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Lettre de Monsieur Adrien TAQUET, Secrétaire d’Etat auprès du Ministre des Solidarités et de la Santé à l’attention des Président.e.s des Conseils départementaux

Publié le : mardi 24 mars 2020

Voir en ligne : https://www.uriopss-hdf.fr/sites/de...

Source : Uriopss-hdf - Uniopss

Date : 21 mars 2020

Présentation :

« Mesdames les Présidentes, Messieurs les Présidents,

Notre pays connait à l’heure actuelle une crise sanitaire sans précédent qui met à l’épreuve l’ensemble de notre société et met en difficulté l’intégralité de nos politiques publiques, en particulier celles à destination des personnes les plus vulnérables. Les enfants en danger et les enfants protégés doivent faire l’objet d’une vigilance encore plus forte afin que l’urgence sanitaire à laquelle nous sommes confrontés ne conduise pas à aggraver leur situation.

Je sais pouvoir compter sur votre implication et veux saluer votre engagement ainsi que celui de vos équipes et de l’ensemble des professionnels des associations et établissements partenaires qui ont dû se mobiliser, dans des délais extrêmement courts pour assurer, dans des conditions difficiles et très évolutives, la continuité du service public de protection de l’enfance. J’ai pleinement conscience des efforts et du dévouement que cela implique.

Dans ce contexte exceptionnel, vous avez mis en œuvre des plans de continuité d’activité définissant des priorités. Dans le cadre de ces plans et en gardant en tête la préservation des droits fondamentaux des enfants et des familles, il me semble nécessaire que vous puissiez :

- garantir la continuité de l’activité des cellules de recueil des informations préoccupantes et d’évaluation des situations de danger des enfants : cette mission est essentielle au repérage des situations de danger ou de risque de danger et doit s’articuler, comme vous le savez, étroitement avec le Service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger (SNATED-119 Allo enfance en danger) afin que la période actuelle ne se traduise pas par des violences accrues faites aux enfants. A cette fin, il est important que le SNATED dispose des éléments relatifs à l’adaptation de votre organisation et tous les contacts utiles pour assurer les bons relais d’informations (notamment un numéro de téléphone dont le SNATED assurera la confidentialité) ;

- garantir la continuité d’activité pour les interventions de protection de l’enfance à domicile, en priorisant les situations nécessitant absolument le déplacement d’un professionnel, et en veillant à maintenir un contact au moins téléphonique avec l’ensemble des familles accompagnées. Cela doit bien sûr s’effectuer en lien étroit avec les juges des enfants en ce qui concerne l’assistance éducative à domicile ;

- mettre en place une permanence éducative téléphonique pour les missions relevant de l’aide sociale à l’enfance, notamment pour apporter un soutien et un accompagnement aux assistants familiaux du département ;

- limiter les droits de visite avec hébergement et les visites en présence d’un tiers, en accord avec le juge pour enfants et en veillant à maintenir une information des parents sur la situation de leurs enfants ;

- prolonger la prise en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance des mineurs au delà de l’âge de 18 ans lorsque le jeune n’est pas autonome et en particulier s’il n’a pas d’hébergement et éviter bien évidemment toute remise à la rue de ces mineurs lorsqu’ils atteignent l’âge de 18 ans ;

- adapter les missions de la PMI pendant cette période, sachant que des missions de soutien à la parentalité peuvent aussi s’organiser par des échanges téléphoniques, redéployer les professionnels de santé vers d’autres missions plus prioritaires, mais en prenant soin de vous rapprocher de l’Agence régionales de santé afin de vous assurer que les missions essentielles, par exemple celles de vaccinations des nourrissons, sont assurées par ailleurs et que les parents ne sont pas laissés sans solution ;

Je pense en outre nécessaire d’anticiper d’ores et déjà les effets possibles de la propagation du virus dans les établissements accueillant des enfants et d’identifier, lorsque c’est nécessaire en raison de la configuration des lieux, des lieux d’accueil relais pour les enfants afin de les isoler. A cette fin, les services de l’Etat et les communes peuvent être des appuis utiles pour l’identification de sites habituellement dédiés à l’accueil de loisirs avec hébergement.

