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Lettre à Madame la préfète des Hautes-Alpes de la part du Refuge Solidaire

Publié le : samedi 9 février 2019

Voir en ligne : https://blogs.mediapart.fr/eugenio-...

Source : Mediapart

Auteur : Eugénio POPULIN

Extraits :

«  Madame la Préfète,

Dans un communiqué daté du 1er février, vous vous inquiétez du risque majeur encouru par "les personnes qui cherchent à franchir à pied la frontière en provenance d’Italie".
Nous ne pouvons qu’abonder dans votre sens car les bénévoles du Refuge Solidaire de Briançon constatent chaque jour les conséquences des conditions climatiques hivernales affrontées par les réfugiés : hypothermie, blessures dues aux chutes, gelures.
En particulier, nous sommes conduits à accompagner de plus en plus de personnes au centre hospitalier de Briançon du fait de gelures graves occasionnées par un séjour prolongé en altitude sans vêtements de protection adéquats. Certains cas sont même trop avancés pour être soignés sur place et nécessitent le transfert à Marseille pour traitement en caisson hyperbare.
Notons que les interventions du Secours en montagne et les soins nécessités engendrent des frais très importants pour la collectivité.
Cette situation pourrait cependant être très facilement évitée si vous ordonniez aux forces de police stationnées à la frontière d’accueillir humainement les exilés, c’est à dire :

  • de leur exposer leur droit à déposer une demande d’asile en France en se rendant à l’une des SPADA du territoire national.
  • d’orienter les mineurs isolés vers les services de l’Aide Sociale à l’Enfance du département des Hautes-Alpes en vue de leur mise à l’abri.

Nous approuvons votre appel aux témoins de ces drames humains à alerter le 112.
Mais la prévention vaut toujours mieux que l’intervention une fois les dégâts constatés.
Aussi, pour éviter de contraindre les exilés à prendre des risques toujours plus importants, nous avons l’honneur de vous demander d’ordonner aux forces de police,
de cesser les refoulements systématiques en pleine montagne dans les conditions climatiques extrêmes
de cesser la chasse aux bénévoles d’assistance en montagne qui tentent généreusement de limiter les conséquences désastreuses d’une exposition prolongée au froid sur des personnes méconnaissant les dangers de la montagne.
Quant à votre appel à déconseiller le passage, il ne peut être adressé qu’aux autorités italiennes qui encouragent les migrants à quitter leur territoire par leur politique de rejet (fermeture des ports aux bateaux de secours, restrictions draconiennes de l’accueil humanitaire, fermeture des campos avec mise à la rue, interdictions de travailler...).
L’arrivée des exilés en provenance d’Italie se poursuivra et nous serons dans l’obligation de poursuivre l’accueil des personnes pourchassées tant que cette politique xénophobe se poursuivra.
Faisons en sorte de faire vivre cette belle idée de Fraternité inscrite au fronton de nos monuments.

Au moment où nous voulons vous envoyer cette lettre, la mauvaise nouvelle vient de tomber : un jeune garçon du Togo a trouvé la mort aux portes de Briançon. Il n’a pas réussi à atteindre le refuge où un repas chaud, un lit chaud et de la chaleur humaine l’attendaient. Inanimé sur le bord du chemin, son chemin le menant vers la France accueillante s’est achevé là, aux urgences de Briançon où il n’a pu être réanimé.
Toutes les nuits, des maraudeurs tentent de repérer et d’aider des exilés à descendre sur Briançon pour trouver une de nos valeurs fondatrices de notre république : la Fraternité.

Une seule question, Madame la Préfète :
Combien de morts sur le chemin de l’exil allez-vous attendre pour faire cesser cette traque policière à la frontière qui mettent ces femmes, ces enfants et ces hommes en danger de mort en tentant de leur échapper ?
 »