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La reconstitution des actes d’état civil étrangers

Publié le mardi 1er avril 2014 , mis à jour le mercredi 5 février 2020

- De nombreux mineurs isolés étrangers arrivent en France dépourvus de tous documents d’état civil ou d’identité (acte de naissance, carte d’identité, passeport, etc...). La possession de tels documents est un pré-requis nécessaire à l’accomplissement de nombreuses démarches administratives et civiles. Par ailleurs, ils jouent un rôle qui peut être clef dans les démarches des jeunes étrangers sollicitant une protection au titre de l’enfance en danger en France en ce qu’ils permettent de témoigner de leur minorité (Cf. Article Les documents d’état civil)

À noter : l’État français doit permettre à chaque individu présent sur son territoire de posséder un état civil et plus encore lorsqu’il s’agit de mineurs :
-  Article 8 2° de la Convention internationale des droits de l’enfant : «  si un enfant est illégalement privé des éléments constitutifs de son identité ou de certains d’entre eux, les États parties doivent lui accorder une assistance et une protection appropriées, pour que son identité soit rétablie aussi rapidement que possible. »
-  IGREC n° 273-1 : «  un intérêt public s’attache à ce que toute personne vivant habituellement en France, même si elle est née à l’étranger et possède une nationalité étrangère, soit pourvu d’un état civil  » (Cf. également TGI Paris, 18 janvier 2006, n° 04/10188)
- Avis de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme sur la situation des mineurs isolés étrangers présents sur le territoire national du 26 juin 2014 - Recommandation n° 3 : La CNCDH recommande aux autorités françaises d’accomplir loyalement toutes les diligences et démarches nécessaires pour récupérer les éléments de l’état civil du jeune isolé étranger auprès des autorités de son Etat d’origine (consulat, etc.).
- Dans son rapport relatif aux droits fondamentaux des étrangers en France du 9 mai 2016, « le Défenseur des droits recommande au ministre de l’Intérieur d’intervenir, par voie de circulaire ou d’instruction, afin de prendre en compte les difficultés rencontrées dans certains pays pour obtenir des documents auprès des officiers d’état civil. »


RECONSTITUTION PAR LES AUTORITÉS DU PAYS D’ORIGINE

- La première démarche à effectuer en cas d’absence de documents d’état civil est de s’adresser aux autorités du pays d’origine du mineur afin qu’elles lui délivrent les documents en question.
DONC : le jeune devra s’adresser en priorité :

  • aux autorités consulaires de son pays (démarches sur place combinées avec une lettre recommandée avec accusé de réception adressée au Consul Général)
  • aux autorités compétentes dans son pays d’origine (par lettre recommandée avec accusé de réception si possible ou par le biais d’une personne de confiance présente sur place).

ATTENTION : s’agissant des mineurs potentiellement demandeurs d’asile, des démarches auprès des autorités consulaires pourraient être interprétées comme un acte d’allégeance et donc faire échec à une éventuelle demande d’asile. De ce fait, il faut les proscrire en cas de demande d’asile et c’est l’OFPRA qui se chargera de reconstituer l’état civil de l’intéressé après que le statut de réfugié lui a été reconnu.

Informations pratiques tirées du Guide AutonoMIE paru en septembre 2013 - page 30 - disponible ici :


À QUI S’ADRESSER

L’ensemble des consulats et ambassades sont référencés sur le site « maison des français de l’étranger  » .
Si la plupart des consulats sont localisés à Paris, certains ont des antennes dans différentes villes de France (par exemple le consulat de Guinée Conakry, qui a des antennes à Lyon, Bordeaux ou Marseille).

Dans le cas où les consulats et ambassades ne pourraient ou ne voudraient pas délivrer les documents nécessaires, les démarches peuvent être tentées auprès des autorités responsables de l’état civil dans les pays d’origine des jeunes. Il faut alors s’assurer qu’elles sont accomplies par des personnes de confiance.

Les délais sont en général plus longs, et impliquent que les documents soient envoyés au/à la jeune le plus rapidement possible, par courrier spécial ou par l’intermédiaire d’une personne fiable.

Selon les États, différents documents peuvent être délivrés. Les conditions de leur délivrance sont également très variables. Certains consulats refusent de délivrer tout document d’état civil pour les personnes mineures en l’absence de représentant•e légale.

