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Assemblée Nationale - Compte rendu intégral de la deuxième séance du 03 novembre 2018, Projet de loi de finances 2018, Coût de l’expertise d’âge osseux

Publié le : vendredi 3 novembre 2017

Voir en ligne : http://www.assemblee-nationale.fr/1...

Source : www.assemblee-nationale.fr

Extraits :

« M. le président. La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 336.

M. Ugo Bernalicis. Cet amendement vise à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’économie que pourrait représenter la suppression des tests osseux pratiqués pour déterminer la minorité d’un certain nombre de migrants. Tous les experts, le Haut Conseil de la santé publique, l’Ordre des médecins répètent que la fiabilité de tels tests à cette fin est particulièrement douteuse. C’est d’ailleurs ce que pensent aussi de nombreux juges lorsqu’ils ont à connaître d’un recours en contestation de la décision de procéder à ces tests.

Si le Gouvernement a souhaité adopter cette méthode, ce n’est visiblement pas par souci de préserver le bien-être des mineurs, mais pour justifier la distinction entre majeurs et mineurs dans le cadre de sa politique de lutte contre les migrants. Le gouvernement précédent employait ce moyen, aussi peu scientifique soit-il, pour renvoyer le plus grand nombre possible de migrants dont le test osseux pouvait laisser penser qu’ils étaient majeurs. Pour ce qui est du présent gouvernement, je ne doute pas qu’il va revenir sur ce genre de pratiques, qui sont non seulement douteuses mais également coûteuses.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadia Hai, rapporteure spéciale. Mon cher collègue, nous commençons à connaître votre goût pour les rapports ! S’agissant de celui-ci, nous ne saisissons pas vraiment le lien qu’il peut avoir avec le budget de la police et de la gendarmerie. Néanmoins, je tiens à vous apporter quelques précisions.

L’article 388 du code civil restreint les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge, d’une part, en l’absence de documents d’identité valables, d’autre part, lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable. Les tests osseux ne peuvent être pratiqués que sur décision de l’autorité judiciaire, après recueil de l’accord de l’intéressé. Les conclusions de cet examen doivent préciser la marge d’erreur, et ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur. Enfin, le doute profite toujours à la personne concernée.

Votre amendement constituant à nos yeux un cavalier, l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur le député, la possibilité de réaliser des tests osseux aux fins de déterminer la majorité ou la minorité d’un individu constitue un dispositif complémentaire de preuve de l’état de minorité. Le Gouvernement considère que ce dispositif comporte, en l’état de la législation, des garanties suffisantes pour que l’on puisse maintenir son utilisation.

De fait, celle-ci est très encadrée. Un test osseux ne peut être effectué qu’en l’absence de documents d’identité valables, lorsque l’âge allégué de l’individu n’est pas vraisemblable. Il ne peut intervenir que sur décision de l’autorité judiciaire, à la seule condition que l’intéressé ait exprimé son accord. Il ne constitue pas un moyen de preuve suffisant : comme l’a rappelé la rapporteure, l’existence de marges d’erreur doit être précisée, et le doute profite à l’intéressé.

Indépendamment de son coût, ce moyen de preuve de la minorité doit donc être conservé. Il est l’un des outils qui permettent de faire face à l’explosion, que vous connaissez, des flux de mineurs étrangers non accompagnés, dont le nombre atteindra vraisemblablement 13 000 en 2017, alors qu’il n’était que de 5 000 il y a trois ans. Dans le Pas-de-Calais, par exemple, les trois quarts des personnes qui se déclarent mineures s’avèrent, en fait, majeures. Il est donc important de pouvoir disposer de tous les moyens de déterminer la minorité d’un individu, conformément à la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant.

De ce fait, indépendamment de leur coût, la possibilité de recourir aux tests osseux doit être conservée. Par conséquent, monsieur le député, le Gouvernement est défavorable à votre amendement.

(L’amendement no 336 n’est pas adopté.) »

Textes de l’amendement n°336 :

AMENDEMENT N°II-336

présenté par

Mme Obono, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Panot, M. Prud’homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin et Mme Taurine


ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L’ARTICLE 62, insérer l’article suivant :

Mission « Sécurités »

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport faisant une évaluation précise des économies pour les finances publiques pouvant résulter de la suppression des « tests osseux » pouvant être utilisés, alors qu’ils sont scientifiquement contestés, depuis 2016 pour déterminer la minorité d’un individu, et utilisés de fait pour mener une discrimination d’âge visant les populations étrangères en France.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à envisager les gains financiers pour les finances publiques qui seront issus de l’interdiction nécessaire de toute utilisation d’un test osseux quel qu’en soit le cadre juridique et procédural ou le motif (actuellement permis à l’article 388 du code civil depuis la loi du 14 mars 2016).

Entre autres, ce type d’expertise médicale est contesté sur le plan scientifique et éthique par les médecins.Le Haut Conseil de la Santé Publique dans son rapport du 23 Janvier 2014 précise que « la maturation d’un individu diffère suivant son sexe, son origine ethnique ou géographique, son état nutritionnel ou son statut économique ». Il conclut : « Il n’est pas éthique de solliciter un médecin pour pratiquer et interpréter un test qui n’est pas validé scientifiquement et qui, en outre, n’est pas mis en œuvre dans l’intérêt thérapeutique de la personne. En cas de doute, une décision éthique doit toujours privilégier l’intérêt de la personne la plus fragile, en l’occurrence le jeune ».
(à retrouver en ligne ici)