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Les boat-people fuyant le communisme recevaient un accueil enthousiaste !

Publié le : jeudi 27 août 2015

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Source : http://www.angersmag.info

Auteur : Bruno MAGNINY, responsable de la Cimade Anjou

« Contribuer au débat public sur le territoire angevin et, à notre niveau, participer à l’indispensable vie des idées, c’est l’objet de [La Tribune du Lundi]. L’expulsion en fin de semaine dernière d’une vingtaine de réfugiés africains d’une maison située près de Biopole a fait écho à Angers aux débats que suscitent depuis le début de l’été les questions migratoires en France et en Europe. Bruno Magniny, responsable de la Cimade Anjou (1), nous livre sa réflexion.

à Calais, 85 millions de touristes en France en 2015. La grosse loupe posée cet été sur les questions migratoires vécues dans le Calaisis montre d’abord la peur de l’avenir et le manque de projet de la société française. Ces migrants sont des personnes, pas des numéros. Leur question est petite en nombre mais elle engage l’avenir. Débattons-en avant action !

L’Europe mobilise des moyens militaires massifs (Frontex) contre des civils inoffensifs : elle est « en guerre contre un ennemi qu’elle s’invente » : voilà l’analyse de la Cimade, l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture), le Secours Catholique, Amnesty International, Human Rights Watch… (Migreurop 2013). Les politiques dites "sécuritaires" fabriquent les passeurs et les morts ; elles coûtent plus qu’un accueil digne ; elles échouent avec une constance parfaite depuis 13 ans (destruction de Sangatte). Elles ont été encore renforcées la semaine dernière.

Ayons l’honnêteté intellectuelle de les écouter : les migrants fuient la mort ou le non-avenir total (Proche-Orient, Afrique, Afghanistan, Erythrée, Kosovo…). Ils ne prennent en compte aucun "signal’ européen d’‘appel d’air" ou de "baisse d’attractivité". Ils veulent simplement vivre. Ils espèrent être accueillis comme ils accueillent, être regardés comme des humains. Oui, ils espèrent : vivants, courageux, debouts. Demandant le respect, ils sont très respectueux de la société où ils arrivent.
"Ils ne prennent en compte aucun "signal’ européen d’‘appel d’air" ou de "baisse d’attractivité". Ils veulent simplement vivre. Ils espèrent être accueillis comme ils accueillent, être regardés comme des humains."

Puisque la demande d’asile est devenue la quasi-unique voie juridique d’accès au séjour en Europe, ceux qui ont fui des persécutions demandent l’asile ; plus fondamentalement, tous attendent de pouvoir travailler pour vivre. L’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) qui décide de l’asile l’accorde à 18 % des demandes, et la CNDA (Cour Nationale du Droit d’Asile) à 20 % de plus, soit au final une petite moitié de demandeurs.

Les déboutés de l’asile sont destinés à être expulsés, mais ceux qui viennent de pays où leur vie est menacée ne le sont pas. Ils deviennent des "ni-ni", ni expulsés ni régularisés, exposés au travail au noir et à "la débrouille" (mendicité, squats, désespérance…) des années.

Les boat-people fuyant le communisme des années 1970 recevaient un accueil enthousiaste ! Depuis, le chômage est passé de 6 à 12 %. Pourtant… Les organisations patronales tiennent une liste des "métiers en tension" qui peinent à recruter. La quasi-pénurie de main d’œuvre qui vaut en Allemagne motive l’attitude allemande relativement pro-immigration. En lien au vieillissement en France, serait-il adapté d’anticiper une pénurie semblable en formant aujourd’hui les personnels supplémentaires nécessaires ? De nombreux irréguliers arrivent à trouver du travail (agro-alimentaire, nettoyage, sécurité…). Portent-ils un risque de dumping social ?

Quelles leçons tirer localement, à Angers et ailleurs, de la situation ? Soyons d’abord citoyens : informons-nous, ouvrons les yeux et les oreilles pour ne pas laisser faire en notre nom des politiques contraires à la Loi.

- La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme a été proclamée à Paris en réaction aux horreurs de la Seconde Guerre Mondiale. La France s’est engagée à appliquer cette déclaration, en particulier son Article 13 qui dit que « tout homme a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et d’y revenir ». Or à Calais les policiers français empêchent les migrants de quitter la France sur ordre des autorités anglaises, et se font payer pour cela… cherchons l’erreur.

- Lorsque la Préfecture du Maine et Loire, la Ville d’Angers et le Conseil Départemental laissent des familles, des demandeurs d’asile ou des réfugiés, des mineurs isolés, pendant des semaines ou des mois à l’ « abri de nuit » de la rue Rouchy, ces autorités négligent leurs obligations légales.
"Plus fondamentalement, comment rejeter à la mer, à l’oubli de nos consciences, les personnes arrivées en France ? …si nous décidons de les laisser mourir, qui d’autre ensuite ?"
Etre citoyen, n’est-ce pas aussi savoir les accueillir, les accompagner ? La rencontre des personnes, la prise en compte d’une situation, la prise en charge d’un enfant, permettent d’expérimenter qu’ils sont nos semblables, rieurs, courageux. Des associations angevines s’ouvrent aux migrants, où les bénévoles expérimentent le bonheur des rencontres (liste sur simple demande).

Jusqu’à quand maintenir une politique qui échoue, qui tue, qui coûte, qui ne respecte ni les valeurs ni les engagements de la France ? La France devient pour les migrants surtout un pays de transit : sa situation géographique centrale entre l’Espagne, l’Allemagne, l’Italie, la Grande Bretagne la fait traverser à la fois par des touristes argentés et par des migrants. Peut-on trier vraiment les "bons" des "mauvais" voyageurs ?

Plus fondamentalement, comment rejeter à la mer, à l’oubli de nos consciences, les personnes arrivées en France ? …si nous décidons de les laisser mourir, qui d’autre ensuite ? Allons-nous laisser ou faire mourir, de même, les handicapés ou les anciens de la société française, les criminels, les inadaptés… les pauvres ? Ou nous décidons de faire société, et recherchons des solutions pour les migrants de Calais, ou nous optons pour la guerre de tous contre tous. Les citoyens d’Angers sommes aussi concernés que les migrants : bonheur de la rencontre ou paranoïa du rejet de l’autre ?

Pour respecter les migrants et la source humaniste qui a fait la société française, dépassons nos tentations d’un repli illusoire, demandons au gouvernement français d’initier un dispositif d’asile européen attentif aux personnes.

(1) La Cimade (Comité inter mouvements auprès des évacués) est une association de solidarité active avec les étrangers, très impliquée notamment dans l’aide juridique. Elle est membre de la fédération protestante de France. »