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Cour Administrative d’Appel de Lyon, 2 ème et 5ème chambres réunies, 11 octobre 2016, N°16LY00429 - Article L313-11 2° bis CESEDA : En rejetant la demande de titre de séjour au motif que le MIE n’était pas isolé au Burkina Faso, en se fondant sur ce seul motif et sans avoir procédé à un examen global de la situation, le préfet commet une erreur de droit

Publié le : vendredi 9 décembre 2016

Date : 11 octobre 2016

Le juge effectue une hiérarchisation entre les critères de délivrance du titre de séjour mention « vie privée et familiale ». A ce titre, dans le cadre de l’examen d’une demande de titre de séjour, le préfet se doit de vérifier dans un premier temps que l’étranger est dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l’article L311-3 du CESEDA, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l’ordre public et qu’il a été confié, depuis qu’il a atteint au plus l’âge de seize ans, au service de l’aide sociale à l’enfance. Dans un second temps, si ces conditions sont remplies, le préfet ne peut refuser la délivrance du titre de séjour qu’en raison de la situation de l’intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion dans la société française.

« Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B. a demandé au tribunal administratif de Lyon d’annuler les décisions du 16 février 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1505773 du 24 novembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a
rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 février 2016, M. B., représenté par Me Rahmani,
demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 24 novembre 2015 ;
2°) d’annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 16 février 2015 par lesquelles le
préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d’enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour mention « vie privée
et familiale » dans un délai de huit jours à compter de la notification de l’arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat, à payer à son conseil, la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l’Etat à sa mission d’aide juridictionnelle.

M. B. soutient que :

Sur la régularité du jugement :

– le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de l’erreur de droit commise par le préfet en refusant de délivrer le titre de séjour sollicité sans avoir examiné les différents critères prévus par l’article L. 313-11 2 bis du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Sur la légalité des décisions :
– les quatre décisions litigieuses sont insuffisamment motivées et procèdent d’un défaut d’examen de sa situation personnelle ;
– en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l’article L. 313-11 2
bis du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile au motif qu’il n’est pas isolé au Burkina Faso, appréciant de cette façon uniquement l’existence ou non d’une famille au Burkina Faso, le préfet a commis une erreur de droit, le texte prévoyant qu’il faut examiner la nature des liens avec la famille restée dans le pays d’origine, sans exiger un isolement ;
– en indiquant qu’il pourra retourner au Burkina Faso en mettant à profit le titre
professionnel obtenu, le préfet a commis une erreur de droit ;
– en n’examinant pas les autres conditions prévues par l’article L. 313-11 2 bis du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, à savoir le caractère réel et sérieux de la formation suivie et l’avis de la structure d’accueil sur son insertion, le préfet a commis une erreur de droit ;
– il remplissait les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de cet article L. 313-11 2 bis du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, eu égard au caractère réel et sérieux de sa formation, à l’avis favorable de sa structure d’accueil et à l’absence de liens effectifs avec son pays d’origine ;
– à tout le moins la décision est entachée d’erreur manifeste d’appréciation eu égard au caractère sérieux de la poursuite de ses études ;
– sa situation est conforme aux critères définis par la circulaire du 2 mai 2005 ;
– en prenant les décisions litigieuses, le préfet a méconnu l’article 8 de la convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation ;
– le préfet n’a pas examiné la possibilité, alors qu’il dispose de cette faculté, de le
régulariser à titre exceptionnel ;
– il est bien fondé à soulever à l’encontre de l’obligation de quitter le territoire français,
de la décision fixant son pays de destination et de la décision fixant à 30 jours le délai de départ volontaire, l’exception d’illégalité du refus de titre de séjour ;
– le préfet a commis une erreur de droit en s’estimant lié par la décision de refus de titre de séjour pour prendre une décision portant obligation de quitter le territoire français ;
– le préfet a commis une erreur de droit en n’examinant pas la possibilité de lui
accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;
– le préfet aurait dû lui accorder un délai de départ supérieur afin de lui permettre de
passer ses examens en juin ;
– la décision fixant son délai de départ volontaire méconnaît l’article 8 de la convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et est entachée d’erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2016, le préfet du Rhône conclut au
rejet de la requête.

Il s’en rapporte à ses écritures de première instance.
M. B. a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du
7 janvier 2016.

Par un arrêt n° 16LY00434 du 5 juillet 2016, la cour administrative d’appel de Lyon a
prononcé le sursis à l’exécution du jugement n° 1505773 du 24 novembre 2015 du tribunal administratif de Lyon, en tant qu’il a rejeté les conclusions de M. B. dirigées contre la décision du préfet du Rhône du 16 février 2015 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et la décision du même jour fixant le pays de destination de cette mesure d’éloignement, jusqu’à ce qu’il soit statué sur la requête n° 16LY00429 présentée par M. B..