La présence du/de la jeune est en général indispensable à la demande de nouveaux documents. Il est également utile de l’accompagner afin d’expliquer la situation et l’importance des démarches consulaires pour accéder à une prise en charge. Le passeport reste le document le plus reconnu par les autorités françaises ; mais d’autres documents avec photographie attestant de l’état civil du jeune sont également recevables.

Exemple : Pour de nombreux ressortissants, notamment d’états ouest-africains, il est possible de faire établir une carte d’identité consulaire à leur nom sur présentation de leur acte de naissance. Moins chère qu’un passeport, celle-ci comporte une photographie et vaut document d’identité.
Sa délivrance peut en principe se faire sur présentation d’un simple acte de naissance et du paiement du prix de la carte.

Ces informations reflètent les pratiques des services consulaires au moment de la rédaction de cette fiche. Il importe de se renseigner auprès des autorités consulaires du pays d’origine du/de la jeune avant toute demande.

Informations pratiques tirées du Guide AutonoMIE paru en septembre 2013 - page 31 - disponible ici :


Nous recommandons de préparer la demande au consulat avec les jeunes, en déterminant quel acte il est possible de demander, et en réunissant les pièces exigées pour délivrance de l’acte. Un coup de téléphone préalable à toute demande est souvent très judicieux. Il faut par exemple anticiper que le/la jeune devra à coup sûr payer l’acte d’état civil, ce qui peut s’avérer impossible s’il/elle est totalement démuni·e.

Exemples :
- Refaire un acte au consulat du Bangladesh implique de remplir un formulaire préalablement à toute visite physique au consulat.
- Aux consulats du Pakistan ou de l’Afghanistan, la présence physique est obligatoire, ce qui n’est pas le cas en Inde, où la démarche peut être faite par correspondance.

Les autorités consulaires doivent généralement joindre des reçus lors de la délivrance des actes d’état civil. Ces reçus peuvent s’avérer très utiles pour attester de l’origine et de l’authenticité des documents produits.

ATTENTION  ! Dans certaines situations, par exemple une situation de rue où les jeunes peuvent être victimes de vols, il peut être recommandé de mettre à l’abri les documents originaux, et de conserver sur soi leurs photocopies en couleur.

Informations pratiques tirées du Guide AutonoMIE paru en septembre 2013 - page 32 - disponible ici :


Dans le cas d’un refus de délivrance, il faut expliquer l’intérêt d’un tel document pour le/la jeune. Un accompagnement est alors conseillé afin d’expliquer clairement les conséquences de l’absence d’état civil pour le/la jeune et insister sur le fait que ces données ne seront pas utilisées en dehors des démarches du/de la jeune.

Par ailleurs, lorsque le/la jeune ne réussit pas à obtenir de preuve de la part du consulat, l’accompagnant pourra rédiger une attestation sur l’honneur que le/la jeune s’est rendu·e au consulat afin de retrouver son état civil, sans résultats. Cette attestation devra alors être accompagnée d’une photocopie de la pièce d’identité ou du titre de séjour de la personne qui l’a rédigé.

ATTENTION  ! Il importe, même dans le cas de requêtes simples ou de demandes d’information, d’utiliser systématiquement l’écrit afin d’anticiper les « refus guichet ». En cas de refus de délivrance d’un justificatif, il sera au moins possible de prouver que le/la jeune s’est rendu·e sur place pour essayer de retrouver une trace de sa naissance.


RECONSTITUTION PAR LES AUTORITÉS JUDICIAIRES FRANÇAISES

- En principe, les tribunaux français ne peuvent pas se substituer aux autorités étrangères en matière d’établissement de documents d’état civil étrangers ; seules ces dernières peuvent les établir ou, le cas échéant, les rectifier.
CEPENDANT : il ressort de la Convention internationale des droits de l’enfant (Cf. Article 8 2° de la Convention internationale des droits de l’enfant) comme de l’ordre public français (TGI Paris, 18 janv. 2006, n° 04/10188 et IGREC n° 273-1) que tout individu présent sur le territoire français, et plus spécifiquement les enfants, doit être mis en mesure de détenir des documents d’état civil.
DONC : si malgré les démarches entreprises devant les autorités de son pays d’origine, le mineur ne parvient pas à récupérer ses documents d’état civil, ou s’il s’avère qu’aucun acte d’état civil n’a été établi dans son pays d’origine et qu’il ne peut les y faire établir, une requête peut être présentée aux autorités judiciaires françaises afin qu’elles prononcent un jugement établissant les éléments liés à la naissance de cette personne.

