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Cour de Cassation, Première Chambre Civile, 4 janvier 2017 - K15-18.469

Publié le : mercredi 4 janvier 2017

« COUR DE CASSATION


Audience publique du 4 janvier 2017

Rejet

Mme BATUT, président

Pourvoi n° K 15-18.469

REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. A. S., domicilié département de la Corrèze, service ASE, BP 199, 19005 Tulle cedex, contre l’arrêt rendu le 13 mars 2015 par la cour d’appel de Limoges (chambre spéciale des mineurs), dans le litige l’opposant :

1 / au procureur général près la cour d’appel de Limoges, domicilié en son parquet général 17 place d’Aine, 87031 Limoges cedex 1,

2 / au département de la Corrèze, service de l’Aide sociale à l’enfance, dont le siège est hôtel du département Marbot, BP 199, 19055 Tulle cedex, défendeurs à la cassation ;

intervenant volontaire :

- Le Défenseur des droits, domicilié 7 rue Saint-Florentin, 75008 Paris,

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 22 novembre 2016, où étaient présents : Mme Batut, président, Mme Gargoullaud, conseiller référendaire rapporteur, M. Matet, conseiller doyen, MM. Hasher, Reynis, Mme Reygner, M. Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, conseillers, Mme Guyon-Renard, MM. Mansion, Roth, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, conseillers référendaires, Mme Ancel, avocat général référendaire, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Gargoullaud, conseillerréférendaire, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. S., de la SCP Sevaux et Mathonnet, en intervention, pour le Défendeur des droits l’avis de Mme Ancel, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Limoges, 13 mars 2015), que, le 4 novembre 2014, le juge des enfants a ordonné une mesure d’assistance éducative à l’égard de M. S., se disant né à Conakry (Guinée), le 25 octobre 1998 ;

Attendu que M. S. fait grief à l’arrêt de dire qu’il doit être considéré comme majeur et qu’il n’y a pas lieu à assistance éducative alors, selon le moyen :

1 / que tout acte de l’état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; qu’il en résulte que si le juge peut ordonner une expertise médicale aux fins de vérifier l’exactitude d’un acte fait en pays étranger et de rechercher l’âge de la personne qui invoque cet acte, c’est à la condition qu’il existe au préalable des éléments permettant de douter de la régularité de l’acte d’état civil fait en pays étranger, propres à renverser la présomption d’authenticité qui lui est par principe reconnu ; qu’en se bornant, pour passer outre l’acte d’état civil de M. S. qui la désignait comme mineur, à relever péremptoirement qu’il ne serait pas établi que le porteur du document en soit le véritable titulaire, sans exposer au préalable quels éléments auraient permis de douter de la régularité de l’acte d’état civil présenté par l’intéressé et auraient rendu possible le recours à une telle expertise, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 47 du code civil ;

2 / que le recours à une expertise ne saurait conditionner directement la solution du litige mais ne peut qu’éclairer le juge, lequel n’est aucunement lié par les constatations ou les conclusions du technicien ; qu’il en est particulièrement ainsi lorsque la fiabilité de l’expertise est elle-même intrinsèquement relative ; qu’en se fondant exclusivement sur les résultats d’une expertise médicale aux fins de détermination de l’âge de M. S., la cour d’appel, qui a entièrement indexé sa solution sur cette seule et unique expertise, dont la fiabilité est pourtant douteuse, a ainsi violé les articles 232 et 246 du code de procédure civile, ensemble l’obligation primordiale de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant garantie par les articles 3 et 8 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant ainsi que par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

Mais attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale au regard de l’article 47 du code civil et de violation des articles 232 et 246 du code de procédure civile, 3 et 8 de la Convention internationale des droits de l’enfant et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l’appréciation de la cour d’appel qui a souverainement estimé, sur le fondement des éléments de preuve dont elle disposait, que l’état civil mentionné dans l’acte de naissance produit ne correspondait pas à la réalité et que M. S. devait être considéré comme majeur ; qu’il ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. S. aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre janvier deux mille dix sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. S.

