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L’éloignement des mineur·es isolé·es étranger·es

Publié le jeudi 24 avril 2014 , mis à jour le jeudi 25 mai 2023

PRINCIPE : INTERDICTION DE L’ÉLOIGNEMENT DES MINEUR·ES ISOLE·ES ÉTRANGER·ES

- PROTECTION CONTRE L’ÉLOIGNEMENT DU TERRITOIRE :

  • Article L.611-3 1° CESEDA :« Ne peu[t] faire l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français : […] l’étranger mineur de dix-huit ans. »

À noter : Les mineur·es ne sont pas concerné·es par l’obligation de détenir un titre de séjour, ils/elles ne peuvent donc pas être en situation irrégulière (Cf. Article La régularité du séjour des mineur·es isolé·es étranger·es)
OR : les mesures d’éloignement du territoire ne peuvent concerner que des individus en situation irrégulière
EN CONSÉQUENCE : Ne pouvant pas être en situation irrégulière, aucune mesure d’éloignement du territoire n’est envisageable à leur encontre.

- PROTECTION CONTRE L’EXPULSION :

  • Article L.631-4 du CESEDA : « L’étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l’objet d’une décision d’expulsion »

AMÉNAGEMENT DU PRINCIPE DE L’INTERDICTION DE L’ÉLOIGNEMENT DES MINEUR·ES ISOLE·ES ÉTRANGER·ES

1. PROCÉDURE JUDICIAIRE DE RETOUR DES MINEUR·ES ISOLÉ·ES ÉTRANGER·ES DANS LEUR PAYS D’ORIGINE

Voir les indications ci-dessous ou directement l’Annexe 14 de la circulaire interministérielle du 25 janvier 2016 relative à la mobilisation des services de l’Etat auprès des conseils départementaux concernant les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et les personnes se présentant comme tels :

- Le retour d’un·e enfant dans son pays d’origine peut être décidé par ordonnance du juge des enfants ou intervenir dans le cadre d’un dispositif ayant pour objet une réunification familiale dans son pays d’origine ou un pays d’accueil.
- Après réception de la décision du magistrat et en liaison avec les acteurs en charge du suivi du/de la mineur·e, une procédure particulière est alors mise en place par l’OFII qui se charge de :

  • l’établissement des contacts avec la famille en vue de préparer le retour ;
  • l’information des autorités consulaires du pays d’origine du/de la mineur·e ;
  • l’obtention du document de voyage pour le/la mineur·e démuni·e de passeport ;
  • la réservation du billet d’avion pour le/la mineur·e et pour l’accompagnateur·rice OFII
  • la communication des dates de départ et des modalités pratiques arrêtées pour le retour (Aide sociale à l’enfance, magistrat·e ; Foyer d’hébergement, Protection judiciaire de la jeunesse...) ;
  • la saisine du/de la magistrat·e aux fins de délivrance d’une ordonnance confiant le/la mineur·e à l’OFII le jour de son retour dans son pays ;
  • la prise en charge et accompagnement du/de la mineur·e dans le pays de retour le jour du départ, en s’appuyant sur ses représentations à l’étranger, en relation au préalable avec la famille présente ou l’organisme habilité dans le pays de retour ;
  • après le retour effectif du/de la mineur·e, l’OFII s’assure de la signature d’une décharge par la famille ou l’organisme habilité, et confirme le retour effectif du/de la mineur.e isolé.e étranger.e aux acteurs concernés (Magistrat·e, ASE, Foyer d’accueil, PJJ).

- Cette aide au retour mise en place par l’OFII intervient dans le cadre de l’Aide au Retour Humanitaire prévue par la Circulaire interministérielle du 7 décembre 2006

- Le retour d’un·e mineur·e isolé·e ne peut être envisagé que si ce retour est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant (Article 3 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant et article L. 375-1 Code Civil).
Voir sur ce point : CA Paris, 7 déc 2004, n°04/08249

2. LES ACCORDS FRANCO-ROUMAINS

- L’accord de coopération franco-roumain du 4 octobre 2002 (disponible ici) :

  • Cet accord, entré en vigueur le 1er février 2003, prévoyait la possibilité d’organiser le retour en Roumanie des mineur·es isolé·es étranger·es roumain·es.
  • Le retour des enfants roumain·es en Roumanie était prévu par cet accord « en vue de la protection des mineurs roumains en difficulté sur le territoire de la République française » et de « la lutte contre les réseaux d’exploitation » (article 1 du décret 2003-220 portant publication de l’accord).
  • Cet accord avait été conclu pour une durée de 3 ans. DONC : aujourd’hui, il est CADUQUE.

