de messages à faire passer : sur l’installation des détecteurs de fumée et des extincteurs, par exemple.
On a eu beaucoup de remerciements qui nous ont beaucoup émus, parce qu’au quotidien, on entend plus des plaintes ou des reproches… Alors bien sûr, on ne peut pas faire trop long, parce que le discours doit être traduit simultanément en Kurde, Farsi, arabe et anglais. On voulait aussi attirer leur attention sur le fait qu’ils étaient tous responsables de la surveillance des enfants. Et puis ils ont beaucoup de questions : ils ont remarqué les comptages de la police, et ceux qui sont passés par Calais se souviennent qu’il y avait eu des comptages juste avant que le démantèlement ne commence… Il faut les rassurer. Et puis, c’est un bon moyen d’avoir des nouvelles : ce soir-là, ils ont appris qu’une famille avait réussi à passer en Angleterre, alors ils ont fait la fête !
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