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Tribune de Monsieur Jacques Toubon, Défenseur des droits, Madame Adeline Hazan, Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté et de Monsieur Jean-Marie Burguburu, Président de de la Commission nationale consultative des droits de l’homme - « Coronavirus : "Sauvegardons les droits fondamentaux pendant la crise sanitaire" »

Publié le : mardi 24 mars 2020

Voir en ligne : https://www.lemonde.fr/idees/articl...

Source : Le Monde

Date : 20 mars 2020, mis à jour le 21 mars 2020

Auteurs :

  • Jacques Toubon, Défenseur des droits
  • Adeline Hazan, Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté
  • Jean-Marie Burguburu, Président de de la Commission nationale consultative des droits de l’homme

Extraits :

« Les mesures annoncées par le président de la République imposent à toute la population résidant en France un confinement et une « distanciation sociale » destinés à limiter les risques de propagation du virus Covid-19.

Ces mesures, nécessaires, doivent être mises en œuvre en gardant à l’esprit les difficultés de la vie quotidienne qu’éprouvent les personnes les plus précaires et les plus fragiles, et l’exigence de garantir l’égalité de traitement de toutes et de tous comme le plein exercice des droits fondamentaux.

(...)

Le risque sanitaire touche les hommes, les femmes et les mineurs qui y sont enfermés, ainsi que les professionnels qui les prennent en charge, eux-mêmes susceptibles de transmettre la maladie à leurs proches. En temps ordinaire déjà, nous n’avons de cesse de dénoncer les conditions d’enfermement qui prévalent dans les prisons et les centres de rétention administrative (CRA).

Les mesures prises ne sont pas à la hauteur de la situation

La Cour européenne des droits de l’homme a récemment condamné la France considérant les conditions de détention au sein de ses établissements surpeuplés comme un traitement inhumain et dégradant.

(...)

Mais des contraintes nouvelles sont apparues : le travail, la scolarité, la formation et les activités sont suspendus et les associations ont cessé leurs activités. Les personnes détenues se trouvent donc souvent enfermées dans la promiscuité au moins vingt-deux heures sur vingt-quatre.

Faire sortir les personnes vulnérables des maisons d’arrêt

(...) Pour cela, il faut réduire le nombre des personnes détenues dans les maisons d’arrêt à la fois en différant la mise à exécution des courtes peines, comme cela a été commencé, et en prenant de manière rapide et massive les mesures nécessaires pour faire sortir sans délai, et sans s’interdire les voies de la grâce ou de l’amnistie, les personnes détenues les plus proches de leur fin de peine, en particulier les mineurs et les personnes particulièrement vulnérables, dépendantes, ou souffrant de pathologies chroniques ou de troubles mentaux. (...)

Dans un contexte de réduction drastique des vols internationaux, la perspective de reconduite des personnes retenues n’est plus envisageable à court terme ; dès lors la mesure de rétention elle-même se trouve dépourvue de fondement juridique car la loi n’autorise la rétention que pour la préparation d’un éloignement. Le maintien d’étrangers en rétention n’est donc pas seulement une prise de risque, c’est aussi une privation de liberté illégale.

Un haut risque sanitaire

(...) La rétention administrative est aujourd’hui une mesure à haut risque sanitaire dépourvue de fondement faute de possibilité d’éloignement.

Il en est évidemment de même dans les zones d’attente au sein desquelles les conditions sanitaires sont comparables, l’accès au juge non garanti et le refoulement impossible (...)

Un appel à des mesures urgentes

(...)

Dans ce contexte, le ralentissement voire la suspension des dispositifs d’accueil des mineurs non accompagnés pose des difficultés revêtant un caractère d’urgence absolue, que ces jeunes soient laissés à la rue, sans protection, ou confinés à l’hôtel, structure bien peu adaptée à leur prise en charge. En tout état de cause, la verbalisation de ces personnes, en l’absence d’attestations justifiant de leur sortie, est particulièrement inappropriée et injuste.

Nous appelons à ce que les mesures urgentes prises pour répondre à la nature exceptionnelle de ce risque sanitaire soient proportionnées, et à ce que l’Etat mette en œuvre son devoir d’assistance pour assurer l’égale dignité de toutes et de tous. »