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La présomption de minorité

Publié le mardi 1er avril 2014 , mis à jour le mercredi 15 février 2023

1. La présomption de minorité

En vertu du principe de "présomption de minorité ", un·e jeune se présentant comme mineur·e doit être considéré·e comme tel·le jusqu’à ce qu’une décision de justice ayant autorité de chose jugée, donc une décision d’un·e juge des enfants ou de Cour d’appel, soit rendue.

En effet, en application des articles 375 et suivants du code civil, seules les juridictions des mineur·es, le/la juge des enfants et la cour d’appel, sont compétentes pour confier durablement un·e enfant à un service de l’aide sociale à l’enfance (ASE) lorsque celui ou celle-ci est en danger ou en risque de danger. Il appartient donc à l’autorité judiciaire de déterminer, en même temps que l’existence d’un danger ou d’un risque de danger, si la personne est mineure ou non.

A ce titre, le Conseil d’Etat considère, depuis sa décision du 1er juillet 2015, "que la seule faculté dont dispose le conseil départemental s’agissant de la protection d’un mineur est de choisir de saisir ou non, l’autorité judiciaire en vue d’un placement, et ce dans le délai de 5 jours, fixé par le code de l’action sociale et des familles (...)".

Cette jurisprudence constante établit une présomption de minorité qui s’attache à la personne se déclarant mineure isolée dans la mesure où, selon le Conseil d’Etat, seul·e le ou la juge des enfants peut se prononcer sur l’admission d’un·e mineur·e à l’aide sociale à l’enfance. La haute juridiction a tiré de cette présomption la conclusion selon laquelle tout recours contre une décision administrative de refus d’admission à l’ASE présenté par un·e mineur·e était irrecevable devant le/la juge administratif, « du fait de son incapacité à agir en justice ».

La personne se déclarant mineure isolée est par conséquent présumée comme telle jusqu’à ce que le ou la juge des enfants (ou la cour d’appel le cas échéant) se prononce, et ce, que le département l’ait évaluée, durant la période d’accueil provisoire d’urgence, mineure ou majeure

  • Présomption de minorité révélée par la décision de principe du Conseil d’Etat du 1er juillet 2015 et l’architecture dessinée par le législateur en 2016

Cette présomption de minorité est révélée par l’architecture mise en place par la décision de principe du Conseil d’Etat du 1er juillet 2015 relative à la juridiction compétente en cas de contestation de minorité et les dispositions du code civil et du code de l’action sociale et des familles modifiées par la loi du 14 mars 2016 réformant la protection de l’enfance.

En effet, le Conseil d’Etat, dans sa décision du 1er juillet 2015 n°386769, a révélé cette présomption de minorité puisqu’il a considéré qu’à l’issue de l’évaluation sociale réalisée par le Conseil départemental, si ce dernier refuse de saisir l’autorité judiciaire et donc de reconnaître la minorité du jeune, «  celui-ci peut saisir le juge des enfants en application de l’article 375 du code civil (…) sans que son incapacité à agir en justice ne puisse lui être opposée  ».

Le Conseil d’Etat a ainsi révélé l’existence de la présomption de minorité puisqu’il a retenu l’incompétence de la juridiction administrative suite au refus d’admission à l’aide sociale à l’enfance d’un Conseil départemental, la seule voie de recours pour un mineur étant la saisine du juge des enfants.

Si la personne se déclarant mineure et ayant fait l’objet d’un refus de prise en charge par le Conseil départemental ne peut contester cette décision devant le tribunal administratif, en raison de son incapacité juridique et doit la contester devant le/la juge des enfants, c’est bien qu’elle est considérée comme mineure jusqu’à ce que le/la juge des enfants ou la Cour d’appel, le cas échéant, statue autrement.

