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Tribunal administratif de Nancy – Jugement N°2103142 du 26 décembre 2022 – Le département ne pouvait mettre fin à la prise en charge en 2021 d’un jeune majeur au regard de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie du covid-19 – Droit à une nouvelle prise en charge pour les jeunes majeurs visés par le 5° de l’art. L.222-5 du CASF – L’intéressé, hébergé par une association et ayant bénéficié d’une bourse, ne dispose pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants – Le département est légalement tenu de poursuivre sa prise en charge

Publié le : mercredi 15 mars 2023

Résumé :

Le Tribunal annule la décision par laquelle la présidente du conseil départemental a confirmé la fin de prise en charge de l’intéressé (confié à l’ASE durant sa minorité) en tant que jeune majeur.

Le département ne pouvait mettre fin à sa prise en charge (en 2021) alors que les mesures prises en application des art. L.3131-15 à L.3131-17 du code de la santé publique étaient encore en vigueur. En effet, l’art.18 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 prévoit que pendant la durée des mesures prises en application de ces articles, il ne pouvait être mis fin à la prise en charge des majeurs ou mineurs émancipés précédemment pris en charge dans le cadre de l’article L. 222-5 du CASF.

En outre, depuis la loi du 7 février 2022, les jeunes majeurs de moins de vingt-et-un ans ayant été pris en charge par l’ASE avant leur majorité bénéficient d’un droit à une nouvelle prise en charge lorsqu’ils ne disposent pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants (5° de l’art. L. 222-5 du CASF). En l’espèce, si depuis la fin de sa prise en charge l’intéressé est hébergé par une association et a bénéficié au premier trimestre d’une bourse nationale permettant la prise en charge de ses frais de demi-pension, il ne dispose pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants. Le département est ainsi légalement tenu de poursuivre sa prise en charge.

Extraits du jugement :

« […].

4. D’une part, aux termes de l’article 18 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 : " Il ne peut être mis fin, pendant la durée des mesures prises en application des articles L. 3131-15 à L. 3131-17 du code de la santé publique, à la prise en charge par le conseil départemental, au titre de l’aide sociale à l’enfance, des majeurs ou mineurs émancipés précédemment pris en charge dans le cadre de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles en tant que mineurs, mineurs émancipés ou jeunes majeurs de moins de vingt et un ans ". Aux termes de l’article 1er de la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire : " L’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire est prorogé jusqu’au 1er juin 2021 inclus ".

5. M. B, né [...] 2003, a été pris en charge par le département de Meurthe-et-Moselle en qualité de mineur non accompagné et a sollicité, à sa majorité, la poursuite de cette prise en charge. Il résulte des dispositions citées au point 4, que le département de Meurthe-et-Moselle ne pouvait, ni à la date du 19 mars 2021, ni à la date du 11 mai 2021, alors que les mesures prises en application des articles L. 3131-15 à L. 3131-17 du code de la santé publique étaient encore en vigueur, mettre fin à la prise en charge de M. B au titre de l’aide sociale à l’enfance.

6. D’autre part, aux termes des dispositions de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles, dans leur rédaction applicable depuis le 9 février 2022 : " Sont pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance sur décision du président du conseil départemental : () 5° Les majeurs âgés de moins de vingt et un ans et les mineurs émancipés qui ne bénéficient pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants, lorsqu’ils ont été confiés à l’aide sociale à l’enfance avant leur majorité, y compris lorsqu’ils ne bénéficient plus d’aucune prise en charge par l’aide sociale à l’enfance au moment de la décision mentionnée au premier alinéa du présent article ".

7. Il résulte de ces dispositions que, depuis l’entrée en vigueur du I de l’article 10 de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, qui a modifié cet article sur ce point, les jeunes majeurs de moins de vingt-et-un ans ayant été pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance d’un département avant leur majorité bénéficient d’un droit à une nouvelle prise en charge par ce service, lorsqu’ils ne disposent pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants.

8. Il résulte de l’instruction que, depuis la fin de sa prise en charge par le département, M. B est hébergé par une association " un toit pour les migrants " et a bénéficié, au titre du premier trimestre de l’année scolaire 2022-2023 d’une bourse nationale permettant la prise en charge de ses frais de demi-pension. Il n’est pas contesté qu’il poursuit sa scolarité et qu’il ne dispose pas d’autres ressources. Dans ces conditions, dès lors que M. B ne dispose pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants, le département de Meurthe-et-Moselle qui, ainsi qu’il a été dit, a pris en charge l’intéressé au titre de l’aide sociale à l’enfance jusqu’à sa majorité, est légalement tenu de poursuivre cette prise en charge.

[…].  »


Voir le jugement au format PDF :

TA Nancy - Jugement N°2103142 du 26 décembre 2022