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Mustafa, jeune réfugié afghan, handicapé mental, envoyé vers la mort dans un pays inconnu

Publié le : dimanche 23 août 2015

Voir en ligne : http://blogs.mediapart.fr/blog/rena...

Source : http://blogs.mediapart.fr

Auteur : Renaud Mandel

Le jeune Mustafa (20 ans) est passé le 22 août à midi devant la Cour d’appel de Douai suite à son interpellation et placement au Centre de Rétention Administrative de Coquelles (Calais).

La Cour d’appel a confirmé la décision du juge des libertés et prolongé le placement en rétention. Une OQTF (obligation de quitter le territoire) a été prononcée le 17/08, le juge nous a informé à l’issue de l’audience que Mustafa était programmé sur un vol vers l’Afghanistan le 24 août matin, soit lundi.

Mustafa a quitté l’Afghanistan à l’âge de 4 ans pour Téhéran. Orphelin de père et de mère, il ne connaît pas ce pays. En Iran, il a subi des violences dans sa famille d’accueil, avant d’entamer un voyage qui l’a mené en France à l’âge de 15 ans en janvier 2010. Il souffre de troubles postraumatiques lourds comme en attestent les certificats médicaux de MSF et du médecin-spychiatre de l’Unité Spécialisée d’Hospitalisation pénitencière de Fleury-les-Aubray, qui a diagnostiqué une schizophrénie de type paranoïaque. Le parcours de Mustafa depuis son arrivée en France est chaotique (cf.article sur ce blog "Mustafa ou l’impossible protection d’un jeune réfugié")

A son arrivée, Mustafa a été reconnu mineur, et placé à l’hôtel pendant 9 mois par France Terre d’Asile. Le suivi que pouvait apporter cette dernière association n’était malheureusement pas suffisant pour un cas d’une telle complexité. Il a ensuite été confié au Centre Enfants du Monde (Croix-Rouge française) où je l’ai connu, en étant son éducateur référent. Après une brève prise en charge par l’ASE de Paris, il a été mis à la rue suite à un examen osseux très contestable. Et depuis, en l’absence de prise en charge adaptée, son état psychologique s’est détérioré.

Mustafa a connu deux incarcérations suite à des agressions sexuelles, une à Fleury-Mérogis de huit mois, puis une deuxième deux ans et quatre mois à la maison d’arrêt de Joux-la-Ville (Yonne). Avec sa tutrice, en collaboration avec l’éducateur du SPIP (Service Pénitencier d’Insertion et de Probation) de Joux-la-Ville, nous avons préparé comme nous pouvions sa sortie programmée le 13 juin, afin qu’il puisse bénéficier d’un hébergement et d’une prise en chargé adaptée notamment la mise en place d’un suivi psy adéquat. En maison d’arrêt, traité par neuroloptiques, il présentait un état stabilisé.

Malheureusement, le 13 juin, Mustafa a été embarqué immédiatement pour le CRA de Plaisir (78). Au bout de 45 jours, le JDL a ordonné la remise en liberté du jeune homme, avec assignation à résidence à Auxerre. Désorienté et sans moyens de se rendre à Auxerre, ville qu’il ne connait pas, Mustafa s’est rendu dans le Nord chez un compatriote ami et sa femme. Le couple l’avait déjà accueilli après sa première incarcération. Sa tutrice en avait de suite informé le juge et la gendarmerie où Mustafa devait remplir les obligation de son contrôle judiciaire.

Le 17 août au matin, sur décision de la préfète du Pas-de-Calais, Mustafa a été interpelé au domicile de son compatriote, et placé au Centre de Rétention Administrative de Coquelles.

Mustafa est arrivé en France en janvier 2010 à l’âge de 15 ans. Sa demande d’asile, qu’il n’a pu formulée que cette année, a été rejeté par la direction de l’OFPRA, malgré un dossier particulièrement étayé.

Mustafa ne connait pas l’Afghanistan. Il souffre de troubles psychiatriques, pour lesquels il n’aura pas les moyens d’être soigné dans ce pays. Le renvoyer en Afghanistan, c’est se résigner à ce qu’il soit dangereux pour lui-même et pour autrui, c’est probablement le condamner à mort et mettre la vie d’autres personnes en danger. Le renvoyer en Afghanistan serait contraire aux conventions internationales sur le droit d’asile, contraire à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, contraire à la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne, contraire à toutes les valeurs de protection, de solidarité, d’humanité, de la France s’agissant d’un jeune afghan handicapé mental et pour lequel les institutions de la protection de l’enfance ont failli.

Les recours juridiques semblent aujourd’hui vains, puisque le pourvoi en cassation n’est pas suspensif au même titre que la saisine de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

Nous, éducateurs, travailleurs sociaux, militants pour le respect des droits humains, nous demandons sans délai à Bernard CAZENEUVE de prendre les dispositions nécessaires pour ordonner de sursoir à l’exécution de la décision d’éloignement du territoire de Mustafa programmée lundi matin.

Renaud Mandel
Président de l’ADMIE
(Association pour la Défense des Mineurs Isolés Étrangers)