Le Conseil constitutionnel l’a d’ailleurs rappelé, dans sa décision n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019 relative à la constitutionnalité de l’article 388 du code civil (expertises médicales d’âge osseux). En consacrant dans cette décision pour la première fois une exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, le Conseil constitutionnel rappelle :

« Cette exigence impose que les mineurs présents sur le territoire national bénéficient de la protection légale attachée à leur âge. Il s’ensuit que les règles relatives à la détermination de l’âge d’un individu doivent être entourées des garanties nécessaires afin que des personnes mineures ne soient pas indûment considérées comme majeures. »

Dans la continuité, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n°2019-797 QPC du 26 juillet 2019 relative à la conformité de l’article L.611-6-1 du Ceseda à la Constitution a estimé cet article conforme à l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant en ce sens que

"ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet de modifier les règles relatives à la détermination de l’âge d’un individu et aux protections attachées à la qualité de mineur, notamment celles interdisant les mesures d’éloignement et permettant de contester devant un juge l’évaluation réalisée"

Si l’on reprend la construction des différents textes législatifs et réglementaires français, la présomption de minorité était sous-jacente à la construction de ces textes et de la procédure :

• La circulaire interministérielle en date du 25 janvier 2016, mentionne qu’il : « appartient aux conseils départementaux d’organiser l’évaluation sociale de la minorité et de l’isolement de la personne se présentant comme MIE. »

• L’article R221-11 du CASF, rédaction issue de la réforme de 2016, précise que "le président du conseil départemental du lieu où se trouve une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille met en place un accueil provisoire d’urgence"

• L’arrêté du 20 novembre 2019 publié au JORF n°0273 du 24 novembre 2019pris en application de l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles relatif aux modalités de l’évaluation des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille. NOR : SSAA1920987A, précise
- à l’article 1 qu’il fixe "les modalités de l’évaluation de la minorité et de l’isolement familial des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille"
- à l’article 2 "Le président du conseil départemental fait procéder à l’évaluation de la minorité et de l’isolement des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille qui se présentent dans le département."

Il ressort de ces dispositions que l’accueil provisoire d’urgence et l’évaluation "sociale" de minorité reposent sur un système déclaratif. Le ou la jeune se présentant en tant que mineur·e isolé·e étranger·e doit être mis·e à l’abri, temps durant lequel une évaluation sociale de sa minorité sera réalisée. En conséquence, la personne est présumée mineure dès son arrivée en France.

C’est d’ailleurs l’appréciation retenue dans le cadre de la décision de principe du Conseil d’Etat du 14 juin 2017 n°402.890, recours pour excès de pouvoir de l’Assemblée des départements de France contre l’Etat
« la compétence conférée aux départements en matière d’aide sociale à l’enfance et de protection des mineurs en danger, notamment par les articles L. 221-1, L. 223-2 et L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles, implique nécessairement que les départements puissent apprécier, sous le contrôle du juge si les personnes qui sollicitent cette protection remplissent effectivement les conditions légales pour l’obtenir, dont celle de minorité. »

Ceci a également été rappelé par le Conseil d’Etat dans sa décision du 05 février 2020 n°428478 et 428826, considérants 9 et 13.

La décision du Conseil départemental est donc une décision administrative, provisoire, non définitive soumise au contrôle du juge, et précisément, selon la décision susvisée de 2015, le ou la juge des enfants, seul·e magistrat·e pouvant être saisi·e directement par un·e mineur·e sans pouvoir lui opposer son incapacité juridique.

Seule l’autorité judiciaire (juge des enfants et cour d’appel) ayant compétence pour confier durablement un·e mineur·e à l’aide sociale à l’enfance, le système dessiné en France révèle cette présomption de minorité, confirmée et entérinée par le Comité des droits de l’enfant dans ses récentes décisions contre l’Espagne.

  • Présomption de minorité entérinée par le Comité des droits de l’enfant et la Cour européenne des droits de l’homme

Cette présomption de minorité est également consacrée par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire SMK contre France introduite le 15 mars 2019 et communiqué le 28 mars, concernant l’application de l’article 39 du règlement de la Cour relatif aux mesures provisoires. Dans cette affaire, la Cour européenne des droits de l’Homme ordonne la mise à l’abri immédiate d’une mineure requérante ayant fait l’objet d’un refus de prise en charge par un Conseil départemental, suite à l’évaluation sociale, dans l’attente d’une décision de justice.

Enfin et surtout le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies consacre de manière très claire cette présomption de minorité dans ses décisions du 31 mai 2019 contre l’Espagne, aff. CRC/C/81/D/22/2017 et CRC/C/81/D/16/2017 puis dans la décision CRC/C/82/D/27/2017 du 18 septembre 2019

Que nous dit le Comité des droits de l’enfant ?

