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Conseil d’Etat – Ordonnance N°468359 du 14 novembre 2022 – Référé-liberté – Accueil provisoire d’urgence – Mineur isolé

Publié le : lundi 6 février 2023

Résumé :

Le Conseil d’Etat confirme l’ordonnance prise par le TA de Marseille qui avait enjoint au département des Bouches-du-Rhône de poursuivre l’accueil provisoire de l’intéressé, se déclarant mineur et isolé sur le territoire français.

Le Conseil rappelle tout d’abord que le juge des référés est compétent, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, pour enjoindre au département de poursuivre son accueil provisoire d’urgence lorsque l’appréciation portée par le département sur l’absence de minorité de l’intéressé est manifestement erronée et que ce dernier est confronté à un risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité.

Après avoir rappelé le principe de présomption de validité des actes d’état civil étrangers (article 47 du Code civil), le Conseil d’Etat retient qu’en l’espèce, les éléments apportés par le département pour mettre en doute la minorité de l’intéressé (caractéristiques matérielles du jugement supplétif dont l’authenticité n’est pas contestée ; apparence physique ; notations psychologiques) ne sont pas, par elles-mêmes, de nature à réfuter les éléments produits par l’intéressé pour établir son âge (jugement supplétif légalisé ; carte consulaire).

RAPPEL – Le référé-liberté – Article 521-2 du code de justice administrative

« Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. »

RAPPEL – La compétence du juge administratif

Par une décision de principe du 1er juillet 2015, le Conseil d’État a déclaré incompétent le juge administratif pour examiner le refus du Conseil départemental d’admettre un mineur isolé étranger à l’ASE au motif qu’il existait une voie de recours devant le juge des enfants.

TOUTEFOIS, dans certains cas la saisine du Tribunal administratif demeure possible. Notamment :

• Le Conseil d’Etat confère aux mineurs la capacité d’effectuer des référés-liberté devant le juge administratif lorsqu’un département refuse de les prendre en charge malgré la décision judiciaire les y contraignant. Voir : Conseil d’Etat, 12 mars 2014, n°375956 ainsi que quatre décisions du 27 juillet 2016. (Dans certaines conditions, le juge peut également prononcer une injonction à l’égard de l’autorité de police générale).

• Surtout, en 2020, le Conseil d’Etat a ouvert la possibilité de faire appel au juge des référés pour des mineurs en recours devant le juge des enfants, afin de demander le prolongement de leur accueil provisoire, en affirmant qu’ : «  il appartient toutefois au juge du référé, statuant sur le fondement de l’article L 521- 2 du code de justice administrative, lorsqu’il lui apparait que l’appréciation portée par le département sur l’absence de qualité de mineur isolé de l’intéressé est manifestement erronée et que ce dernier est confronté à un risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité, d’enjoindre au département de poursuivre son accueil provisoire ». (Voir : Conseil d’Etat, 4 juin 2020, n°440686).


Extraits de l’ordonnance :

« 6. Il appartient toutefois au juge du référé, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, lorsqu’il lui apparaît que l’appréciation portée par le département sur l’absence de qualité de mineur isolé de l’intéressé est manifestement erronée et que ce dernier est confronté à un risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité, d’enjoindre au département de poursuivre son accueil provisoire.

7. Enfin, l’article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

Sur l’appel du département des Bouches-du-Rhône :

8. Pour juger que le refus du département des Bouches-du-Rhône de poursuivre l’accueil provisoire de M. B... dans une structure adaptée portait une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, et lui enjoindre de reprendre cette prise en charge et d’assurer les besoins élémentaires de M. B..., le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a retenu que les éléments sur lesquels le département s’était fondé pour mettre en doute la minorité de M. B... n’étaient pas, en l’état de l’instruction, de nature à remettre en cause l’authenticité ni la force probante des documents produits par l’intéressé, et notamment du jugement supplétif tenant lieu d’acte de naissance [...], et légalisé par le service des affaires consulaires de l’ambassade de Guinée en France [...], ainsi que de la carte consulaire délivrée [...] par cette même ambassade.

9. En appel, le département des Bouches-du-Rhône reprend ces éléments, fondés, d’une part, sur certaines caractéristiques matérielles du jugement supplétif, dont l’authenticité n’est pas contestée, d’autre part, sur l’incohérence de l’apparence physique de l’intéressé et de son âge allégué, sur laquelle les photographies produites au dossier n’apportent pas d’indication probante, et enfin sur certaines notations psychologiques relatives à son audition par le service spécialisé de la direction enfance famille du conseil départemental de l’aide sociale à l’enfance [...] qui ne sont pas, par elles-mêmes, de nature à réfuter les éléments produits par l’intéressé pour établir son âge.

10. Il résulte de ce qui précède qu’en l’état de l’instruction, compte-tenu de l’office du juge des référés, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, le département des Bouches-du-Rhône n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, lui a enjoint de reprendre la prise en charge de M. B... et s’assurer ses besoins essentiels.

[…]. »

Voir l’ordonnance au format PDF :

Conseil d’Etat – Ordonnance N°468359 du 14 novembre 202