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Tribune de M. Yves Mamou - « Cette politique migratoire dont on parle beaucoup mais qu’on ne changera pas »

Publié le : lundi 14 octobre 2019

Voir en ligne : https://www.lefigaro.fr/vox/societe...

Source : Le Figaro Vox

Date : 09 octobre 2019

Auteur : Yves Mamou, essayiste et journaliste

Extraits :

« Y-a-t-il une « stratégie » du gouvernement en matière d’immigration ? Le débat qui a été mené à l’Assemblée nationale du 7 au 9 octobre sur le sujet n’a pas permis de le faire émerger. « Nous menons une politique d’immigration » a dit Édouard Philippe, mais les finalités économiques (pénurie de main-d’œuvre dans un pays qui compte six millions de chômeurs et 9 millions de pauvres) ou démographiques (baisse de la natalité…) qui justifieraient l’entrée sur le territoire de presque 400 000 immigrants nouveaux chaque année (260 000 au titre du regroupement familial, des visas étudiants, des visas santé... et plus 120 000 demandeurs d’asile), n’ont jamais été énoncées. Pourquoi ? On ne sait pas.

(...)

Pas de changement de cap

Certes, la protestation des « gilets jaunes », la montée de l’insécurité, la violence islamiste ont amené Emmanuel Macron à tempérer son progressisme immigrationniste. Mais nul ne peut affirmer à l’issue du « débat » parlementaire qu’en 2019, qu’un tournant a été pris en matière d’immigration. Les ministres « progressistes » qui ont plaidé leur dossier le 7 octobre à l’Assemblée nationale ont surtout montré qu’ils ne maîtrisaient rien.

En attendant que la lumière soit faite sur toutes ces questions, le gouvernement garde le cap.

Ainsi, ni Philippe, ni Castaner, ni Le Drian n’ont su expliquer pourquoi le flux de demandeurs d’asile continuait d’augmenter en France (122 743 en 2018, +22 % par rapport à 2017) alors que les arrivées de migrants dans l’Union européenne ont baissé de plus de 10 % en 2018 et de 29 % en 2019. Pourquoi un tiers des demandeurs d’asile qui débarquent en France ont-ils déjà déposé un dossier ailleurs dans l’Union européenne ? Pourquoi des Géorgiens et des Albanais fournissent-ils aujourd’hui le gros des demandeurs d’asile alors qu’ils viennent de zones classées « sûres » et que leur pays est en négociation d’adhésion à l’Union européenne ? Et quid d’un système d’accueil déjà « saturé » : faut-il l’élargir à l’infini ou bien accentuer les reconduites à la frontière ? Plusieurs ministres dont Christophe Castaner ont semblé se féliciter de statistiques positives en matière de retours contraints, mais les divers pourcentages cités ne permettent pas toutefois de se faire une idée précise des flux réels de départs par rapport aux flux des arrivées.

En attendant que la lumière soit faite sur toutes ces questions, le gouvernement garde le cap : « pas d’immigration zéro » a dit le Premier ministre, pas question de renoncer au droit du sol non plus (30 000 étrangers nés en France ont demandé l’an dernier à devenir français a dit Philippe), pas question de demander une contribution financière aux immigrés illégaux pris en charge par l’Aide médicale d’État (840 millions d’euros financés par le contribuable en 2018, +6 % par rapport à 2017) et les dizaines de milliers de mineurs étrangers qui errent sur le territoire national continueront d’être pris en charge au titre du secours à l’enfance (2 milliards d’euros par an à la charge des départements). Le gouvernement n’a pas dit qu’il mettrait fin ou réduirait les naturalisations par décret (60 000 par an) qui ont été très pratiquées pendant le quinquennat de François Hollande. Et il ne paraît pas exclu que la France organise elle-même des secours en Méditerranée pour sauver des demandeurs d’asile en perdition. Aucune indication n’a été donnée sur ce que le gouvernement pensait des navires d’ONG qui agissent actuellement en Méditerranée.

C’est pas nous, c’est l’Europe !

En résumé, le gouvernement ne comprend pas bien l’immigration actuelle mais n’entend pas toucher au dispositif légal (du regroupement familial au droit d’asile), de peur de prêter le flanc aux critiques antiracistes. Toutefois, pour ne pas créer une image de laxisme, il distribue d’importantes sommes aux gouvernements africains pour qu’ils gardent leurs candidats à la migration chez eux. Le budget de l’aide au développement passerait de 0.43 % du PIB à 0.55 % en 2022.

Ces mesures cosmétiques ne devraient pas être de nature à faire baisser les coûts élevés de la politique d’immigration.

Une chasse au gaspi a également été lancée. Agnès Buzyn qui souhaite restreindre les conditions d’éligibilité à l’AME a concentré le traitement des dossiers sur trois caisses d’assurance maladie. La ministre espère aussi que le rapport qu’elle a commandé aux services d’inspection de son ministère lui permettra de mieux lutter contre les fraudes. Agnès Buzyn a ainsi révélé que des ressortissants étrangers bénéficiant d’une assurance maladie dans leur pays d’origine utilisent un visa Schengen pour demander l’AME en France, sachant que les soins qu’ils obtiendront (gratuitement) seront de meilleure qualité que ceux qui leur seraient dispensés (à titre onéreux) dans leur pays d’origine. La ministre n’a pas cité le montant de la fraude ainsi réalisée chaque année aux dépens du contribuable tricolore.

Ces mesures cosmétiques ne devraient pas être de nature à faire baisser les coûts élevés de la politique d’immigration, soit cinq milliards d’euros au bas mot entre l’accueil des enfants non accompagnés, l’accueil des demandeurs d’asile et l’Aide médicale d’État aux clandestins.

Pour parer aux chocs migratoires de l’avenir (migrations climatiques ou excès démographiques de l’Afrique sub-saharienne), le gouvernement a certes indiqué des pistes. Mais, manque de chance, leur réalisation ne dépend pas de lui : « refonder Schengen » (Castaner), faire de Frontex un authentique corps de garde-frontières pour sécuriser les frontières de l’Union européenne (Le Drian), harmoniser les aides aux demandeurs d’asile (Castaner) - celles distribuées en France étant largement plus attractives que celles dispensées en Allemagne, en Espagne ou en Italie - , instaurer d’authentiques centres d’accueil de demandeurs d’asile extérieurs à l’Union européenne de préférence, étudier la possibilité de porter directement secours en mer aux migrants (Philippe), réguler l’accueil des mineurs non accompagnés (Philippe) et étudier la possibilité d’une politique de quotas d’immigration en fonction des besoins de main-d’œuvre, sauf pour l’asile et le regroupement familial (Philippe)… toutes ces solutions passent par une action européenne résolue qui n’est pas près de se faire, compte tenu des déchirements européens, sur les questions d’immigration précisément. (...)  »