En mai 2019, dans ces premières décisions, le Comité rappelle tout d’abord que :

« la détermination de l’âge d’une jeune personne qui déclare être mineure revêt une importance fondamentale, dans la mesure où son issue détermine si cette personne bénéficiera ou non de la protection nationale en tant qu’enfant. De la même façon, et ce point est d’une importance vitale pour le Comité, la jouissance des droits énoncés dans la Convention découle de cette détermination »

Pour ensuite poser clairement le principe de présomption de minorité :

" Par conséquent, il est donc impératif qu’il y ait une procédure équitable pour déterminer l’âge d’une personne, et qu’il y ait la possibilité de contester le résultat obtenu par le biais d’une procédure judiciaire. Pendant que ce processus est en cours, la personne doit se voir accorder le bénéfice du doute et être traitée comme un enfant " (référence : CRC/C/81/D/16/2017, §12.3)

Cette position est réaffirmée dans la décision de septembre 2019, dans l’affaire CRC/C/82/D/27/2017.

Enfin, dans sa décision CRC/C/92/D/130/2020 du 25 janvier 2023 contre la France, le Comité des droits de l’enfant rappelle "que dans le contexte de l’évaluation de l’intérêt supérieur et dans le cadre des procédures de détermination de l’intérêt supérieur, le droit de faire appel de la décision devant une juridiction supérieure ou une autorité indépendante, avec effet suspensif doit être garanti aux enfants".

Ainsi, il affirme on ne peut plus clairement, que toute personne qui se déclare mineure et isolée doit être considérée comme une enfant et bénéficier des garanties attachées à sa minorité, dès lors qu’aucun juge n’a statué sur son âge.

Mais surtout, le Comité des droits de l’enfant a été dans l’obligation de venir préciser ce qu’il fallait entendre par le fait de traiter la personne comme un·e enfant durant le temps des recours. Il faut s’attarder sur ce point.

En effet, dans le cadre du protocole facultatif n°3, art 6, le Comité peut ordonner des mesures provisoires à l’Etat concerné le temps pour le Comité d’instruire la situation dont il est saisi, afin d’éviter des dommages irréparables. Ces mesures provisoires s’imposent à l’Etat membre.

Dans les différents cas d’espèce, le Comité avait ordonné la prise en charge des intéressé·es en tant que mineur·es, donc avait ordonné leur placement dans un centre pour mineur·es, équivalent de notre protection de l’enfance en France, ce que l’Espagne n’a pas respecté puisqu’elle a placé les mineur·es dans des dispositifs adultes.
Le Comité a considéré cela comme une violation de l’article 6 du protocole facultatif en indiquant :

« le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel le transfert de l’auteur dans un centre de protection de l’enfance pourrait présenter un risque grave pour les enfants de ces centres. Cependant, le Comité note que cet argument repose sur l’hypothèse selon laquelle l’auteur est un adulte. Le Comité considère que le plus grand risque est d’envoyer un mineur potentiel dans un centre qui n’héberge que des adultes  » CRC/C/82/D/27/2017 du 18 septembre 2019 , par. 13.11 ; CRC/C/81/D/16/2017 par. 12.12.

Les mineur·es sont des sujets de droit. Afin d’éviter les dommages irréparables et en application de l’intérêt supérieur de l’enfant, le ou la mineur doit être considéré·e comme un·e mineur·e durant tout le processus de détermination de minorité, et ceci inclut les recours judiciaires.
— 
Le comité des droits de l’enfant est limpide à ce sujet. Traiter une personne comme un mineur·e durant ce processus veut dire prendre en charge en tant que mineur·e cette personne, et donc en France seule l’aide sociale à l’enfance est habilitée à prendre en charge des mineur·es en danger, sans discrimination.
— 
Pourquoi est-ce d’autant plus primordial pour les mineur·es, et notamment les mineur·es isolé·es ?

Car ce n’est qu’à cette condition que l’ensemble des droits des mineur·es seront respectés et sauvegardés pendant tout le processus et notamment, le droit à la scolarisation et surtout à moyen terme l’accès au séjour. C’est cela même la présomption de minorité, le droit au recours effectif et le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant  : préserver et sauvegarder l’ensemble des droits des mineur·es afin d’éviter un dommage irréparable. Il ne s’agit pas que d’une mise à l’abri, de nourriture, il s’agit de prise en charge socioéducative adaptée, de sécurité juridique, de scolarisation, de droit à la santé, de représentation légale etc.

