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Cour de cassation, Chambre criminelle, 6 janvier 2021, n° 20-81.242, Caractérise le délit de faux au sens de l’article 441-1 du code pénal le fait, par la prévenue, de prendre la qualité de représentante légale d’un jeune homme dont la minorité n’est pas établie, sur des documents destinés à formaliser l’inscription scolaire de celui ci, et de certifier, par sa signature, l’exactitude de ces renseignements, dès lors que ces agissements ont permis que l’intéressé soit effectivement inscrit dans un établissement scolaire, ce qui a entraîné nécessairement des conséquences juridiques et ce qui est de nature à causer un préjudice pour le service de l’ASE auquel l’intéressé était confié et qui était tenu d’assurer la prise en charge de ses frais d’entretien et d’éducation. L’inscription effective de l’élève démontre que la prévenue a fait usage des documents qu’elle a renseignés de façon erronée. S’ils consacrent le droit à l’éducation, ni l’article 28 de la Convention relative aux droits de l’enfant de 1989, non plus que les articles 2 du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, L. 111-1, L. 122-2 et L. 131-1 du Code de l’éducation, n’autorisent quiconque à falsifier des documents et à en faire usage à cette fin et ne sauraient donc constituer un fait justificatif au sens de l’article 122-4 du code pénal.

Publié le : vendredi 15 janvier 2021

Source : Cour de cassation, Chambre criminelle

Date : Arrêt du 6 janvier 2021, n° 20-81.242

Arrêt :

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 JANVIER 2021

Mme Y D a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 6 février 2020, qui, pour faux et usage, l’a condamnée à 500 euros d’amende.

Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de Mme Y D, et les conclusions de M. E, avocat général, après débats en l’audience publique du 12 novembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Coste Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 9 janvier 2018, le président du conseil départemental du Vaucluse a déposé plainte auprès du procureur de la République des chefs de faux et usage en exposant qu’il avait été destinataire d’une facture de 462 euros émise par un établissement scolaire, l’EREA de Vedène, en règlement de frais d’internat pour le compte du nommé X Z, mineur non accompagné confié au service de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), alors même que ce dernier n’avait pas procédé à son inscription en raison des doutes qui existaient quant à sa minorité.

3. L’examen des documents remplis pour l’inscription de ce jeune a révélé qu’il était accompagné, lors de cette formalité, de Mme D qui avait établi la fiche de renseignements en s’enregistrant en qualité de « représentant légal 2 » avec l’indication qu’elle était la première personne à prévenir en cas d’incident, le conseil départemental du Vaucluse et Mme B C, référente « Aide Sociale à l’Enfance » étant mentionnés en qualité de « responsable légal 1 ».

4. Au cours de l’enquête, Mme D, membre et militante de l’association Réseau Education Sans Frontière (RESF), a reconnu avoir effectivement accompagné et fait inscrire X Z dans cet établissement scolaire mais a contesté s’être présentée comme représentante légale de l’intéressé alors même que l’employée de l’établissement scolaire qui avait enregistré l’inscription a soutenu le contraire.

5. A l’issue de l’enquête, Mme D a été citée devant le tribunal correctionnel pour avoir à Vedene (Vaucluse), le 26 septembre 2017, d’une part, par quelque moyen que ce soit, altéré frauduleusement la vérité dans un écrit ou tout autre support juridique de la pensée destiné à établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques, en l’espèce en remplissant un formulaire d’inscription d’un mineur X Z, à l’établissement scolaire EREA en se présentant faussement en qualité de représentant légal de l’intéressé et en tant que première personne à prévenir alors même qu’elle ne disposait d’aucun pouvoir ni d’aucune autorité à l’égard de celui ci qui était au contraire confié au service de l’Aide Sociale à l’Enfance, relevant du conseil départemental du Vaucluse et à l’insu de celui ci, au préjudice de EREA de Vedene et du conseil départemental du Vaucluse, d’autre part, sciemment fait usage d’un écrit ayant pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques, en l’espèce un formulaire d’inscription d’un mineur X Z à l’établissement scolaire EREA de Vedène en se présentant faussement en qualité de représentant légal de l’intéressé et en tant que première personne à prévenir alors qu’elle ne disposait d’aucun pouvoir ni d’aucune autorité à l’égard de celui ci qui était au contraire confié au service de l’Aide Sociale à l’Enfance service relevant du conseil départemental du Vaucluse, dans lequel avait été altérée frauduleusement la vérité, au préjudice du conseil départemental du Vaucluse et EREA de Vedène.

