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Protégeons les mineur·e·s isolé·e·s étranger·e·s, respectons la présomption de minorité

Publié le 21-11-2022

Date de la publication : 21/11/2022
Source : Huffpost
Autrice : Fanélie CARREY-CONTE (secrétaire générale de La Cimade)

« TRIBUNE - Cette tribune est initiée par un collectif d’associations et de professionne·les du monde du cinéma qui unissent leurs voix autour du film « les Engagés » réalisé par Émilie Frèche. Actuellement au cinéma, il propose une amélioration concrète des conditions d’accueil des mineu·e·s isolé·e·s étranger·e·s en France.

MINEURS - Chaque année, quelques milliers d’enfants de nationalité étrangère entrent seul∙es sur le territoire français, sans leurs parents ni représentant·e légal·e. Afin d’accéder à la protection de l’enfance, ces jeunes, parce qu’isolé.e.s et étranger·es, doivent solliciter les services du département pour que ces derniers organisent une évaluation afin d’attester ou de contester leur minorité et leur isolement sur le territoire français. Ces évaluations, pourtant encadrées par des textes nationaux, ne sont pas réalisées partout de la même manière. Trop de départements n’y consacrent pas suffisamment de moyens ni de temps et ne forment pas correctement leurs évaluateurs et évaluatrices, contrairement à leur obligation légale. La qualité de ces entretiens, qui conservent par nature une part de subjectivité, est déterminante. De leurs résultats dépend l’inclusion ou l’exclusion de la protection de l’enfance.

Une mise à l’abri qui doit être systématique pour tous∙tes les jeunes

Dans l’attente de leur évaluation, conformément à la loi, ces jeunes doivent être mis·es à l’abri par les services de la protection de l’enfance des départements. Il s’agit, pendant quelques jours ou quelques semaines, de leur assurer la protection d’un toit, de les mettre en sécurité et de les nourrir. Cela relève d’une obligation légale pour les départements : tant que l’évaluation n’est pas terminée, les jeunes doivent être considéré·es mineur·es et leurs besoins les plus fondamentaux assurés. Dans la pratique, les départements appliquent cette obligation de façon hétérogène, et cette mise à l’abri, pourtant essentielle, n’est ainsi pas systématique.

Saisir le juge des enfants pour la reconnaissance de leur minorité, à quel prix ?

À l’issue de l’évaluation, la mise à l’abri des jeunes non reconnu·es mineur·es prend fin. Ils et elles ont néanmoins la possibilité de saisir le juge des enfants, qui statue sur leur minorité, et qui décide, pour celles et ceux reconnu·es mineur·es, de les confier aux services de la protection de l’enfance.

Pour autant, cette procédure, qui peut durer plusieurs mois, ne leur donne pas accès à la protection de l’enfance, puisqu’elle ne suspend pas la décision du département. Débute alors, pour celles et ceux qui font le choix d’engager cette procédure, une longue période d’errance et d’incertitude en attente de leur audience devant le juge. Les jeunes qui se tournent vers les dispositifs de droit commun ne trouvent pas de solution d’hébergement, puisque ces derniers sont réservés aux personnes se déclarant majeures. Ainsi, ni mineur∙es aux yeux des départements, ni adultes au regard de l’État, ces « mijeur∙es » voient les portes des foyers de la protection de l’enfance, comme celles des hébergements d’urgence, rester closes.

On le constate, une part significative de ces jeunes est finalement reconnue mineure à l’issue de la saisine du juge et intègre alors la protection de l’enfance. Autant d’enfants, qui, livré∙es à eux-mêmes pendant plusieurs mois, ont été contraint∙es de survivre à la rue, dans des campements, des squats ou dépendant∙es de propositions d’hébergement solidaire. Autant de temps perdu, pendant lequel ces enfants n’ont pas accès à l’école, aux soins, ni à un accompagnement social.

La France doit respecter ses obligations internationales

Or, en vertu de ses obligations internationales, la France est tenue d’assurer la sécurité de l’intégralité de tous∙tes les enfants présent∙es sur son territoire. La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) garantit aux concerné·es un hébergement sécurisé, l’accès à l’éducation et aux soins de santé. Tant qu’un·e jeune est susceptible d’être reconnu·e mineur·e, il est nécessaire qu’il ou elle soit traité·e en tant que tel·le, avec toutes les garanties que cela implique. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a d’ailleurs récemment réaffirmé l’importance du principe de présomption de minorité.

Une nécessaire politique publique pour protéger tous∙tes les enfants, sans distinction

Il est impératif que la protection des jeunes se déclarant mineur·es soit maintenue tout au long de la procédure, jusqu’à la décision du juge des enfants. Ce principe doit être inscrit dans la loi.

Si les départements sont responsables des enfants qui leur ont été confié∙es par un juge, c’est en revanche à l’État de montrer sa volonté de garantir le principe de présomption de minorité en soutenant financièrement l’ouverture de dispositifs dédiés aux jeunes en cours de saisine. De tels dispositifs permettront aux jeunes de bénéficier non seulement d’un toit, mais aussid’une place à l’école, de soins de santé et du soutien d’une éducatrice ou d’un éducateur tout au long des mois que dure cette procédure.

L’intérêt supérieur de l’enfant doit guider toutes les décisions concernant des mineur·es, il doit donc prévaloir sur les considérations d’ordre politique, liées à la question des migrations. Les mineur·es isolé·es sont avant tout des enfants, rendu·es particulièrement vulnérables par leur parcours chaotique. Or, il en va de la responsabilité de la France de garantir la continuité et la qualité de la prise en charge de tous∙tes les enfants, sans rupture ni discrimination. Les premiers mois en France sont déterminants pour les jeunes, ils façonnent la réussite à venir de leur accompagnement éducatif puis de leur intégration dans notre pays. Il faut donc, de toute urgence, réviser ce système juridico-administratif, qui ne permet pas toujours aux enfants d’accéder à leurs droits les plus fondamentaux.

Pour aller plus loin :

Vous pouvez signer la pétition Les Engages sur change.org.

« Les Engagés », d’Emilie Frèche, avec Benjamin Lavernhe, Julia Piaton, Bruno Todeschini, Hakim Jemili, Youssouf Gueye et Catherine Hiegel est produit par Chapka Films, en co-production avec Echo Studio, et distribué par Tandem et Echo Studio. La campagne d’impact, coordonnée par Echo Studio, réunit un collectif de 6 associations (France Terre d’Asile, La Cimade, Amnesty International France, Oxfam France, Watizat, Ecole pour Tous) pour un manifeste prônant un changement systémique qui embarquera des expert·e·s, artistes et citoyen·ne·s. Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site : www.lesengages-lefilm.com.

Liste des signataires

  • Émilie Frèche, Réalisatrice
  • Julia Piaton, Actrice
  • Bruno Todeschini, Acteur
  • Ludivine de Chastenet, Actrice
  • Najat Vallaud-Belkacem, Présidente, France terre d’asile
  • Cécile Duflot, Directrice Générale, Oxfam France
  • Fanélie Carrey-Conte, Secrétaire Générale, La Cimade
  • Jean-Claude Samouiller, Président, Amnesty International France
  • Clémence Tondut, Présidente, Watizat
  • Vincent Brengarth, Avocat au Barreau de Paris, associé au sein du cabinet Bourdon & Associés
  • Laetitia Galitzine, Productrice, Chapka Film
  • Jean-François Camilleri, Producteur, Echo Studio
  • Mathieu Robinet, Distributeur, Tandem »

Voir l’article en ligne : www.estrepublicain.fr