Or, aujourd’hui, nombre de mineur·es isolé·es qui auraient pu être scolarisé·es dès leur présentation auprès des services du département ne le seront que des mois voire des années plus tard, lorsque la décision de justice interviendra.

Nombre de mineur·es isolé·es qui auraient pu réaliser une déclaration de nationalité française (en justifiant d’une prise en charge à l’aide sociale à l’enfance de trois ans en tant que mineur·e en vertu de l’article 21-12 du Code Civil) ou obtenir un titre de séjour vie privée et familiale (en justifiant avoir été confié·e à l’aide sociale à l’enfance avant l’âge de 16 ans) auront perdu ces possibilités en raison du temps des recours et seront contraint·es d’être orienté·es vers un titre de séjour plus précaire.

  • Présomption de minorité énoncée de longue date par les acteurs nationaux et internationaux

La présomption de minorité est de longue date énoncée par différents acteurs nationaux et internationaux s’agissant des mineur·es isolé·es étranger·es :

Du principe de "présomption de minorité" découlent de nombreuses conséquences :

  • le/la jeune doit être pris·e en charge en tant que mineur·e durant toute la procédure judiciaire tant que sa minorité n’a pas été remise en cause par une décision de justice ayant autorité de chose jugée
  • les résultats approximatifs des examens médico-légaux doivent être interprétés au bénéfice du/de la jeune
  • si un document d’état civil est déclaré frauduleux sans pour autant que sa majorité soit avérée, le/la jeune doit continuer à être considéré·e comme mineur·e (Cf. Article Les jeunes reconnus ni mineurs ni majeurs)
  • le ou la mineur·e doit être scolarisé·e (Cf. Dossier thématique Accès à l’éducation)
  • la présomption de minorité implique que le ou la mineur·e soit traité·e comme un·e enfant durant tout le processus de détermination de sa minorité, donc durant les recours judiciaires, et donc soit pris·e en charge en protection de l’enfance et ainsi ses droits au séjour seront préservés (déclaration de nationalité, titre de séjour mention vie privée et familiale, etc.)

S’il est possible de dégager une présomption de minorité, cette présomption n’est pas absolue et peut être remise en cause.

2. Remise en cause de la présomption de minorité, charge de la preuve et moyens de preuve

Lorsque la minorité du ou de la jeune est remise en cause, la charge de la preuve pèse sur le ou la mineur·e. C’est alors à la personne mineure de rapporter la preuve de sa minorité.

Juridiquement, l’âge constitue un fait juridique. Il ressort de cette qualification que la preuve de l’âge est en principe libre. Les documents d’état civil sont des moyens de preuve efficaces.

S’agissant de la force probante de ces pièces, l’article 47 du Code civil pose une présomption de validité des actes établis à l’étranger. En effet cet article dispose que : « Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. »

De la même manière que la présomption de minorité n’est pas absolue, la présomption de validité des actes d’état civil établis à l’étranger peut, elle aussi être renversée. Voir en ce sens notre page concernant la détermination de la minorité.

La Cour d’Appel d’Amiens, dans un arrêt en date du 25 février 2016, N°15030331, se base sur la présomption de l’article 47 du Code civil pour affirmer que : « La possibilité de contredire la présomption d’authenticité des actes d’état civil doit s’opérer à travers la mise en œuvre d’une procédure légale de vérification avec garanties. »

Dans un décision rendue le 4 mars 2014, N°13/05775, la Cour d’appel de Douai a relevé que : «  l’apparence physique est un élément subjectif qui ne peut servir à justifier ni de la minorité ni de la majorité. »

Dans un arrêt rendu en date du 2 octobre 2014, N°14/02784, la Cour a considéré que : « le simple fait que l’analyse réalisée ne porte pas sur les conditions de délivrance de l’acte de naissance ne suffit pas pour faire douter de l’authenticité de celui-ci. »

La Cour d’appel de Douai a estimé, dans un arrêt en date du 5 mars 2015, N°14/06483 que «  les incohérences sur le récit de vie de l’intéressé ne suffisent pas à renverser la présomption d’authenticité. »

