Source : Cour administrative d’appel de Bordeaux, 5ème chambre
Date : arrêt du 04 février 2020 n°19BX03889
Extraits :
« 2. Aux termes de l’article L.511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : "Ne peuvent faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français : 1° L’étranger mineur de dix-huit ans (...) ;". Aux termes de l’article L.111-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : "La vérification de tout acte d’état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l’article 47 du code civil." et aux termes de l’article 47 du code civil : "Tout acte de l’état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité".
3. L’article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d’état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il résulte également de ces dispositions que la force probante d’un acte d’état civil établi à l’étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d’établir que l’acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l’administration de la valeur probante d’un acte d’état civil établi à l’étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l’ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu’un acte d’état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu’il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l’instruction du litige qui lui est soumis.
4. Il ressort des pièces du dossier qu’à l’appui de sa demande de prise en charge auprès des services de l’aide sociale à l’enfance du département, Mme X a présenté un jugement supplétif du tribunal pour enfants de Kinshasa du 28 janvier 2019, un acte de signification de ce jugement et un acte de naissance établi par le bourgmestre de Ngaliena suite à ce jugement, au vu desquels elle serait née le 3 avril 2002. Pour estimer que Mme X n’était pas mineure et qu’elle pouvait faire l’objet d’une mesure d’éloignement, le préfet du Tarn s’est fondé sur la consultation du fichier Visabio à partir du relevé des empreintes digitales, laquelle a révélé que l’intéressée avait sollicité un visa de cours séjour pour la Grèce le 23 octobre 2018 sous l’identité de Mme X née le 6 avril 1993 à Kinshasa.
5. En cause d’appel, Mme X a produit pour la première fois l’avis rendu le 12 mars 2019 par la cellule "antifraude documentaire" de la direction interdépartementale de la police aux frontières de Toulouse, qui conclut que le document d’état civil de l’intéressée est authentique et précise qu’il ne comporte aucune anomalie. Les deux examens osseux du poignet et de la clavicule subis par Mme X à la demande des autorités judiciaires le 26 avril 2019, eu égard aux conclusions contradictoires qui en résultent, ne sont pas de nature à contredire les actes d’état civil authentifiés produits par l’intéressée. En effet, l’examen du poignet a conduit le médecin légiste à conclure que l’aspect de maturation osseuse squelettique de Mme X était compatible avec un âge osseux supérieur ou égal à 16 ans et ainsi à un âge "probable" de plus de 18 ans, et le même médecin, au vu de l’examen de la clavicule a conclu à un âge de Mme X compris entre 21 et 35 ans, ce second examen comportant, selon l’ordonnance du 21 octobre 2019 de mise sous tutelle de Mme X des "incohérences de dates non conformes avec l’article 388 du code civil". Il en résulte que ces tests médicaux ne permettent pas à eux seuls de démontrer le défaut d’authenticité des actes d’état civil produits par l’intéressée, dont la preuve incombe à l’administration, laquelle n’a pas saisi les autorités congolaises aux fins de vérification du document d’état civil fourni par l’intéressée. Dans ces conditions, le préfet du Tarn ne pouvait, à la date de la décision attaquée, sans méconnaître l’article L.511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, obliger Mme X à quitter le territoire français sans délai. Par voie de conséquence, les décisions fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour sont également illégales et doivent être annulées. »
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