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Lettre ouverte de Magid Magid, membre du Parlement européen et de la commission des libertés civiles de la justice et des affaires intérieures (LIBE) à l’attention de Monsieur le Président Emmanuel Macron - « Être migrant n’est pas un crime ! »

Publié le : jeudi 14 novembre 2019

Voir en ligne : https://blogs.mediapart.fr/les-invi...

Source : Mediapart

Date : 13 novembre 2019

Présentation :

« Monsieur le Président Emmanuel Macron, « je dois vous faire part de mon immense choc et de mon horreur en découvrant à la frontière de votre pays avec l’Italie une négligence délibérée et répétée des droits de l’Homme, une franche méconnaissance de l’humanité, et un abus du droit européen », interpelle Magid Magid, membre du Parlement européen et de la commission des libertés civiles de la justice et des affaires intérieures (LIBE). »

Lettre :

« Pour Monsieur Emmanuel Macron, Président de la République Française,

Je dois vous faire part de mon immense choc et de mon horreur en découvrant à la frontière de votre pays avec l’Italie une négligence délibérée et répétée des droits de l’Homme, une franche méconnaissance de l’humanité, et un abus du droit européen.

Au cours de mon déplacement à Menton et Vintimille, j’ai vu des réfugiés et des personnes déplacées de tous âges et de tous les coins de notre planète - contraints de fuir la pauvreté, la persécution, la guerre et les désastres écologiques, et de parcourir des distances inimaginables - déshumanisés et humiliés, écartés et rejetés, traités avec retard et dédain par vos garde-frontières et vos forces de police aux ordres de vos politiques aveugles en matière de migration. J’ai été témoin de contraintes sans pitié et non de « liberté », d’absence d’égalité et sûrement pas de fraternité chaleureuse.

Monsieur le Président, par votre inaction face aux manifestants pour le Climat, la répression brutale des militants de la classe ouvrière luttant pour la justice sociale ou encore le démantèlement et la destruction sans pitié des foyers de migrants vulnérables et démunis à Calais, vous cimentez votre place du mauvais côté de l’histoire, du mauvais côté de l’humanité. Vous vous pensez plus posé et sage que Salvini, en célébrant votre image personnelle devant le drapeau tricolore, d’un homme fier de ses couleurs et de sa symbolique, mais vous dirigez et imposez une politique incolore et sans vie d’un banquier froid, dont la seule visée politique est de protéger les riches et de condamner les autres.

Dans la mesure où vous jouissez des privilèges du Fort de Brégançon et que vous savourez les beautés du paysage, ne perdez pas de vue les injustices indignes commises aux extrémités lointaines de votre pays. Je vous demande instamment d’agir et de remédier à ces injustices flagrantes.

À votre frontière avec l’Italie, il existe des preuves irréfutables de refoulements systématiques de personnes vulnérables, y compris d’enfants - oui, innocents, demandeurs d’asile non accompagnés. Non seulement vos agents frontaliers mentionnent des dates de naissance fausses sur les documents de refus d’entrée, mais ils confisquent également les certificats de naissance. Ce n’est pas seulement une violation flagrante du droit de votre pays : il s’agit d’une monstruosité sans nom. Vous les laissez partir sans refuge ni protection et les envoyez avec indifférence vers un traumatisme, un dénuement et une vulnérabilité accrus. Monsieur le Président - veillez à ce que les évaluations de l’âge de l’enfant soient conformes au droit international et mettez un terme à la fermeture des frontières pour les mineurs non accompagnés, qu’ils ne soient pas contraints à la mendicité pour un foyer et un avenir.

Les personnes déplacées qui cherchent refuge à la frontière sont renvoyées vers l’Italie sans aucune garantie de procédure. Pire encore, lorsque la police italienne ne les reprend pas, elles sont illégalement détenues dans des installations mal équipées au poste de police de Menton. Je me suis rendu compte de la situation avec mes propres yeux, mais je me suis vu refuser l’accès aux conteneurs où se tiennent les réfugiés et les migrants. La police les appelle un « espace de mise à l’abri », je les appelle « cages ». Monsieur le Président, permettez-moi de vous dire ce qu’ils cachent.

Comment vous sentiriez-vous si vous étiez obligé de passer une nuit sur le sol d’un conteneur verrouillé, sur-occupé, sans différenciation de personnes, sans couverture, ni nourriture, ni eau ? Parce que c’est la réalité que vous imposez quotidiennement à des dizaines de personnes innocentes. Cette privation arbitraire de liberté représente également une violation du droit international et du droit de l’Union. Ces pratiques inhumaines doivent s’arrêter, et les conditions de détention doivent faire l’objet d’un suivi indépendant et d’une mise en conformité avec les normes internationales : séparer les hommes et les femmes, les adultes et les enfants et donner libre accès à la nourriture et l’eau, à des soins médicaux et à une représentation légale.

Bien qu’il soit clairement nécessaire de mettre en place une réforme globale de partage des responsabilités entre les États membres de l’UE afin d’atténuer la pression sur les États situés en première ligne, le minimum de décence, Monsieur le Président, est de traiter tous les réfugiés et les personnes déplacées comme des êtres humains. Tenez-les informés, garantissez-leur une représentation juridique et assurez-leur la possibilité de faire appel à un refus d’entrée. Protégez-les de toute détention arbitraire, tout en formant la police à respecter les droits de l’Homme, en protégeant les personnes vulnérables et en identifiant les victimes de la traite des êtres humains.

Je vous invite instamment à vous pencher sur ce que de nombreuses ONG et bénévoles, et moi-même, ont décrit, de vous rendre compte par vous-même, et de prendre au plus vite toute mesure nécessaire pour stopper ces délits atroces à vos frontières. J’invite également tous les dirigeants européens à mettre un terme aux politiques qui portent préjudice aux migrants et instaurent un climat d’hostilité vis-à-vis des personnes qui cherchent refuge dans nos pays. Je demande également aux dirigeants européens d’ouvrir des itinéraires sûrs pour la migration, de telle sorte que nous ne soyons pas à nouveau les témoins impuissants de morts et de dévastations qui auraient pu être évitées. N’oubliez pas qu’il s’agit de nos frères et sœurs qui ont été abandonnés en mer Méditerranée ou qui étouffent dans les camions de trafiquants.

En cas de tragédie, nous sommes prompts à pleurer et à présenter nos condoléances, et encore plus rapidement, à faire des reproches dans toutes les directions. Toutefois, de nombreux responsables politiques devraient avoir honte d’ignorer l’injustice des lois qu’ils promeuvent - qui coûtent tant de vies et privent les survivants de leurs droits fondamentaux - et de développer une rhétorique répugnante autour de la migration.

Monsieur le Président, pendant que vous soutenez une « libéralisation » de l’économie française, à marche forcée, ne tuez pas la force centrale de toute démocratie libérale : l’humain. Loin de constituer une violation répétée du droit international, le fait d’être un migrant et de demander l’asile n’est pas un crime.

Magid Magid, membre du Parlement européen et de la commission des libertés civiles de la justice et des affaires intérieures (LIBE). »