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Conseil d’Etat, Ordonnance du 3 avril 2019 n°428477, 428831, REJET de la demande de suspension du décret n°2019-57 du 30 janvier 2019 relatif aux modalités d’évaluation des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et autorisation la création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à ces personnes

Publié le : jeudi 4 avril 2019

Source : Conseil d’Etat

Date : Ordonnance du 3 avril 2019 n°428477, 428831

Décision disponible en format pdf ci-dessous :

CE_03042019_rejetsuspension_decret30012019

Extraits :

« 12. (...) Il résulte des dispositions combinées du 4e alinéa de l’article R 221-11 et de l’article R221-15-2 du CASF que les agents [de préfecture] en cause se bornent à recueillir les images numérisées du visage des demandeurs, les empreintes digitales de deux de leurs doigts ainsi qu’une liste limitative de neuf informations précises et ne conduisent pas d’entretien comparable à ceux qui sont menés par les services départementaux de l’ASE ou les structures à qui ils ont délégué cette mission. Il parait appartenir, par ailleurs, en l’état de l’instruction, à ces services départementaux, dans le cadre de l’accueil provisoire d’urgence, d’assurer l’accompagnement des demandeurs, dans les démarches nécessitées par la procédure d’évaluation.

(...)

14. Ils soutiennent, en 4e lieu, qu’aucune garantie n’est prévue en cas de refus de l’intéressé de communiquer les données demandées, en méconnaissance des exigences européennes et internationales. Toutefois, dès lors que le décret se borne à prévoir au 5e alinéa du II de l’article R221-11 du CASF que dans l’hypothèse d’un tel refus, le préfet "en informe le président du conseil départemental chargé de l’évaluation", ce dernier ne saurait déduire la majorité du demandeur de ce seul refus.

15. Ils soutiennent que (...) l’obligation qu’a le président du conseil départemental d’informer le représentant de l’Etat de la fin de l’évaluation expose les intéressés à un éloignement, en méconnaissance des exigences de la protection de l’enfance et du droit au recours effectif, leur minorité devant être présumée tant que n’est pas intervenue une décision de justice ayant autorité et force de chose jugée. Toutefois, le décret litigieux n’a ni pour objet ni pour effet de modifier les règles destinées à assurer la protection effective des étrangers de moins de 18 ans contre des mesures d’éloignement, qui ne peuvent légalement être prises à leur encontre (...). Ces règles, parmi lesquelles ne figure pas la présomption de minorité invoquée, impliquent, notamment, que dans le cadre du recours suspensif dont disposent les intéressés à l’encontre de telles mesures, le juge administratif se prononce sur leur minorité lorsqu’elle est alléguée. En l’état de l’instruction, l’existence d’une instance en cours devant l’autorité judiciaire au titre de la protection de l’enfance parait être de nature à amener ce juge, s’il estime nécessaire, à surseoir à statuer et il peut, en cas de difficulté, saisir lui même l’autorité judiciaire d’une question préjudicielle relative à la minorité de l’intéressé. Enfin, lorsque le doute persiste au vu de l’ensemble des éléments recueillis, il doit profiter à la qualité de mineur de l’intéressé.

16. (...) Il ne résulte, en outre, ni de la lettre de l’article L611-6-1 du CESEDA ni des travaux préparatoires de la loi du 10 septembre 2018 (...) dont ces dispositions sont issues, que le législateur aurait entendu exclure que les données du traitement automatisé "VISABIO" puissent être utilisées.

17. (...) Le décret a donc pu légalement prévoir que les données des personnes de nationalité étrangère ayant été reconnues majeures soient transférées vers le traitement automatisé "AGDREF 2" pour qu’elles puissent y être utilisées ; après examen de la situation d’ensemble de l’intéressé, afin de prononcer une éventuelle mesure d’éloignement, sauf, comme l’a indiqué à l’audience le ministre de l’intérieur, lorsque le préfet a été informé qu’une mesure d’assistance éducative est en cours (...).

18. (...) Ces dispositions combinées avec celles qui précèdent apparaissent, en l’état de l’instruction, devoir être interprétées comme n’autorisant pas le procureur de la république à accéder aux données du traitement automatisé AEM aux fins d’engager des poursuites individuelles à l’encontre des personnes en cause du chef des préventions précitées, autrement qu’en application des pouvoirs de réquisition dont il dispose en vertu, notamment, des articles 60-1 et 77-1-1 du code de procédure pénale.

19. Ils soutiennent (...) que le caractère effectif de l’information délivrée lors de la collecte des données n’est pas assuré. (...) Il appartient aux agents de préfecture en lien, comme cela a été dit par le ministre de l’intérieur à l’audience, avec ceux du service départemental d’aide sociale à l’enfance intéressé, de veiller au respect de cette garantie. »