- On distingue deux types de procédures :

1. LES JUGEMENTS DÉCLARATIFS DE NAISSANCE : Articles 46 et 55 al. 2 du Code Civil
Cette procédure vise à faire établir un acte de naissance dans les cas où aucune déclaration de naissance n’aurait été effectuée dans le pays d’origine ou lorsqu’une personne est sans état civil connu.

DONC : le jugement déclaratif de naissance pallie l’impossibilité de faire établir un acte de l’état civil.

Dans le cadre de cette procédure, le ministère public s’assurera de la qualité des preuves rapportées relatives à l’absence d’acte de l’état civil et aux indications de l’intéressé.

Pour information : Le Rapport de l’UNICEF « EVERY CHILD’S BIRTH RIGHT Inequities and trends in birth registration » dévoile que plus de 230 millions d’enfants de moins de cinq ans n’ont jamais été déclarés à leur naissance. L’UNICEF rappelle que bien plus qu’une formalité, être reconnu par son pays est un droit, sans lequel les enfants deviennent la proie de tous les abus…
Environ 60% seulement de tous les bébés nés en 2012 dans le monde ont été enregistrés à la naissance. Les taux varient fortement entre les régions, les niveaux les plus bas d’enregistrement des naissances se trouvant en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne.
Les 10 pays affichant les plus bas niveaux d’enregistrement des naissances sont : la Somalie (3 %), le Libéria (4 %), l’Éthiopie (7 %), la Zambie (14 %), le Tchad (16 %), la République-Unie de Tanzanie (16 %), le Yémen (17 %), la Guinée-Bissau (24 %), le Pakistan (27 %) et la République démocratique du Congo (28 %).

2. LES JUGEMENTS SUPPLÉTIFS D’ACTE DE NAISSANCE : Article 46 du Code Civil
Cette procédure doit être engagée lorsque l’acte a été perdu ou s’il est devenu inaccessible (destruction liée à des catastrophes naturelles, état de guerre ...)

DONC : le jugement supplétif d’acte de naissance pallie l’impossibilité de produire un acte d’état civil en tant que moyen de preuve


Procédure commune aux jugements déclaratifs et supplétifs :

- Le ministère d’avocat est obligatoire (art. 797 Code de Procédure Civile)
- La procédure est introduite devant le Tribunal de Grande Instance (articles 1430 et 1431 du Code de Procédure Civile)
DONC : Cette procédure requiert que le demandeur soit pourvu de la capacité juridique. Les mineurs isolés étrangers devront donc être représentés afin d’entamer cette procédure.

  • Lorsque le mineur a fait l’objet d’une mesure de placement auprès d’une structure et que parallèlement cette dernière a été désignée par le Juge aux Affaires Familiales comme tutrice du mineur ou que l’autorité parentale sur ce mineur lui a été déléguée, la procédure devra être introduite par elle.
  • Lorsque le mineur a fait l’objet d’une mesure de placement auprès d’une structure mais qu’aucune tutelle ni délégation d’autorité parentale n’a été prononcée, il sera nécessaire de demander au Juge des Enfants territorialement compétent de désigner un administrateur ad hoc pour représenter le jeune dans le cadre de la procédure de demande en jugement déclaratif ou supplétif d’acte de naissance (Cf. Article Désignation d’un Administrateur Ad Hoc). Il est également possible de solliciter le Juge aux Affaires Familiales afin qu’il s’auto-saisisse et désigne un tuteur au jeune (Cf. Article La tutelle des mineurs isolés étrangers)
  • Lorsque le mineur ne bénéficie d’aucune prise en charge pérenne au titre de la protection de l’enfance (exemple : Recueil Provisoire d’Urgence dans le cadre de l’évaluation de la situation d’un jeune étranger se présentant comme mineur isolé étranger), la désignation d’un administrateur ad hoc aux fins d’une procédure en demande de jugement déclaratif ou supplétif d’acte de naissance peut être sollicitée par le ministère public. (RAPPEL : En vertu du principe de présomption de minorité, un jeune se présentant comme mineur doit être considéré comme tel en l’absence de preuve de sa majorité, c’est pourquoi la désignation de cet administrateur ad hoc sera possible avant même que la minorité soit définitivement établie).
Informations tirées du Guide AutonoMIE paru en septembre 2013 - page 32 - disponible ici :


