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Mineurs étrangers : Quand la logique comptable remplace celle de l’accueil humanitaire inconditionnel

Publié le 27-08-2015

Source : http://dubasque.org

Auteur : Didier Dubasque

« Les mineurs étrangers isolés ont des droits garantis par la France et l’Europe. Mais dans les faits, de nombreux enfants et adolescents sont « à la rue » délaissés par l’État. Les arguments avancés sont d’ordre budgétaire. Ainsi par exemple le département de Loire Atlantique se déclare « au bout de ses capacités » d’accueil des mineurs étrangers isolés. Pourtant si l’on compare les chiffres de ce département avec ceux de son voisin, l’Ille-et-Vilaine, cette capacité d’accueil semble bien sous évaluée.Ainsi en 2013 le département d’Ille-et-Vilaine, accueillait plus de 450 mineurs isolés étrangers, alors que la Loire-Atlantique en accueille actuellement 265, dont 107 arrivés depuis début 2015. Le résultat ne s’est pas fait attendre, face à la limitation du nombre d’accueils au regard des besoins, ce département s’est vu condamner par le tribunal administratif à de multiples reprises. Même si aujourd’hui la situation est en passe de provisoirement se résoudre, le problème reste entier. Il est national. Ainsi par exemple à Lille le 22 juillet dernier, La Voix du Nord dévoilait qu’une quarantaine de jeunes migrants africains dormaient depuis près de deux mois à la belle étoile dans un jardin, leur situation était jugée catastrophique. Là aussi, le département a été récemment rappelé à l’ordre. En Mayenne, 53 mineurs étrangers sont actuellement pris en charge ; Près de 60 d’entre eux sont accueillis en Sarthe ce qui n’affecte pas le bon fonctionnement de son service d’aide à l’enfance. Dans le Maine et Loire, le département hébergeait 153 jeunes en juin, ils sont 190 en août. En Vendée ce sont 81 jeunes qui sont accueillis. Mais combien au total sont à la rue ? On ne le sait pas vraiment.

Armelle Gardien membre du Réseau Éducation Sans Frontières dans une tribune publiée dans l’Obs’, indique que « De manière quasi systématique aujourd’hui, certains conseils départementaux (pas forcément les moins nantis) refusent cette prise en charge, trop coûteuse assurent-ils (on parle ici de quelques dizaines et plus rarement dans quelques départements, de trois ou quatre centaines de jeunes). Ils mettent brutalement ces jeunes à la rue, interrompant sans état d’âme des parcours scolaires ou des formations prometteuses, et ils n’hésitent pas à déposer plainte contre eux ».

La logique comptable a progressivement remplacé celle de l’accueil humanitaire inconditionnel. Cette situation serait la conséquence de filières existantes qui ont été identifiées notamment en provenance du Mali et de Guinée. Mais il y a aussi le prix de journée d’un accueil via l’ASE. Il contribue fortement à renforcer cette logique. Le Département d’Ille et Vilaine évaluait en 2013 le coût d’un accueil à 60 000€ par an et par mineur isolé étranger. Conséquence, les commentaires des lecteurs d’articles de presse sur ce sujet rengorgent de réactions virulentes contre ces jeunes qui non seulement « prendraient la place des jeunes français » mais qui aussi « coûtent cher au contribuable », c’est du « pain béni » pour le Front National… Bref le contexte d’accueil inconditionnel de mineurs est fortement remis en cause malgré des textes protecteurs issus entre autres de l’ordonnance de 1945.

Et nous travailleurs sociaux que pouvons nous faire ? Nous sommes des professionnels de l’aide. Nous savons que nous ne disposons pas de solution politique face à ce problème. Mais ces jeunes sont là dans notre quotidien et non pas dans une contrée lointaine éloignée de notre regard et de notre capacité d’agir. Il est donc tout à fait logique que nous les aidions au mieux de nos compétences sans céder aux arguments économiques mis en avant pour ne pas agir. Ces arguments, s’ils sont essentiels pour les économistes et gestionnaires de fonds publics, le sont beaucoup moins voire pas du tout pour les travailleurs sociaux que nous sommes. Cela n’est pas faire preuve d’irresponsabilité. Bien sûr nous savons qu’un accueil coûte de l’argent. Il nous faut peut être contribuer à trouver des réponses alternatives plus économique que les coûts actuels s’élevant à à 5000 €. par mois pour chaque jeune, ce qui est très difficilement acceptable pour une large majorité de français. Cela se comprend aisément quand on connait les conditions de vie d’une majorité d’entre eux. Nombreux estimeront ce coût « indécent » au regard de leur propre réalité. Il est donc nécessaire de faire tomber ce frein essentiel.

Nous savons aussi que de tout temps les pays et les nations ont été traversés par des crises importantes où la population la plus fragiles a été la première touchée. Des personnes de toutes origines, comme par exemple à Calais, se sont mobilisés pour apporter assistance et des réponses à des besoins vitaux à ceux qui n’ont plus rien ou presque. Qui demain, sera considéré comme le plus irresponsable face au droit international mais aussi face à l’histoire. Ceux qui ont décidé pour des raisons économiques de laisser des mineurs « à la rue » ou ceux qui auront tenté de les secourir ?

Je vous laisse le soin de répondre en votre âme et conscience à cette question. »

Voir en ligne : http://dubasque.org/2015/08/27/mine...