- L’accord du 1er février 2007 relatif à une coopération en vue de la protection des mineurs roumains isolés sur le territoire français et à leur retour dans leur pays d’origine :

  • Cet accord avait notamment pour objet d’organiser la coopération entre les deux États afin de permettre le « raccompagnement » dans leur pays des mineur·es isolé·es roumain·es présent·es en France.
  • L’autorisation de raccompagner le/la mineur·e était prise, sur demande des autorités roumaines, soit par le parquet des mineurs soit par le juge des enfants s’il était saisi.
  • Ce texte a été censuré par le Conseil Constitutionnel qui a relevé que, lorsque la mesure de « raccompagnement » était prise par le parquet, aucune voie de recours ne permettait de la contester. Ceci méconnaît le droit du mineur ou de toute personne intéressée à exercer un recours juridictionnel effectif garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (Décision n° 2010-614 DC du 04 novembre 2010).
    EN CONSÉQUENCE : le Conseil Constitutionnel ayant censuré la loi de ratification de cet accord, il n’est pas applicable en France.

3. LA DECLARATION D’ENTENTE FRANCO-MAROCAINE :

Le 7 décembre 2020 était rendue publique la signature (par le Garde des Sceaux et son homologue marocain) d’une « Déclaration d’entente sur la protection des mineurs » ayant pour objet le renvoi de mineur·es marocain·es en situation d’errance sur le territoire français vers le Maroc. L’organisation de ce renvoi s’appuie sur un « schéma de procédure pour la prise en charge de mineurs non accompagnés marocains » qui prévoit notamment :

- Une coopération préalable à la prise de décision (par le juge des enfants français) sur le retour du mineur au Maroc : recueil d’information auprès des autorités marocaines. Dans ce cadre, un « questionnaire type d’évaluation sociale » à destination des autorités marocaines a été développé.

- Une coopération pour la prise de décision (par le juge des enfants française) sur le retour du mineur au Maroc :

  • Si le mineur est recherché par sa famille (pas de coopération nécessaire) : le juge des enfants peut estimer que le placement n’est pas nécessaire et prévoir de remettre l’enfant à ses parents s’ils apparaissent aptes à le prendre en charge (levée des mesures d’assistance éducatives mises en place). Le juge des enfants peut également ordonner le placement du mineur auprès d’un membre de sa famille (art. 375 du code civil et suivants).
  • Si le mineur n’est pas recherché par sa famille : si le juge des enfants envisage un placement dans un établissement de protection sociale du Maroc, une consultation préalable des autorités marocaines doit être réalisées et ces dernières doivent donner leur accord (en application de l’article 33 de la convention de la Haye).

- Une coopération pour l’exécution du retour du mineur au Maroc : cette partie du schéma envisage le retour du mineur sans son consentement. Si le mineur ne donne pas son consentement, le juge des enfants peut estimer que le retour au Maroc est dans son intérêt supérieur. Il est précisé que le mineur est informé qu’il peut demander un·e avoca·te (1182 et 1186 du code de procédure civile).
En l’absence de consentement, si le mineur n’est pas recherché par sa famille, mais que le juge des enfants estime que le retour au Maroc est dans son intérêt, un travail éducatif devra être réalisé en amont afin de le faire adhérer à cette mesure. Si malgré ce travail éducatif le mineur ne donne pas son consentement, est prévue la possibilité de recourir à la force publique en application du dernier alinéa de l’article art 375-3 du code civil.

- Une coopération postérieure au retour du mineur au Maroc : en cas de placement pérenne, le juge des enfants français pourra solliciter le juge marocain afin de lui transférer sa compétence, en application de l’article 8 de la Convention la Haye.
S’il n’y a pas de mesure de placement prise par le juge des enfants français, le juge marocain devient alors compétent.

- Situation pénale du mineur : le schéma indique qu’à l’égard des infractions les plus sérieuses ou ayant occasionné des préjudicies significatifs, la situation pénale du mineur concerné "sera de préférence purgée en France". "Les mesures éducatives et peines prononcées dans ce cadre et non encore exécutées ne pourront pas néanmoins faire l’objet d’une délégation au Maroc (…)"
Pour les mineurs dont la procédure judiciaire est en cours, celle-ci pourra : "SOIT être classées sans suite SOIT faire l’objet de dénonciations aux fins de poursuite aux autorités marocaines (…). La dénonciation officielle du parquet sera également possible à l’égard de toutes les procédures en cours devant un juge des enfants ou un juge d’instruction. "

Cette « déclaration d’entente » et le schéma qui l’accompagne suscitent de vives inquiétudes quant au respect des droits de l’enfant, en particulier au regard de l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. Voir notamment : Communiqué collectif - "Une entente franco-marocaine au détriment de la protection de l’enfance" et Premiers éclairages et observations d’InfoMIE sur le document rendu public intitulé "Schéma de procédure pour la prise en charge de mineurs non accompagnés marocains".

La Défenseure des Droits a également souligné son inquiétude dans son Rapport 2022 – « Les mineurs non accompagnés au regard du droit » : "(…) le Défenseur des droits s’est inquiété de la signature d’un accord de coopération judiciaire entre la France et le Maroc. De tels accords, précédemment signés avec la Roumanie et l’Albanie, soulèvent de nombreuses questions quant aux garanties offertes aux mineurs durant les procédures menées en vue d’un retour dans leurs pays d’origine, d’autant que nombreux sont ceux qui n’entretiennent pas peu ou plus de liens avec leurs familles."

