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L’accueil des MNA en Essonne

Publié le jeudi 15 novembre 2018 , mis à jour le jeudi 15 novembre 2018

Source : JUJIE

Date : 15 novembre 2018

« Au suivant !

En passant dans le hall de la préfecture, ils étaient là alignés sur un banc, le regard planté dans leurs baskets. Des jeunes comme tous les autres ou presque avec juste le voile de l’attente tendu au-dessus d’eux. Les MNA ce sont donc eux ! Ce n’est pas un slogan de plus, un sigle passe-misère... Derrière il y a de vrais mômes de plus ou moins dix-huit ans. Ah ! le bel âge que celui-là car « on est pas sérieux quand on a 17 ans » et même quand on en a 18, M. Rimbaud, on est tout de même pas à un an près, vous ne pensez pas ?

Étrangement ce sont les mots du grand Jacques qui me répondent et répètent inlassablement « Au suivant… au suivant ». Dans ce purgatoire des temps modernes, les suivants suivent les suivants et attendent le verdict : Mineurs ? Pas mineurs. Isolés ? Pas isolés ?

Au suivant...

Et nous passons devant ces suivants comme devant l’ombre de nos doutes et de nos hontes.

Au suivant…

Alors je repense à Youssouf, à ce jour de mars sous une pluie battante. Lui aussi avait fait partie de ces suivants avant d’être confié à un centre d’accueil pour MNA. Et puis, il s’en est fallu d’une carte consulaire. Un document que les éducateurs du centre d’accueil n’avaient pas eu le temps de demander, parce que pas de temps ou pas assez d’éducateurs, bref ! Parce que c’est comme ça ma bonne dame, on fait ce qu’on peut n’est-ce pas…. alors pour Youssouf vous comprenez….

Mais non, je ne comprends pas, je ne peux parvenir à comprendre et encore moins accepter. Ce n’est pas parce que nous sommes tous en train de pleurer sous cette pluie de mars qui n’en finit pas que je suis plus à même de comprendre. Une décision du juge a conduit Youssouf devant le local des éducateurs de prévention comme si notre local était un phare dans la tempête, car ce n’est pas possible de laisser un jeune comme ça sans rien, avec moins que rien. Alors il faut se donner bonne conscience. Peu importe les milliers de kilomètres parcourus, la mer déchaînée sur une embarcation de fortune, la mort d’un frère, la faim, les brimades, les cicatrices. Peu importe le début d’un accueil, la chaleur enfin, une porte qui s’ouvre, les bancs de l’école comme une promesse d’avenir qui se dérobe soudain en cette froide matinée de mars, comme un gouffre où rien, absolument rien, ne permet de s’accrocher.

Un proverbe africain dit : “Peu importe l’endroit où se pose ton pied, sous ton pas naît un chemin…”

Mais pas ici, pas en France, pas sous cette pluie battante de mars.

C’est officiel, Youssouf n’est plus mineur mais il n’est pas majeur non plus. Même le purgatoire ne veut plus de lui. Alors on rentre sa valise trempée, on lui offre un café et on lance un SOS, on ne sait jamais, les bouteilles à la mer parfois, ça marche.

Je ne sais pas ce qu’est devenu Youssouf. Je ne sais pas ce que sont devenus tous les Youssouf qui viennent s’échouer sur ce territoire plus aride que le plus aride des déserts.

Et Brel qui me répète têtu “au suivant…”

Sylvain, éducateur

La MAMIE indigne

En tant qu’éducatrice, il m’arrive d’accompagner des jeunes étrangers qui arrivent seuls en Essonne, avec comme seule pièce d’identité un acte de naissance qui indique qu’ils sont mineurs. Lorsque mes collègues ou moi rencontrons un jeune dans cette situation, nous l’écoutons nous raconter son périple au travers de la Méditerranée, jusqu’en France. Puis nous l’accompagnons dans une Maison Départementale des Solidarités (MDS) où une assistante sociale l’orientera vers le Conseil départemental pour une évaluation de minorité. Tout travailleur social doit accompagner un mineur isolé à la MDS puisque c’est l’Aide Sociale à l’Enfance qui doit héberger et protéger les mineurs. Le SAMU social n’a pas le droit d’héberger des mineurs sans leurs parents. Mais aucune structure financée par l’ASE n’accepte de les recevoir tant que leur situation n’a pas été évaluée par la Mission d’Accueil des Mineurs Isolés (MAMIE) de l’Essonne qui jugera de la minorité et de l’isolement. Or il faut attendre une à trois semaines avant que la MAMIE ne leur trouve un créneau horaire…

Les jeunes sont alors convoqués à Evry à 9h. S’ils arrivent en retard leur tour est attribué à un jeune qui a été convoqué en plus du quota et ils doivent reprendre rendez-vous. Si une personne accompagne un des jeunes, elle est fortement incitée à quitter la salle d’attente de la MAMIE, on lui dit que l’évaluation va durer toute la journée et qu’elle n’a pas besoin de rester là. Les jeunes passent à chacun leur tour dans un bureau, devant une évaluatrice qui leur pose des questions sur leur famille, les motifs de leur voyage, leurs éventuels liens avec quelqu’un en France. Dès lors que le jeune mentionne une connaissance en France, l’évaluatrice lui remet un document qui stipule qu’il n’est pas isolé et ne relève pas d’une prise en charge par l’ASE, même si cette personne a remis au jeune une lettre précisant qu’elle ne peut pas l’héberger. Dès lors que le jeune n’a pas les traits d’un jeune adolescent, l’évaluatrice lui remet un document stipulant qu’il n’est pas mineur, sans même faire de vérifications. La MAMIE considère que les actes de naissance que les jeunes présentent sont faux ou que ce ne sont pas les leurs. Les documents de refus de prise en charge remis par la MAMIE terminent par une phrase leur précisant qu’ils peuvent faire appel de cette décision devant le tribunal administratif, mais comme ils n’ont personne à leur côté pour les aider dans cette démarche, qu’ils sont perdus dans la société française et parfois ne savent même pas lire …. ils ne font pas appel et se retrouvent à la rue. Pas d’hébergement, pas de scolarisation, confrontés à tous les dangers de la rue.

Une éducatrice. »

Voir en ligne : https://blogs.mediapart.fr/jeunes-i...


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