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Cour administrative d’appel de Nantes - Arrêt 21NT02762 du 11 mars 2022

Publié le : vendredi 25 mars 2022

Résumé : Avis défavorable de la cellule de fraude documentaire, de la PAF, des services de l’ambassade de France en Guinée pour le jugement supplétif et son acte de transcription. Mais la légalisation est postérieure aux avis précités. Le préfet n’établit pas que les dispositions de l’article 175 du code civil guinéen sont applicables aux jugements supplétifs. La décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère ne peut être utilement mise en cause par les autorités françaises. La divergence d’année d’établissement du jugement supplétif et de sa transcription ne suffit pas à faire douter de l’identité de l’intéressé. Inexacte application des dispositions du Ceseda par le préfet.

Extraits des considérants :

Il ressort des pièces du dossier que M ..... a fourni à l’appui de sa demande de titre de séjour un jugement supplétif tenant lieu d’acte de naissance n° 2719 rendu le 29 janvier 2017 par le tribunal de grande instance de Conakry II sur requête du même jour, un justificatif de la transcription, le 2 février 2018, dans le registre de l’état civil de la commune de Ratoma pour l’année en cours, d’un jugement supplétif daté du 29 janvier 2018 ainsi qu’une carte consulaire comportant sa photo, établie le 9 novembre 2018. Le jugement supplétif, devenu définitif, et son acte de transcription ayant fait l’objet d’avis défavorables de la part de la cellule fraude documentaire et identité de la direction interdépartementale de la police aux frontières de Nantes et des services de l’ambassade de France en Guinée, le préfet de la Loire-Atlantique les a écartés en raison de leur caractère apocryphe. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, ces documents ont fait l’objet, postérieurement aux avis précités, d’une légalisation par l’autorité consulaire guinéenne en France. Si le préfet fait valoir que ces actes ne comportent pas les dates de naissance des parents de l’intéressé, conformément aux exigences de l’article 175 du code civil guinéen, il n’établit pas que ces dispositions seraient applicables aux jugements supplétifs régis par l’article 193 de ce code, M. B produisant en outre un certificat par lequel le président de la première section civile, économique et administrative du tribunal de première instance de Dixin atteste que "l’article 175 du code civil guinéen ne s’applique pas à ce cas précis qui ne concerne que les déclarations de naissance dans le délai prescrit par la loi". En outre, si le préfet relève que le jugement supplétif a été rendu le jour même de l’introduction de la requête présentée par un tiers supposé non habilité, ces circonstances ne suffisent pas à établir le caractère frauduleux de cette décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, dont les autorités administratives françaises ne peuvent utilement mettre en doute le bien-fondé. Il en va de même de la divergence concernant l’année d’établissement de ce jugement dans les mentions respectives de ce dernier et de l’acte de transcription, l’erreur ainsi relevée ne suffisant pas, à elle seule, à faire douter de l’identité de M.B. Enfin, le constat d’un contexte général de fraude généralisée à l’état civil guinéen ne peut suffire à permettre de douter de l’authenticité des actes d’état civils produits par l’intéressé. Dans ces conditions, M. B doit être regardé comme ayant justifié de son état civil et de sa nationalité, comme l’exigent les dispositions précitées de l’article R. 311-2-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Par suite, en rejetant sa demande de titre de séjour au motif qu’il ne justifiait pas de son état civil par des documents probants, le préfet de la Loire-Atlantique a fait une inexacte application de ces dispositions."

Article 175 et 193 du Code civil guinéen du 16 février 1983 :

Article 175 - "Les actes énonceront l’année, le jour et l’heure où ils seront reçus ; les prénoms et nom de l’officier de l’état civil, les prénoms, noms, professions et domiciles de tous ceux qui y seront dénommés. Les dates et lieux de naissance :
1. des père et mère dans les actes de naissance et de reconnaissance ;
2. de l’enfant dans les actes de reconnaissance ;
3. des époux dans les actes de mariage ;
4. du décédé dans les actes de décès, seront indiqués lorsqu’ils seront connus.
Dans le cas contraire, l’âge desdites personnes sera désigné par leur nombre d’années, comme le sera, dans tous cas, l’âge des déclarants. En ce qui concerne les témoins, leur qualité de majeur sera seule indiquée."

Article 193 : Lorsqu’une naissance n’aura pas été déclarée dans le délai légal, l’officier de l’état civil ne pourra la relater sur ses registres qu’en vertu d’un jugement rendu par la juridiction compétente de la région dans laquelle est né l’enfant, et mention sommaire sera faite en marge à la naissance. Si le lieu de la naissance est inconnu, ou s’il y a impossibilité d’exercer l’action, le Tribunal compétent sera celui du domicile du requérant."

CAA Nantes N°21NT02762 du 11.03.2022