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Migrants : leurs premiers pas à Sète sur la terre des libertés

Publié le 25-11-2015

Source : http://www.midilibre.fr

Auteur : SOPHIE GUIRAUD

« A Sète, Ibrahim, 18 ans, réfugié, raconte son parcours. Depuis un mois, à Rodez, Argelès, Le Barcarès, Narbonne, l’histoire se répète.

Ils s’appellent Abdu, Amin, Kadir, Kedir, viennent d’Erythrée, de Palestine, de Libye, plus majoritairement du Soudan, d’Éthiopie, d’Afghanistan. D’Éthiopie pour Ibrahim, Ramadan et Kamal, arrivés à Sète dans la nuit du 16 au 17 novembre, en provenance de la “jungle” de Calais dans un bus qui a amené 27 personnes au centre de vacances du Lazaret, trois semaines après l’accueil des premiers réfugié en Languedoc-Roussillon , quatre familles syriennes et irakiennes (lire ci-dessous).

"On a trouvé des jeunes gens fatigués, affamés"

A Sète, ce sont des hommes seuls et jeunes. "Le plus âgé a 29 ans, il y a un adolescent de 14 ans", liste Baptiste Meneghin à Deux choses lune, l’association qui coordonne la prise en charge. D’abord pour gérer l’urgence : "On a trouvé des jeunes gens fatigués, affamés. Tout est rentré dans l’ordre", explique Jean-Régis Souvignet, le directeur du Lazaret qui se souvient des premiers repas servis sous tension, après "des semaines à vivre sous le règne du chacun pour soi".

Le temps administratif prend le relais. "Tous ont fui un conflit, une guerre, mais les situations très différentes et souvent complexes, certains sont en France depuis une semaine, d’autres depuis des années", indique Baptiste Menaghin. Le représentant de Deux choses lune est "très impressionné" par l’élan de solidarité des Sétois qui ne faiblit pas. En témoignent les stocks de vêtements et de produits d’hygiène. Ce mardi matin, Etienne apporte un manteau, et salue Ibrahim, Ramadan, Kamal. Lundi soir, des jeunes Allemands hébergés dans la ville ont convié les réfugiés à une soirée. Ce week-end, un couscous a été offert. Une Sétoise a organisé des séances chez le coiffeur.
Peu à peu, les peurs s’estompent : "Les événements d’il y a dix jours ont provoqué quelques crispations, des amalgames qu’on ne peut pas empêcher", constate Jean-Régis Souvignet, confronté à un violent "Combien y a-t-il de jihadistes parmi les personnes que vous accueillez ?" Il préfère s’inscrire dans l’histoire du Lazaret, "qui accueillait des réfugiés espagnols en 1937".

Leur priorité est de "s’intégrer"

Chez les jeunes Africains, les langues se délient peu à peu. "Ils ont beaucoup de mal à parler de leur histoire", témoigne Baptiste Menaghin. A l’accueil du Lazaret, on capte, "ému", les bribes d’un parcours chaotique. Ce jeune Afghan invité à rejoindre la milice sous peine d’être exécuté et dont la famille a réuni les milliers de dollars qui lui ont permis de s’exiler. Cet autre qui a marché vingt jours à travers la montagne, sur la route d’une mère qu’il a aidée à porter son bébé.

Ibrahim, 18 ans, arrive d’Oromia, une région administrative d’Éthiopie. Il est parti il y a trois mois, avant de rejoindre l’Italie via le Soudan et la Libye : "Si j’étais resté, ils m’auraient tué". Toute sa famille a disparu. Il était chauffeur. Et bon joueur de foot, numéro 4. Comme Ramadan, 16 ans, dont on débrouille plus difficilement l’histoire. Le foot, encore. Lille, Marseille... la géographie de la France commence par celle de la Ligue 1. Il y a surtout l’idée que "c’est le pays de la liberté". Pas celle des attentats. "Ils sont passés à côté", glisse Baptiste Meneghin. Leur priorité est de "s’intégrer".
Et d’apprendre le français. Apprendre et se former pour Kamal encore, 17 ans, fils d’une famille aisée, qui veut être médecin. Il a quitté l’Éthiopie après la disparition de son père, son frère aîné, étudiant à Addis Abeba, a été menacé. Lui a laissé sa mère, quatre frères et trois sœurs en Afrique avant de transiter par le Soudan, la Libye et l’Italie. Une autre histoire, une même route arrivée en France, le chemin des migrants.