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir constaté qu’A. S. doit être considéré comme majeur et dit qu’il n’y a dès lors pas lieu à assistance éducative ;

Aux motifs que « A. S. indique être né à Conakry (Guinée) le 5 octobre 1998 et précise qu’un ami de ses parents, suite au décès de ceux-ci du virus Ebola a organisé le voyage pour le faire venir en France ;

Attendu qu’il est arrivé à Brive-la-Gaillarde le 8 septembre 2014 et a été dans un premier temps hébergé au centre départemental ;

Attendu que le 6 octobre 2014 un examen médical a été réalisé à la demande du Procureur de la République et a conclu à un âge civil supérieur à 18 ans ;

Attendu que la décision déférée a fait droit à la demande de protection de A. S. pour les raisons suivantes :

- la conclusion du rapport ne peut avoir qu’une valeur indicative quant à son âge biologique et celui-ci peut être différent de l’âge civil dès lors qu’il n’existe aucune table d’ossification pour la population africaine, ledit rapport ne peut donc être retenu,

- l’intéressé est en possession d’un extrait du registre de transcription établi par l’officier d’état civil de la commune de Matoto (ville de Conakry) le 16 juillet 2014 et d’un jugement supplétif tenant lieu d’acte de naissance établi par le tribunal de première instance de Conakry le 14 juillet 2014, cet original a été examiné par les services de la police aux frontières qui a émis un avis favorable et qui a notamment relevé que les tampons figurant sur le jugement supplétif sont de bonne qualité et que le timbre fiscal présente des signes d’authenticité ;

Attendu que A. S. conclut à la confirmation de la décision entreprise aux motifs de la prévalence de l’acte de naissance et du doute sur l’examen osseux ;

Attendu que le jugement supplétif dit et juge que A. S. est né le 25 octobre 1998 à Conakry ;

Attendu cependant que si ledit jugement présente les signes d’un document authentique, il n’est pas établi que le porteur dudit document en soit le véritable titulaire ;

Attendu au surplus qu’aux termes de l’article 47 du Code civil, l’acte d’état civil ne peut faire foi si des données extérieures établissent que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ;

Attendu que dans son rapport, l’expert désigné, le Docteur M., indique en conclusion qu’après radiographies osseuses et examen médical du prétendu A. S., les éléments constatés permettent d’affirmer que l’âge civil est supérieur à 18 ans, sans aucune ambiguïté ni marge d’erreur ;

Attendu par ailleurs que dans un rapport du 8 mars 2006, l’Académie nationale de médecine a conclu que la méthode d’analyse osseuse constitue un cadre référentiel universellement utilisé, aucune différence raciale n’ayant été à ce jour démontrée ;

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que l’état civil déclaré dans le document produit ne correspond pas à la réalité et que A. S. doit être considéré comme majeur ;

Attendu qu’il convient dès lors de dire n’y avoir lieu à assistance éducative, la décision entreprise étant infirmée en ce sens » ;

Alors, d’une part, que, tout acte de l’état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; qu’il en résulte que si le juge peut ordonner une expertise médicale aux fins de vérifier l’exactitude d’un acte fait en pays étranger et de rechercher l’âge de la personne qui invoque cet acte, c’est à la condition qu’il existe au préalable des éléments permettant de douter de la régularité de l’acte d’état civil fait en pays étranger, propres à renverser la présomption d’authenticité qui lui est par principe reconnu ; qu’en se bornant, pour passer outre l’acte d’état civil d’A. S. qui la désignait comme mineur, à relever péremptoirement qu’il ne serait pas établi que le porteur du document en soit le véritable titulaire, sans exposer au préalable quels éléments auraient permis de douter de la régularité de l’acte d’état civil présenté par l’intéressé et auraient rendu possible le recours à une telle expertise, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 47 du Code civil ;

Alors, d’autre part, que le recours à une expertise ne saurait conditionner directement la solution du litige mais ne peut qu’éclairer le juge, lequel n’est aucunement lié par les constatations ou les conclusions du technicien ; qu’il en est particulièrement ainsi lorsque la fiabilité de l’expertise est elle-même intrinsèquement relative ; qu’en se fondant exclusivement sur les résultats d’une expertise médicale aux fins de détermination de l’âge de l’exposant, la Cour d’appel, qui a entièrement indexé sa solution sur cette seule et unique expertise, dont la fiabilité est pourtant douteuse, a ainsi violé les articles 232 et 246 du Code de procédure civile, ensemble l’obligation primordiale de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant garantie par les articles 3 et 8 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant ainsi que par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. »

Arrêt disponible ci-dessous au format pdf :