La Cour d’Appel de Douai, dans un arrêt en date du 30 juin 2016 N°1601940 estime que la présomption de validité des actes d’état civil établis à l’étranger codifiée à l’article 47 du Code civil s’applique « sans qu’il y ait lieu d’exiger que l’authenticité de ces pièces soit corroborée par des indices supplémentaires. »

L’article 388 du Code civil modifié par la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant prévoit désormais que : « Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d’erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur. Le doute profite à l’intéressé. »

Toutefois, il est possible qu’un doute subsiste quant à la minorité du jeune, dans ce cas, le doute doit profiter à l’intéressé.

3. Le bénéfice du doute au profit du ou de la jeune

Le principe selon lequel le doute sur la minorité du ou de la jeune doit lui profiter est expressément prévu légalement.

La circulaire interministérielle en date du 25 janvier 2016 adoptée avant la réforme de la protection de l’enfant rappelait déjà que : « La minorité est une condition d’accès au dispositif de protection de l’enfance. En cas de doute à l’issue de l’évaluation, ce dernier profite à la personne. »

L’article 43 de la loi relative à la protection de l’enfance en date du 14 mars 2016 entérine au sein du Code civil le bénéfice du doute au profit du jeune en modifiant l’article 388 du Code civil. En effet la loi complète cet article en insérant la disposition suivante : « Les conclusions de ces examens [radiologiques], qui doivent préciser la marge d’erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur. Le doute profite à l’intéressé. »

Ainsi la loi du 14 mars 2016 donne une base légale au principe selon lequel en cas de doute sur l’âge du ou de la jeune, ce doute doit profiter à l’intéressé·e.

Le Conseil constitutionnel, saisi de l’examen d’une question prioritaire de constitutionnalité concernant l’article 388 du code civil, a fermement rappelé que le doute doit bénéficier à la personne se déclarant mineure isolée, décision n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019.
En effet, dans cette décision, le Conseil constitutionnel consacre pour la première fois une exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant et rappelle que :

« Cette exigence impose que les mineurs présents sur le territoire national bénéficient de la protection légale attachée à leur âge. Il s’ensuit que les règles relatives à la détermination de l’âge d’un individu doivent être entourées des garanties nécessaires afin que des personnes mineures ne soient pas indûment considérées comme majeures.
(…)
Il appartient donc à l’autorité judiciaire d’apprécier la minorité ou la majorité de celle-ci en prenant en compte les autres éléments ayant pu être recueillis, tels que l’évaluation sociale ou les entretiens réalisés par les services de la protection de l’enfance. Enfin, si les conclusions des examens radiologiques sont en contradiction avec les autres éléments d’appréciation susvisés et que le doute persiste au vu de l’ensemble des éléments recueillis, ce doute doit profiter à la qualité de mineur de l’intéressé.
 »

Voir également en ce sens l’arrêt de la Cour de Cassation, Criminelle, 11 décembre 2019 n°2692.

Le Défenseur des droits a d’ailleurs rappelé ce principe dans plusieurs de ses publications.

Dans son rapport publié en janvier 2022, Les mineurs non accompagnés au regard du droit, le Défenseur des droits rappelle notamment les éléments suivants :

" (...) les jeunes exilés se disant mineurs doivent être considérés comme tels et jouir des droits et de la protection s’y rattachant, jusqu’à décision judiciaire définitive. Le respect de cette présomption de minorité et par conséquent des droits s’y attachant est selon la Défenseure des droits en conformité avec les préconisations des organes internationaux."

Dans son rapport sur les droits des étrangers en France en date du 9 mai 2016, le Défenseur des droits préconise que : « en cas de doute, ce sont les déclarations de minorité de l’intéressé qui doivent prévaloir.  »
De plus, le Défenseur des droits, dans sa décision du 21 juillet 2016 indique que : « selon les dispositions légales désormais en vigueur, le doute profite à l’intéressé. »

Enfin, la Cour d’Appel d’Amiens, dans un arrêt en date du 12 juillet 2016, N° 1601743, rappelle également que « seuls les examens osseux ne peuvent permettre de déterminer l’âge de l’intéressé et qu’en tout état de cause, le doute profite à l’intéressé. »


Pour aller plus loin