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CP collectif : Fichage des mineur·e·s non accompagné·e·s - La protection des enfants doit passer avant la suspicion

Publié le : mercredi 18 juillet 2018

Voir en ligne : https://www.unicef.fr/contenu/espac...

Source : Communiqué conjoint de La Cimade, le GISTI, Médecins du Monde, Médecins sans Frontières, Le Secours Catholique – Caritas France, le Syndicat des Avocats de France (SAF), l’UNICEF France

Date : 17 juillet 2018

« Alors que la version initiale du projet de loi Asile et immigration ne contenait aucune mention d’un fichage national des mineur·e·s non accompagné·e·s, le gouvernement souhaite faire adopter en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale un amendement permettant un « traitement de données », comprenant l’enregistrement des empreintes et des photographies de mineur·e·s qui demandent une protection au titre de l’aide sociale à l’enfance, créant un véritable fichier des enfants. Le Gouvernement reprend ainsi à son compte une mesure adoptée au Sénat sur proposition du groupe Les Républicains.

La loi française prévoit pourtant que les personnes qui se déclarent mineures doivent être considérées comme telles jusqu’à ce qu’une décision statue sur leur âge et leur isolement en vertu du principe du bénéfice du doute. Elles doivent bénéficier d’un accueil provisoire au titre de la protection de l’enfance de manière immédiate et inconditionnelle, peu importe le département où elles se présentent. Nos sept organisations s’alertent de cette proposition disproportionnée, qui compromettra largement l’accès de mineur·es non accompagné·es à la prise en charge à laquelle ils ont droit en France et entrainera le déni de leurs droits fondamentaux.

Une mesure disproportionnée en réponse à un phénomène mal connu

Le gouvernement souhaite lutter contre la pratique des « double-évaluations » ou dite de « nomadisme de la protection » consistant, pour un·e jeune non reconnu·e mineur·e ou isolé·e dans un département, à tenter de trouver une protection dans un autre. Le Défenseur des Droits rappelle que « ce phénomène allégué ne repose sur aucune donnée chiffrée, concrète et objective et n’a, à cet égard, jamais fait l’objet d’études sérieuses ».

Cette pratique, légale et légitime, s’explique principalement par l’absence de fiabilité des procédures d’évaluation de l’âge [1], par les disparités de pratiques entre les départements [2], et par l’absence de prise en charge pendant le temps de la procédure devant le juge des enfants [3].

Des conditions d’utilisation imprécises pour une efficacité limitée

Le gouvernement affiche le double-objectif de lutte contre l’immigration irrégulière et de protection de l’enfance. Des objectifs qui entrent en contradiction avec les recommandations du Comité des Droits de l’Enfant qui rappelait en novembre dernier que les données recueillies sur les enfants ne doivent être utilisées qu’à des fins de protection et que leur utilisation dans un objectif de lutte contre l’immigration devait être interdite [4].

En permettant que des empreintes digitales et des photographies soient mémorisées, ce fichier généralise la suspicion à l’égard des mineur·e·s isolé·e·s. Le Défenseur des droits affichait en ce sens son opposition de principe à la création d’un tel fichier, qu’il considérait « comme une atteinte grave à la vie privée s’agissant de personnes considérées mineures jusqu’à preuve du contraire ». La CNIL souligne quant à elle que les empreintes digitales des mineur·e·s sont moins fiables et stables que celles des adultes.

Enfin, les conditions d’utilisation de ce fichier sont également préoccupantes : consentement des mineur·e·s sans représentants légaux, qualité des personnes habilitées à consulter le fichier, mise à jour et conservation des données… autant de considérations primordiales renvoyées à un décret en Conseil d’Etat.

Dans ces conditions, nos organisations demandent le retrait de l’amendement du gouvernement portant sur la création du fichier national biométrique.

La création d’un tel fichier est contraire au principe d’intérêt supérieur de l’enfant, au droit à la protection et au principe de non-discrimination. Un·e mineur·e non accompagné·e est avant tout un·e enfant en danger : la protection doit passer avant la suspicion.

Le 17 juillet 2018

Organisations signataires :

La Cimade
Gisti
Médecins du Monde
Médecins Sans Frontières
Secours Catholique Caritas France
Syndicat des Avocats de France (Saf)
Unicef France

[1] Dans certains départements 50% des décisions administratives sont remises en cause a posteriori par le juge des enfants. La contestation de l’âge des mineurs non accompagnés se base parfois sur des entretiens d’évaluation sommaires, après une remise en cause hâtive de documents d’état civil ou sur les résultats de tests osseux dont la fiabilité est unanimement contestée.

[2] Les taux de reconnaissance de minorité peuvent varier de 9% à 100% en fonction des départements (Rapport de la mission bipartite de réflexion sur les mineurs non accompagnés, 15 février 2018) et les tribunaux administratifs sanctionnent régulièrement les départements pour l’absence de mise à l’abri durant l’évaluation de la minorité.

[3] Rien dans la législation ne couvre à ce jour la situation des personnes mineures dont la minorité est contestée, laissées sans protection pendant plusieurs mois jusqu’à ce que la décision d’un juge des enfants intervienne, alors même qu’elles sont à ce stade encore des enfants présumés.

[4] Observation générale commune n°3 (2017) sur les principes généraux relatifs aux droits des enfants dans un contexte de migrations internationales du Comité des Nations Unies pour le Droits de l’Enfant du Comité des Nations Unies pour la protection des Droits de tous les travailleurs migrants et leurs familles. »