Les lignes ont peu bougé", depuis les attentats

Au village de vacances “Les portes du Roussillon”, au Barcarès (P-O), 30 migrants passés par Calais, pour moitié des Afghans et des Soudanais, reprennent le fil d’une vie décente depuis le 30 octobre, dans ce centre de vacances transformé en “centre de répit”. Quatre jours plus tôt, ce sont quatre familles de réfugiés syriens et irakiens qui ont été accueillies dans le département.
Il y a aussi ces vingt migrants soudanais arrivés à Narbonne et Espéraza (Aude), le 1er novembre. Dix jours plus tard, cinq jeunes réfugiés irakiens se sont installés à Rodez. Enfin, il y a les 27 migrants de Sète. Ensuite, rien. À Nîmes, « 140 à 150 personnes venues de Calais ont été prises en charge au centre de rétention. On n’a pas encore organisé d’accueil, on est en recherche d’hébergement pour les personnes destinées à être mises à l’abri », explique Denis Olagnon, secrétaire général de la préfecture du Gard.
Deux mois après les images fracassantes d’Aylan, l’enfant kurde de 3 ans échoué sur une plage de Turquie, dix jours après les attentats de Paris, l’accueil des migrants et des réfugiés s’organise dans la région. Depuis le 13 novembre, la situation a à peine bougé. « Pendant un temps, tout a été plus ou moins gelé », constate Laurent Alaton, sous-préfet de Prades (P-O).

Procédure complexe

La procédure est complexe : parce que la situation des migrants, en transit et en attente de papiers, n’est pas identique à celle des réfugiés forts d’un statut. Ensuite parce qu’il ne suffit pas d’un logement vacant et de bonnes volontés pour faire avancer un dossier. Le contexte actuel de psychose ne facilite sans doute pas les choses
.
La commune du Vigan (Gard), qui s’est manifestée dès le 25 juin sur l’accueil de réfugiés, attend les premières familles, trois logements vacants sont prêts. Dans le village, le « formidable élan de solidarité ne faiblit pas », constate Clémence Boisson, adjointe aux affaires sociales. « On a souvent la question “Ils arrivent quand ?” Tout est prêt. Jusqu’aux cours de français et l’école des enfants ». Mandagout, commune gardoise voisine, attend aussi une « famille de réfugiés irakiens » fin novembre ou début décembre, indique Emmanuel Grieux, adjoint au maire. Malgré des réticents de la première heure, « les lignes ont peu bougé » depuis les attentats.

« On va tout faire pour favoriser leur intégration », insiste André Drubigny, coordonnateur départemental pour l’accueil des réfugiés en Aveyron, à l’évocation de ces cinq jeunes Irakiens, 27 à 34 ans, passés par Munich et Paris, arrivés dans le département. « Ils ont souffert et sont inquiets, car certains ont laissé leur famille en Irak. Mais heureux d’être là. »

En Aveyron, cinq appartements sont encore vacants. Dans l’Aude, 46. En Lozère, quatre, immédiatement disponibles. À Figeac (Lot), dans la future grande région, il y en a sept. Vraisemblablement des réfugiés syriens. « On a vraiment envie qu’ils s’intègrent et qu’ils restent », confie André Mellinger. Le maire PS a déjà préparé ses premiers mots : « Bienvenue parmi nous ! » »

Voir en ligne : http://www.midilibre.fr/2015/11/24/...