- Préalable à la demande de jugement supplétif / Preuve des démarches effectuées :
Ce qui est le plus compliqué dans la procédure du jugement supplétif, c’est de pouvoir démontrer les démarches effectuées qui se sont avérées sans résultats. Il faut apporter la preuve que l’on a tout essayé pour retrouver son état civil. Le mieux consiste à obtenir un document du consulat attestant que la personne n’est pas enregistrée dans ses registres.
Ce justificatif peut également prendre la forme d’un document qui indique qu’après recherches, le/la jeune n’est pas répertorié•e dans l’état civil du pays. Il est également possible d’étayer les preuves par des articles de presse sur la situation de l’état civil dans les pays concernés.

- Jurisprudences :

  • TGI Créteil, 17 janv. 2002, n° 10027/2001/6 : un jeune kurde, orphelin de père et mère a pu, par jugement supplétif d’acte de naissance, obtenir la reconstitution de son état civil. Les services de l’ASE l’ayant recueilli avaient engagé toutes les démarches nécessaires pour interroger les autorités turques, sans succès, sa naissance n’ayant probablement pas été déclarée.
  • TGI Limoges, 19 sept. 2002, n° 00/00296 : Un jeune libanais, également pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance, a demandé que lui soit dressé un acte de naissance à l’occasion de son recours contre la décision d’un juge d’instance qui refusait d’enregistrer sa déclaration de nationalité française, en application de l’article 21-12 du code civil, au motif de l’absence d’acte de naissance. Le tribunal constatant qu’il ne pouvait obtenir un acte de naissance lui a donné gain de cause en prononçant un jugement supplétif d’acte de naissance en même temps qu’il le déclarait français.

À noter : La minorité d’un jeune se présentant en cette qualité doit être présumée jusqu’à preuve du contraire. En conséquence, pendant le délai nécessaire à l’établissement des actes d’état civil le jeune devrait être protégé en tant que mineur.

- Le refus du Tribunal de Grande Instance de délivrer un jugement supplétif est susceptible de recours. Le délai d’appel est de 2 mois.

VALEUR DU JUGEMENT SUPPLÉTIF DANS LE CADRE DE LA PREUVE DE LA MINORITÉ DU JEUNE

Lorsque la minorité d’un jeune est contestée, c’est au jeune de rapporter la preuve de sa minorité. Les documents d’état civil constituent un moyen de preuve efficace. C’est pourquoi, devant les juridictions, les jeunes peuvent être amenés à présenter le jugement supplétif qu’ils ont obtenu dans le cadre d’une procédure au sein de laquelle ils doivent apporter la preuve de leur minorité.

(Voir en ce sens notre dossier « Modalités de détermination de la minorité »)

La valeur des jugements supplétifs diffère selon les juridictions qui parfois remettent en cause la valeur d’un jugement supplétif face à d’autres éléments de nature à remettre en cause la minorité du jeune.

A titre d’exemple, la Cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt en date du 31 décembre 2015, N°500150 considère que : « Le fichier visabio remet en cause le jugement supplétif de Conakry en raison de la délivrance antérieure de 2 visas sur la base d’un passeport avec photographie mentionnant une date de naissance selon laquelle le jeune est majeur. »

Alors que, la Cour d’appel de Douai, dans un arrêt en date du 23 avril 2015 N°1500438, considère que : «  la comparaison des empreintes de l’intéressé au fichier VISABIO selon laquelle ses empreintes correspondant à un individu dénommé S***** n’est pas probante dans la mesure où rien ne permet d’établir la correspondance entre les empreintes conservées et l’identité figurant sur ce document. »


Pour aller plus loin