6. Les juges du premier degré ayant relaxé la prévenue par jugement du 6 mai 2019, le procureur de la République a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième et troisième moyens

Enoncé des moyens

7. Le premier moyen critique l’arrêt en ce qu’il a déclaré la prévenue coupable des délits de faux et usage alors :

« 1 / qu’une simple déclaration mensongère unilatérale, sujette à vérification, ne constitue pas une infraction de faux ; qu’en relevant, pour entrer en voie de condamnation que Mme D a déclaré auprès de Mme A être la représentante légale de X Z, et a signé sous cette qualité les documents d’inscription de celui ci, lorsqu’un tel acte ne constitue qu’une simple déclaration mensongère unilatérale, sujette à vérification, celle ci n’ayant pas eu lieu pour la seule raison que Mme A ne l’a « pas jugé[e] utile », retranscrite sur un acte ne conférant à la prévenue aucun titre ni droit, la cour d’appel a violé les dispositions des articles 441-1 du code pénal et 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2 / qu’en toute hypothèse, ne peut être réprimée au titre des infractions de faux et usage de faux que l’altération de la vérité qui est de nature à causer un préjudice ; que l’exposante rappelait aux termes de ses conclusions d’une part qu’il résulte de ses missions strictement dévolues par la loi la nécessité pour l’ASE d’assurer la prise en charge effective de l’éducation des individus identifiés comme mineur aux termes de leur acte d’état civil, et dans une situation manifeste de vulnérabilité, et d’autre part, qu’ici, la scolarisation de X Z, mineur de nationalité ivoirienne confié à l’ASE au moment des faits, n’avait occasionné aucune dépense pour le conseil départemental mais plus encore, qu’elle n’était pas de nature à en occasionner, la facture induite ayant immédiatement été communiquée à l’association RESF ; qu’en s’abstenant de s’expliquer sur ces éléments et en se bornant à affirmer péremptoirement l’existence d’une altération « de nature à causer un préjudice, tel le fait de mettre à la charge du département le coût d’une scolarité non décidée par cette collectivité en suite des doutes existant alors sur la minorité de ce jeune homme », pour entrer en voie de condamnation, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision au regard des articles 441-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »

8. Le deuxième moyen critique l’arrêt en ce qu’il a déclaré Mme D coupable d’usage de faux alors « que l’infraction d’usage de faux suppose la caractérisation d’un fait positif d’utilisation imputable au prévenu ; qu’en se bornant à relever, pour entrer en voie de condamnation du double chef de faux et usage de faux que Mme D a signé l’ensemble des documents d’inscription de X Z sous la qualité de représentante légale, sans relever aucun acte positif d’utilisation qui lui serait imputable, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision au regard des articles 441-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »

9. Le troisième moyen critique l’arrêt en ce qu’il a déclaré Mme D coupable des délits de faux et usage alors « que, n’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit par des dispositions législatives ; que tout mineur sur le territoire national dispose d’un droit à l’éducation, dont il résulte notamment un droit de poursuivre sa scolarité au delà de l’âge de seize ans ; qu’en entrant en voie de condamnation des chefs de faux et usage de faux à l’encontre de Mme D, lorsqu’elle constatait expressément qu’en l’absence d’une telle intervention, « l’inscription de [X Z] ne serait pas intervenue », ce dont il se déduit que ses agissements, qui étaient seuls de nature à garantir le droit à l’éducation de ce dernier, étaient prescrits par des dispositions législatives, la cour d’appel a violé les dispositions des articles 28 de la Convention relative aux droits de l’enfant de 1989, 2 du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, L. 111-1, L. 122-2 et L. 131-1 du code de l’éducation, 122-4 du code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

10. Les moyens sont réunis.

11. Pour déclarer Mme D coupable des délits de faux et usage, l’arrêt attaqué retient qu’il résulte sans aucune ambiguïté de la lecture des documents d’inscription que la prévenue a signé l’ensemble de ceux ci, comportant notamment des autorisations en matière de sorties, de droit à l’image de l’élève, exerçant ainsi les prérogatives du représentant légal, qu’elle s’est inscrite sur ces documents en qualité de représentant légal de l’élève, et les a signés seule.

12. Les juges ajoutent qu’il résulte de l’audition de Mme A que seule Mme D a pu communiquer tous les renseignements relatifs à la référente au sein du service de l’ASE de X Z, qu’elle a certifié l’ensemble de ces éléments par sa signature, apposée sous la mention : « Je soussignée, Y D, responsable légale de X Z, atteste l’exactitude des renseignements fournis et atteste avoir pris connaissance des documents ».