À noter : Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, le retour des mineur·es déplacé·es dans un autre État Membre relève de l’application du règlement Bruxelles 2bis (compétence exclusive de l’Union) et les Etats Membres ne peuvent y déroger.


EXCEPTIONS POTENTIELLES AU PRINCIPE DE L’INTERDICTION DE L’ÉLOIGNEMENT DES MINEUR·ES ISOLE·ES ÉTRANGER·ES

1. REFOULEMENT DEPUIS LA ZONE D’ATTENTE VERS LE PAYS D’ORIGINE OU DE DERNIER TRANSIT

(Cf. Rubrique Frontière et zone d’attente)

- La Cour de Cassation a estimé dans un arrêt rendu en 2001 que l’ordonnance de 1945 ne donnait aucune indication sur l’âge des personnes pouvant être maintenues en zone d’attente et que par conséquent, rien ne s’oppose à ce que les mineur·es y soient placé·es. (Cass. civ., 2 mai 2001, Stella I., pourvoi n° 99-50008)
DONC : Les mineur·es isolé·es étranger·es ne bénéficient pas de dispositions plus favorables que les adultes en la matière.

- EN CONSÉQUENCE : S’agissant du refoulement, ils/elles peuvent, au même titre que les majeur·es, faire l’objet de menaces d’expulsion par la police de l’air et des frontières.

Précision : Un administrateur ad hoc doit être désigné sans délai par le Procureur de la République, lui-même avisé immédiatement de la présence du/de la mineure en zone d’attente par l’autorité administrative (Cf. Rubrique Frontière et zone d’attente) – art. L. 343-2 du CESEDA.

À noter : Le pays de renvoi n’est pas nécessairement le pays d’origine du jeune mais très souvent un pays de transit. Il se retrouve ainsi dans un pays inconnu sans aucune protection.

- Le jour franc :

  • L’article 333-2 du CESEDA prévoit que les étranger·es à qui l’entrée en France est refusée bénéficient d’une protection de 24 heures contre l’expulsion, connue sous le nom de "jour franc" : « L’étranger peut refuser d’être rapatrié avant l’expiration du délai d’un jour franc.
    L’étranger·e mineur·e non accompagné·e d’un·e représentant·e légal·e ne peut être rapatrié·e avant l’expiration du même délai.
    Le présent article n’est pas applicable aux refus d’entrée notifiés à la frontière terrestre de la France.
     »
    Ce droit au jour franc est automatique concernant les mineur.es isolé.es étranger.es aux frontières extérieures de l’espace Schengen. TOUTEFOIS, la loi du 10 septembre 2018 l’a supprimé en ce qui concerne les frontières intérieures terrestres.
  • Le droit au "jour franc" constitue une garantie essentielle pour l’étranger·e se présentant aux frontières, car il lui permet de prendre contact avec son consulat, un·e membre de sa famille ou un·e proche, un·e avocat·e ou une association avant d’être refoulé·e.
  • Dans le cas des mineur·es isolé·es étranger·es, cela lui permet également de rencontrer un administrateur ad hoc notamment afin d’évaluer sa situation.

- POUR APPROFONDIR :

2. LA DIRECTIVE 2008/115/CE DU 16 DÉCEMBRE 2008 DITE « DIRECTIVE RETOUR »

- La Directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 dite “Directive retour” traite des normes et procédures communes applicables, dans les Etats Membres, au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
- Cette directive prévoit la possibilité d’éloigner un·e mineur·e non accompagné·e (mineur·e isolé·e) séjournant en situation irrégulière sur le territoire d’un Etat membre.

  • Elle précise toutefois qu’« avant que soit prise une décision de retour concernant un mineur non accompagné, l’assistance d’organismes compétents autres que les autorités chargées d’exécuter le retour est accordée en tenant dûment compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. […] les autorités de cet État membre s’assurent qu’il sera remis à un membre de sa famille, à un tuteur désigné ou à des structures d’accueil adéquates dans l’État de retour. »

- Cette directive a été transposée en 2011 à l’occasion de l’entrée en vigueur de la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité par le décret n°2011-820 en date du 8 juillet 2011.
TOUTEFOIS, à la lecture de la loi du 16 juin 2011 et de son décret d’application, il apparaît qu’aucune disposition ne prévoit l’expulsion des mineur·es isolé·es étranger·es telle que prévue dans la directive retour.
DONC : Malgré l’existence de cette directive qui prévoit la possibilité d’éloigner des mineur·es isolé·es étranger·es, en France un tel cas de figure n’est toujours pas envisageable (sauf dans le cas des refoulements en zone d’attente - Cf. supra). D’autant plus que la directive n’est pas d’applicabilité directe.
PAR AILLEURS, Un tel éloignement ne devrait pas pouvoir être mis en oeuvre par la France dans la mesure où les mineur·es ne peuvent pas être en situation irrégulière (Cf. Article La régularité du séjour des mineurs isolés étrangers)


Pour aller plus loin