Certains d’entre vous m’ont fait remonter l’installation de cellules de crise interinstitutionnelles permettant une coordination locale spécifique pour les activités de protection de l’enfance, rassemblant vos services, les représentants des établissements et services associatifs et publics, les représentants des assistants familiaux, les autorités judiciaires et les services de l’Etat. Ces initiatives me semblent totalement pertinentes et à généraliser.

En ce qui concerne la prise en charge des mineurs non accompagnés, priorité doit être donnée à leur mise à l’abri quand bien même les conditions de l’évaluation de la minorité sont perturbées. La protection des mineurs, et notamment de ceux se présentant comme mineurs non accompagnés, doit être garantie par des mises à l’abri systématiques. Jusqu’à nouvel ordre, aucun transfert de mineur d’un département à l’autre ne peut être mis en œuvre du fait du confinement général de la population et de la restriction des déplacements au strict nécessaire.

Les mineurs doivent en conséquence être accueillis dans le département dans lequel ils se présentent. En cas d’urgence, de situation d’une particulière gravité, et pour les mineurs les plus jeunes et les plus vulnérables, les conseils départementaux pourront solliciter des ordonnances de placement provisoire auprès des magistrats, le plan de continuité des juridictions prévoyant le maintien d’une permanence en assistance éducative dans les tribunaux pour enfants. Dans cette hypothèse, en cas de saisine, la cellule nationale décidera d’un maintien dans le département d’arrivée.

Je vous sais très attentifs à la situation des associations gestionnaires et des établissements publics dont vous autorisez l’activité et que vous financez au titre de l’aide sociale à l’enfance. Je vous engage à leur apporter toutes les garanties que vous jugerez utiles, notamment s’agissant de limiter les conséquences administratives et financières de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour l’endiguer. A titre d’exemple, il me semble indispensable de prévoir le report du dépôt des comptes administratifs 2019 des établissements et structures au-delà du 30 avril, ainsi que la neutralisation des aménagements rendus nécessaires et des perturbations occasionnées par la crise que nous traversons dans l’appréciation de leur niveau d’activité en 2020.

Les dépenses nouvelles que vous devrez supporter, résultant d’une crise exceptionnelle et imprévisible, ne seront pas retenues dans le périmètre des dépenses réelles de fonctionnement, telles que définies par l’instruction interministérielle relative à la mise en œuvre des articles 13 et 29 de la loi n°2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Les semaines à venir seront, je l’espère, l’occasion de développer toutes formes d’initiatives locales pour apporter un soutien renforcé aux enfants protégés et aux professionnels qui les accompagnent au quotidien. Il est important que vous puissiez bénéficier de l’appui des services de l’Etat dans les départements pour proposer tout dispositif de renfort : mobilisation du secteur scolaire, universitaire, sportif, de l’éducation populaire…Des coopérations locales avec les communes sont également encouragées à travers la mobilisation du vivier disponible des animateurs périscolaires. Je sais par ailleurs que certains d’entre vous s’appuient aussi sur les associations et services de prévention spécialisée ou sur les associations d’anciens jeunes accompagnés en protection de l’enfance (ADEPAPE, Repairs…).

Je voulais enfin préciser dire que nous sommes et resterons, avec Sophie Cluzel, Secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, très attentifs à la continuité de l’activité des établissements et services médico-sociaux qui accompagnent les enfants protégés en situation de handicap. Des solutions adaptées pour chaque enfant doivent en effet être proposées, encore plus spécifiquement dans le cadre de la protection de l’enfance. En cas de difficultés, il est essentiel que vous fassiez remonter toute alerte aux Agences régionales de santé, avec lesquelles nous sommes en lien permanent.

Avec Olivier Veran, Ministre des Solidarités et de la Santé, nous restons personnellement très attentifs à vos préoccupations et nous vous remercions d’ores et déjà pour votre engagement.

Je vous prie d’agréer, Mesdames les Présidentes, Messieurs les Présidents, l’expression de ma haute considération. »

***

Lettre disponible au format pdf ci-dessous :

Courrier_A.Taquet_covid-19_protection_enfance_21032020