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Protection de l’enfance : avoir « confiance dans la loi », mais « bricoler des réponses adaptées”

Publié le 29-11-2018

Source : Le JDM

Auteur : Anne Perzo-Lafond

Extraits :

« Si des progrès considérables ont été faits en matière de protection de l’enfant à Mayotte, le thème souffre encore de non-dits et de difficultés liées au territoire. Ils étaient abordés lors d’une table ronde ce mercredi où les invités devaient répondre à une question : les spécificités de Mayotte, terre de migration, lui permettent-elles d’appliquer la loi comme partout ailleurs ?

Le thème de la table ronde qui réunissait des pointures ce mercredi, les interpellait : « Les standards nationaux sont-ils applicables à Mayotte ? ». Les statuts de Jean-Pierre Rosenczveig, Président du Tribunal pour Enfants de Bobigny, de Pierre Verdier, avocat au barreau de Paris, de Patrick Bonfils, directeur de la DJSCS qui représentait la préfecture de Mayotte, de Nathalie Zahi, vice-présidente en charge des fonctions de juge des enfants au TGI de Mamoudzou, où officie aussi Sébastien Lombardi, Juge des enfants, et de Fabienne Quiriau, directrice générale de la CNAPE*, ne les autorisaient à répondre que par l’affirmative.

Dès lors, se posait la question en écho, que formulait Sébastien Lombardi : « Pourquoi nous pose-t-on une telle question, à nous qui sommes les représentants des standards nationaux ?! » Une volonté du conseil départemental de les interpeller sur les difficultés d’application de la loi. « C’est un peu tôt pour se poser cette question, tant que tous les moyens alloués aux autres départements ne sont pas mis en place », analysait en préambule le juge. Même s’il concédait une montée en puissance de la protection de l’enfance à Mayotte.

Mais une question décelait-il, qui sous-entend la mise en avant d’une exception culturelle, « celle de l’immigration. Préservez-vous de vous poser cette question politique, laissez-la à l’Etat ! » Mais une problématique à double face. Celle de la prise en charge des enfants d’abord. « Nous, juges des enfants, nous ne prenons pas en considération la nationalité des enfants ». Le directeur de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) du Département, Antoissi Abdou Lihariti, lui répondait en écho, « un enfant est partout chez nous », sous entendant que ses services ne font pas de distinguo. On ne peut qu’espérer que cela soit la réalité, faute de provoquer davantage d’isolement et donc de bascule dans la délinquance.

L’autre face, celle qui sous-tend la question du débat et même de ces rencontres, c’est celle de l’absence sur le territoire des familles dont beaucoup sont à Anjouan, « nous n’avons pas de parents sur lesquels s’appuyer », se plaint l’ASE. Une remarque à laquelle le juge faisait droit, « c’est un gros problème. Certaines familles que nous avons contactées aux Comores ne souhaitent pas reprendre leur enfant que nous suivons ! »

Un échange qui souligne l’utilité d’une action mise en place à Bobigny, signale Jean-Pierre Rosenczveig : « Il faut créer des lieux et des temps d’échange entre acteurs de la protection de l’enfance, on s’engueule ou on se félicite, mais autour d’une expertise partagée de la situation. » Une espèce de Comité de pilotage de la protection de l’enfance. « Car il faut que chaque maillon fonctionne, c’est choquant que la justice soit le premier interlocuteur de l’enfant. Il faut mettre en avant la Protection Maternelle et Infantile. »

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« On a du mal à remettre l’enfant sur pied »

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Jusqu’à il y a deux ans, en dehors des grosses associations, comme Mlézi Maoré (ex-Tama), Apprentis d’Auteuil, Secours Catholique, il n’y avait pas de protection de l’enfance départementale à Mayotte, « d’où l’impression pour les acteurs d’arriver sur une situation dégradée, ‘on a du mal à remettre l’enfant sur pied’, entend-on, mais il faut refuser cette fatalité », enjoignait Fabienne Quiriau. Elle précisait que le « droit de l’enfant » ne s’oppose pas au « droit des familles », « il s’agit de donner le meilleur sort possible à l’enfant. »

« Être convaincu des droits de l’enfant »

Le contexte de pauvreté locale et régionale n’aide pas, « il ne faut pas le sous-estimer », ce qui ramène à la situation des familles délocalisées, absentes du territoire.

Pas de solution miracle pour Jean-Pierre Rosenczveig, « les professionnels de l’action sociale sont obligés de bricoler des réponses, c’est de la responsabilité à la fois de l’Etat, des collectivités et des associations ».

De territoire en attente de solutions, Mayotte pourrait donc servir de référence si elle arrive à trouver des pistes pour initier ce rapprochement familial. D’autant que, « en métropole, la présence de mineurs étrangers isolés sont révélateurs des tensions actuelles. »

Si en réponse à la question du débat, « Les standards nationaux sont-ils applicables à Mayotte ? », on a vu que des solutions adaptées étaient les bienvenues, et qu’il ne fallait pas hésiter à ‘bricoler’, Fabienne Quiriau appelait par contre à arrêter de douter, « l’ambition est importante. Il faut être convaincu de la bonne raison d’être de ce droit de protection de l’enfant. » (...) »

Voir en ligne : https://lejournaldemayotte.yt/prote...