Par une ordonnance n° 16LY02271 du 12 juillet 2016, le juge des référés de la cour
administrative d’appel de Lyon a suspendu l’exécution de la décision du 16 février 2015 par laquelle le préfet du Rhône a refusé à M. B. la délivrance d’un titre de séjour jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la requête n° 16LY00429 présentée par l’intéressé tendant à l’annulation de cette décision.

Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me Rahmani, représentant M. B..
Une note en délibéré présentée pour M. B. a été enregistrée le 26 septembre 2016.

1. Considérant que M. B., ressortissant burkinabé, né le 15 août 1996, est entré
irrégulièrement en France le 19 avril 2012 à l’âge de 15 ans et demi et a été confié au service de l’aide sociale à l’enfance ; que, le 17 juillet 2014, il a sollicité la délivrance d’un titre de séjour sur le fondement du 2 bis de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; que M. B. relève appel du jugement du 24 novembre 2015, par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l’annulation des décisions du 16 février 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour
des étrangers et du droit d’asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (…) 2° bis À l’étranger dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l’article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu’il a atteint au plus l’âge de seize ans, au service de l’aide sociale à l’enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française. La
condition prévue à l’article L. 311-7 n’est pas exigée (…) » ;

3. Considérant que, lorsqu’il examine une demande de titre de séjour de plein
droit portant la mention « vie privée et familiale », présentée sur le fondement de ces
dispositions, le préfet vérifie tout d’abord que l’étranger est dans l’année qui suit son dixhuitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l’article L. 311-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l’ordre public et qu’il a été confié, depuis qu’il a atteint au plus l’âge de seize ans, au service de l’aide sociale à l’enfance ; que, si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu’en raison de la situation de l’intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française ; que le juge de l’excès de pouvoir exerce sur cette appréciation un entier contrôle ;

4. Considérant que, pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. B., sur le
fondement des dispositions citées au point 2, le préfet du Rhône après avoir relevé que l’intéressé avait été confié à l’aide sociale à l’enfance à l’âge de quinze ans huit mois et trois jours, a rejeté sa demande au motif qu’il n’est pas isolé au Burkina Faso où résident son père, sa belle-mère, ses deux sœurs et ses trois frères ; qu’il ressort des pièces du dossier qu’en se fondant sur ce seul motif, sans avoir procédé à un examen global de la situation de M. B. au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur son insertion dans la société française, le préfet a commis une erreur de droit ; que M. B. est par suite, et sans qu’il soit besoin
d’examiner les autres moyens de sa requête, fondé à demander l’annulation de la décision du 16 février 2015 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ainsi que, par voie de conséquence, des décisions du même jour par lesquelles le préfet l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. B. est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre ces décisions ;

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

6. Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative :
« Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution. » ; qu’aux termes de l’article L. 911-2 du même code :
« Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. » ; qu’aux termes de l’article L. 512-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Si
l’obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l’étranger est muni d’une autorisation provisoire de séjour de séjour jusqu’à ce que l’autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (…) » ;

7. Considérant que l’annulation prononcée par le présent arrêt, eu égard au motif sur
lequel elle repose, n’implique pas nécessairement la délivrance à M. B. d’un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » ; que, par suite, les conclusions de M. B. tendant à ce qu’il soit enjoint au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour mention « vie privée et familiale » dans un délai de huit jours à compter de la notification de l’arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, doivent être rejetées ;

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la
charge de l’Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Rahmani au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Rahmani renonce à la part contributive de l’Etat à la mission d’aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

DÉCIDE  :

Article 1er : Les décisions du 16 février 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B., l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, ainsi que le jugement n° 1505773 du 24 novembre 2015 du tribunal administratif de Lyon sont annulés.

Article 2 : L’Etat versera à Me Rahmani la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu’elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat à la mission d’aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B. est rejeté.

Article 4  : Le présent arrêt sera notifié à M. B., au ministre de l’intérieur et au préfet du Rhône.

Copie du présent arrêt sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon en application de l’article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l’audience du 22 septembre 2016, à laquelle siégeaient :
M. Fraisse, président de la cour,
M. Clot et M. Bourrachot, présidents de chambre,
Mme Mear et M. Pourny, présidents-assesseurs,
Mme Dèche et Mme Duguit-Larcher, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 11 octobre 2016.

Décision disponible en format pdf ci-dessous :