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Le mot du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats (92)

Publié le : mercredi 5 décembre 2018

Source : JUJIE

Date : 4 décembre 2018

Auteur : Pierre-Ann Laugery, Bâtonnier de l’Ordre des Avocats (92)

Présentation :

« Mes chers confrères,

Alors que nous sortons tout juste de la « thérapie de groupe » que nous a dispensée Henri LECLERC lors de la Rentrée du Barreau et de l’Association des secrétaires, ses propos sur la fraternité font curieusement résonance avec la situation des mineurs isolés sur notre territoire.

Nous avons célébré le 20 novembre dernier les 29 ans de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant.

Depuis que le Groupe Mineurs de notre Barreau a tissé des liens avec Réseau Education Sans Frontières (RESF), InfoMie et l’antenne mineurs isolés étrangers du Barreau de Paris, son activité au soutien des Mineurs Non Accompagnés (MNA) s’est considérablement intensifiée et l’accès au droit croule sous les demandes, car la désignation d’un avocat d’enfant est maintenant systématiquement sollicitée (92 demandes de désignations avocats depuis septembre dernier et 46 bons de consultations délivrés aux Mineurs isolés).

Si nous avons l’écoute des Juges des Enfants et un traitement judiciaire globalement satisfaisant, le parcours de ces jeunes avant et après passage devant le Juge est indigne.

Les associations qui soutiennent ces jeunes sur le terrain viennent d’alerter nos confrères sur plusieurs sujets :

  • Il existe désormais une cellule unique d’évaluation de la minorité située à Nanterre. Elle est en capacité d’évaluer 4 jeunes par jour.
  • Or, ce sont 20 à 25 jeunes qui attendent chaque jour (et parfois la nuit qui précède), dans le froid, à peine vêtus, sans avoir mangé devant la porte de cette cellule de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE).
  • Quand la porte s’ouvre, 4 d’entre eux sont choisis sur leur apparence. A cette occasion (mais également lors des entretiens), il leur est fréquemment dit qu’ils sont des menteurs et des affabulateurs (alors que près de 95% d’entre eux sont, à l’issue de l’évaluation, reconnus mineurs). Les associations ont mené des missions d’observation sur place.

Le blog de jeunes isolés MEDIAPART leur a consacré une page par jour du 20 octobre au 20 novembre 2018. La page du 5 novembre 2018 témoignait ainsi : « Un responsable vient s’adresser aux jeunes, il précise d’emblée que seuls deux ou trois seront acceptés. Les jeunes sont tendus, leurs visages anxieux. Le responsable les balaie du regard, puis il pointe du doigt l’un d’eux. Toi. Et d’un. Un deuxième. L’attente est lourde. Doigt en direction d’un jeune, non pas toi, un autre, et finalement toi aussi. Les quatre désignés pénètrent dans le service. Et les autres ? Revenez demain. C’est fini.

Les vigiles se sont postés derrière les portes vitrées. Inutile de chercher à forcer le passage.

Les jeunes se dispersent, certains tenteront leur chance à 13h30, d’autres le lendemain. Ils sont transis, en vêtements légers, certains en tongs, ils racontent en vrac le passage des frontières, Vintimille, l’Espagne, leurs nuits dans les gares, les abris de fortune, ils ont peur et faim ».

  • Pour mémoire, le doute devant profiter au mineur, celui-ci doit théoriquement et légalement bénéficier d’une mise à l’abri le temps de cette évaluation, ce qui est loin d’être respecté.
  • Lorsque l’entretien s’avère insuffisant, des expertises d’âge osseux sont ordonnées. Le principe même de telles expertises (dont la marge d’erreur est de 18 mois) est pourtant dénoncé par la majorité des partenaires de l’enfance. Dans l’attente des résultats, l’ASE ne signe pas les documents de scolarisation, retardant d’autant la prise en charge scolaire de ces jeunes, dont le temps est pourtant compté pour parvenir à une autonomie professionnelle et financière dès l’âge de 18 ans. Il arrive parfois que, dans l’attente, les associations accompagnent ces jeunes et les aident à s’inscrire en avançant les frais nécessaires au démarrage d’une scolarité.
  • Lorsque le Juge des Enfants a rendu une Ordonnance de placement provisoire, les services de l’ASE ne l’exécutent que plusieurs semaines après, au prétexte qu’ils n’ont pas reçu l’OPP par fax (ils ont récemment avoué ne pas avoir de fax, en réalité). Lorsque le jeune vient lui-même avec une copie de l’Ordonnance, la véracité du document est remise en cause.
  • La prise en charge des jeunes de moins de 16 ans est ensuite assurée (les familles d’accueil qui reçoivent des MNA demandent ensuite à ne plus recevoir que des MNA tant les retours d’expériences sont bons).
  • Celle des 16 -18 ans se fait dans des hôtels, avec un encadrement éducatif a minima, une scolarisation tardive, des soins médicaux insatisfaisants et un suivi psychologique inexistant (alors qu’ils présentent souvent des symptômes post-traumatiques importants). Certains jeunes doivent gérer seul leur budget au mois (alors qu’ils sont parfois analphabètes), aller en classe parfois loin (alors que certains ne savent pas même lire l’heure)…
  • Un mineur peut demander à obtenir la nationalité française avant d’être majeur s’il a été confié à l’ASE depuis au moins 3 ans. Or, l’ASE ne les accompagne pas au Tribunal d’Instance. Ils doivent effectuer les démarches seuls et sont confrontés à des listes de documents à réunir différentes selon chaque TI et au-delà de ce qu’exigent les textes légaux.
  • Les délais de rendez-vous sont ensuite extrêmement longs, de sorte qu’il arrive qu’ils patientent toujours alors qu’ils ont atteint l’âge de 18 ans et ne deviennent alors plus éligibles à l’acquisition de la nationalité française par cette voie.

Cette situation est absolument intolérable et nous devons nous mobiliser pour cette cause, qui sera évoquée lors d’un prochain Conseil de l’Ordre.

Un certain nombre d’actions est d’ores et déjà envisagé par le Groupe Mineurs, avec le soutien de l’Ordre :

Mais, d’ores et déjà, je vous invite à noter la date du 08 décembre 2018.

RESF y prépare et envisage une manifestation (et une pétition) pour alerter sur le sort réservé aux MNA dans le 92, en présence du MRAP, du GISTI, des syndicats, de nombreux MNA et des anciens MNA, qui se tiendra de 12 h à 14 h sur le parvis de la Défense.

Ainsi, les participants aux Assises Nationales des Avocats d’Enfants qui le souhaitent pourront se joindre à cette manifestation à la clôture des travaux.

Je vous engage à vous inscrire aux Assises Nationales des Avocats d’Enfants »