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Déclaration du Comité des Ministres relative à la pauvreté des enfants - Decl(11/12/2019), adoptée par le Comité des Ministres le 11 décembre 2019, lors de la 1363e réunion des Délégués des Ministres

Publié le : jeudi 2 janvier 2020

Voir en ligne : https://search.coe.int/cm/Pages/res...

Source : Comité des Ministres, Conseil de l’Europe]

Date : 11 décembre 2019

Présentation :

« La pauvreté des enfants demeure une préoccupation majeure en Europe. Les plus affectés par les mesures d’austérité mises en place dans le sillage de la crise économique de 2008 sont les enfants. Ils constituent une tranche d’âge plus menacée par la pauvreté et l’exclusion sociale que les adultes et les personnes âgées. Près de 385 millions d’enfants, soit 19,5 % des enfants de la planète, vivent en situation d’extrême pauvreté, pour 9,2 % des adultes[1]. En 2017, le pourcentage d’enfants âgés de moins de 17 ans vivant dans la pauvreté était estimé, dans les 28 États membres de l’Union européenne, à 24,9 % ; chez les adultes (18-64 ans), ce taux était de 23 % et chez les personnes âgées (65 ans et plus) de 18,2 % [2]. Bien qu’il n’existe pas de statistiques récapitulatives fiables pour les États membres du Conseil de l’Europe n’appartenant pas à l’Union, d’aucuns estiment que la proportion d’enfants touchés par la pauvreté pourrait même être plus élevée dans ces pays.

La pauvreté influe sur les droits des enfants à de multiples égards. Elle peut avoir des effets délétères tant sur leur vie actuelle que sur leurs perspectives d’avenir. Les enfants démunis sont souvent en butte à la discrimination. Leurs droits à l’éducation et aux soins de santé, à un logement convenable et à des conditions de vie décentes sont dans bien des cas bafoués. Au sein de l’Union européenne, plus de 11 % des enfants quittent l’école avant d’avoir terminé leurs études secondaires, un taux qui s’accroît avec la pauvreté. Privés du bénéfice de l’égalité des chances, ils ont plus difficilement accès aux loisirs et aux activités culturelles que leurs camarades issus de milieux plus aisés.

Les enfants qui grandissent dans des familles démunies courent trois fois plus de risques que les autres, une fois devenus adultes, de n’avoir que de maigres revenus, d’occuper des emplois mal rémunérés ou de faire partie des travailleurs pauvres sans grand espoir de voir leur situation s’améliorer. Le niveau d’instruction des parents et la composition du foyer, surtout lorsqu’il s’agit de familles monoparentales avec des enfants à charge, sont également d’importants facteurs qui ont une influence sur la pauvreté des enfants [3]. De même, la proportion d’enfants menacés de pauvreté est sensiblement plus grande parmi les Roms et les migrants [4]. La transmission de la pauvreté d’une génération à l’autre présente de sérieux risques en termes de cohésion sociale et de stabilité politique.

De plus, les enfants qui vivent dans la pauvreté sont davantage exposés à la violence et à l’exploitation, ainsi qu’aux mariages d’enfants (et aux grossesses précoces), aux travaux pénibles, ou les brimades et la stigmatisation. La pauvreté contribue aussi à accroître la probabilité, pour ceux qu’elle touche, d’avoir à l’un ou l’autre moment de leur existence maille à partir avec le système de justice pénale. La pauvreté peut être tout à la fois la cause et le résultat d’un non-respect des droits de la personne. Le fait de vivre en situation de pauvreté peut conduire à des atteintes à ces droits, qui peuvent à leur tour aboutir à l’exclusion sociale et à la pauvreté [5].

L’article 27 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, adoptée le 20 novembre 1989, dispose que « les États parties reconnaissent le droit de tout enfant à un niveau de vie suffisant pour permettre son développement physique, mental, spirituel, moral et social » [6].

Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies repose sur le principe selon lequel « nul ne doit rester à la traîne » et sur l’idée qu’il faut s’efforcer d’aider en premier les plus défavorisés. L’une des cibles du premier objectif de développement durable intitulé « Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde » est formulée comme suit : « D’ici à 2030, réduire de moitié au moins la proportion d’hommes, de femmes et d’enfants de tout âge qui vivent dans la pauvreté sous tous ses aspects, telle que définie par chaque pays et quelles qu’en soient les formes » [7].

La Stratégie du Conseil de l’Europe pour les droits de l’enfant (2016-2021) considère que la pauvreté touchant les enfants représente un obstacle majeur à l’exercice de leurs droits [8].

La Résolution 1995 (2014) « Éradiquer la pauvreté des enfants en Europe » de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe exhorte les États membres à accorder « une priorité et un poids politiques suffisants » à l’éradication de la pauvreté des enfants [9].

La Charte sociale européenne révisée (STE n° 163, « la Charte ») énonce un ensemble de normes minimales qui protègent les droits de l’enfant, parmi lesquels les droits à la protection de la santé, à l’éducation, à l’assistance sociale et médicale, et à la protection sociale. Outre ces droits, l’article 30 de la Charte consacre le droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale. La pauvreté apparaît également comme un frein à l’accès au logement d’un niveau suffisant, lequel est lui-même une condition préalable à la dignité et à la jouissance tant des droits sociaux que des droits de la personne. L’article 16 de la Charte exige des États qu’ils assurent la protection sociale, juridique et économique de la famille par des mesures appropriées. L’article 17 énonce clairement le droit des enfants et des adolescents à une protection sociale, juridique et économique [10].

Le Comité européen des Droits sociaux a formulé des conclusions sur ces sujets et sur d’autres aspects importants de la conformité de la législation et des pratiques nationales avec la Charte sociale européenne en ce qui concerne les droits de l’enfant, y compris le droit à la santé, le droit à la sécurité sociale, le droit à l’assistance sociale et médicale, le droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale, le droit au logement, ainsi que le droit à des services sociaux [11].

Le principe 11 du Socle européen des droits sociaux (proclamé le 17 novembre 2017 par l’Union européenne) stipule le droit des enfants à des services d’éducation et d’accueil de la petite enfance abordables et de qualité, et à une protection contre la pauvreté [12].

Dans ce contexte, le Comité des Ministres :

  • se déclare vivement préoccupé par les taux très élevés de pauvreté des enfants en Europe et par le creusement des inégalités qui touchent tout particulièrement les enfants, et s’alarme de l’érosion des droits fondamentaux des personnes concernées ainsi que des dommages que cette érosion provoque sur le plan individuel et à l’échelle de la société ;
  • invite les États membres à envisager la mise en place de mesures concrètes pour mettre en œuvre la Stratégie du Conseil de l’Europe pour les droits de l’enfant (2016-2021), en particulier, le paragraphe 28 ;
  • souligne la nécessité de réaligner d’urgence les objectifs et le financement de services tels que la protection de l’enfance, l’éducation, les services sociaux et les programmes de protection sociale en vue de l’éradication de la pauvreté des enfants ;
  • encourage les États membres à cibler et à améliorer les services de protection de l’enfance en tenant dûment compte des enfants en situation de vulnérabilité (par exemple les enfants privés de protection parentale, les familles monoparentales, les enfants handicapés, les enfants roms, et les enfants réfugiés et migrants) ;
  • invite les États membres à envisager, lors de l’élaboration des politiques et pratiques relatives aux programmes en matière de protection de l’enfance, de services sociaux et de protection sociale, des études quant à leur impact sur les enfants, à prendre en compte les besoins de ces derniers dans l’établissement des budgets y afférents et à recourir à tout autre outil pertinent, ainsi qu’à s’efforcer, autant que faire se peut, d’amener les enfants à participer à l’élaboration de ces politiques ;
  • insiste sur l’importance, pour tous les acteurs responsables, à tous les niveaux (national, régional, international), de collaborer étroitement à l’éradication de la pauvreté qui touche les enfants. »

***

Report of the European Committee of Social Rights, Council of Europe – « Protecting the Child from Poverty : The Role of Rights in the Council of Europe »