13. Ils relèvent également que le service de l’ASE a par contre été mentionné comme responsable légal 1 et responsable financier, l’élève étant inscrit en qualité d’interne.

14. La cour d’appel énonce que Mme D connaissait le caractère totalement inexact des informations ainsi portées sur l’ensemble de ces documents, informations pourtant strictement nécessaires à la matérialisation de l’inscription de l’élève concerné, laquelle ne serait pas intervenue hors la présence et l’implication d’un responsable légal et que les mentions afférentes à la qualité de représentante légale de la prévenue sur l’élève constituent une altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice, tel le fait de voir mettre à la charge du département le coût d’une scolarité non décidée par cette collectivité en suite des doutes existant alors sur la minorité de ce jeune homme.

15. Elle conclut que se trouvent réunis et caractérisés les éléments matériel et intentionnel de l’infraction, la prévenue ne pouvant ignorer qu’un tiers ne peut scolariser un mineur que s’il en détient le pouvoir de par sa qualité de représentant légal de celui ci, les éléments fournis par elle revêtant à dessein l’apparence de cette légalité nécessaire, afin de réaliser un acte contraignant l’ASE à assumer financièrement le coût de cette scolarité.

16. S’agissant de l’exception d’autorisation de la loi invoquée par la prévenue, la cour d’appel énonce que si l’éducation est un droit pour tous les enfants sur le territoire national, ce droit ne peut être mis en oeuvre que par ceux qui en détiennent régulièrement le pouvoir de par la loi, le fait de souhaiter, dans un but humaniste, se substituer au service gardien défaillant, ne pouvant constituer l’autorisation de la loi prévue par l’article 122-4 du code pénal.

17. En prononçant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision.

18. En effet, d’une part, caractérise le délit de faux au sens de l’article 441-1 du code pénal le fait, par la prévenue, de prendre la qualité de représentante légale d’un jeune homme dont la minorité n’est pas établie, sur des documents destinés à formaliser l’inscription scolaire de celui ci, et de certifier, par sa signature, l’exactitude de ces renseignements, dès lors que ces agissements ont permis que l’intéressé soit effectivement inscrit dans un établissement scolaire, ce qui a entraîné nécessairement des conséquences juridiques et ce qui est de nature à causer un préjudice pour le service de l’ASE auquel l’intéressé était confié et qui était tenu d’assurer la prise en charge de ses frais d’entretien et d’éducation.

19. D’autre part, l’inscription effective de l’élève démontre que la prévenue a fait usage des documents qu’elle a renseignés de façon erronée.

20. Enfin, s’ils consacrent le droit à l’éducation, ni l’article 28 de la Convention relative aux droits de l’enfant de 1989, non plus que les articles 2 du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, L. 111-1, L. 122-2 et L. 131-1 du Code de l’éducation, n’autorisent quiconque à falsifier des documents et à en faire usage à cette fin et ne sauraient donc constituer un fait justificatif au sens de l’article 122-4 du code pénal.

21. Les moyens ne peuvent donc qu’être écartés.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

22. Le moyen critique l’arrêt en ce qu’il a condamné Mme D à 500 euros d’amende alors « qu’en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine d’amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l’infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ; qu’en se bornant à affirmer que celle ci « apparaît compatible avec ses ressources et ses charges » pour condamner Mme D à une peine d’amende de 500 euros, sans s’expliquer sur la personnalité et la situation personnelle de la prévenue, et lorsqu’elle constatait pourtant expressément « qu’une peine d’avertissement demeure suffisante à sanctionner de tels faits », la cour d’appel n’a pas justifié sa décision au regard des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, et 485 et 512 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

23. Pour condamner Mme D à 500 euros d’amende l’arrêt attaqué énonce qu’une peine d’avertissement demeure suffisante à sanctionner de tels faits, que la prévenue, qui n’a pas de charge de famille, dispose de revenus par elle déclarés de 1 500 euros et que l’amende de 500 euros apparaît compatible avec ses ressources et ses charges.

24. En se déterminant ainsi, dès lors que la référence à une peine d’avertissement se rapporte à l’absence de gravité des faits tandis que la nature de ceux ci est révélatrice de la personnalité de leur auteur, la cour d’appel a justifié sa décision.

25. Le moyen ne peut donc être accueilli.

26. Par ailleurs, l’arrêt est régulier en la forme.

Dispositif

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six janvier deux mille vingt et un.

Composition de la juridiction : M. SOULARD, M. Salomon, Mme Coste Floret, Mme Planchon, SCP Spinosi et Sureau
Décision attaquée : cour d’ appel Nîmes ch. correctionnelle 2020-02-06