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Cour administrative d’appel de Marseille, 6e chambre - formation à 3, Arrêt du 23 janvier 2017 N° 16MA03837, art. L 313-14

Publié le : lundi 29 mai 2017

Source : Cour administrative d’appel de Marseille 6ème chambre - formation à 3

Date : Arrêt du 23 janvier 2017 N° 16MA03837

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A. a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler l’arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 14 mars 2016 lui refusant la délivrance d’un titre de séjour, l’obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de la mesure d’éloignement.

Par un jugement n° 1604728 du 15 septembre 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 10 octobre 2016, M. A., représenté par Me Chartier, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 septembre 2016 ;

2°) d’annuler l’arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 14 mars 2016 ;

3°) d’enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour provisoire sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l’arrêt à intervenir ;

4°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de l’Etat au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la décision de refus de séjour :

- il remplit les conditions posées par l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

- le préfet ne pouvait pas fonder son refus sur l’utilisation d’un faux document administratif, cette affaire ayant été classée sans suite ;

- la décision méconnait les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l’article L. 313-11 7° du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de fait en considérant qu’il n’avait pas formé de demande au titre de l’article L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

- il justifie de considérations humanitaires exceptionnelles ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

Sur l’obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les dispositions de l’article L. 511-4 10° du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

- elle est entachée d’erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A. ne sont pas fondés.

M. A.a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 14 novembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 octobre 2016 et 5 janvier 2017, M. A., représenté par Me Chartier, demande à la Cour :

1°) d’ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 septembre 2016 ;

2°) de suspendre l’arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 14 mars 2016 ;

3°) de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l’Etat au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l’exécution du jugement entraînerait des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens soulevés au soutien de sa demande d’annulation du jugement sont susceptibles d’entraîner l’annulation du jugement attaqué et de l’arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône.

M. A. a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 14 novembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Le président de la Cour a désigné Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d’absence ou d’empêchement de M. Moussaron, président de la 6e chambre en application de l’article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Héry,

- et les observations de Me Chartier, représentant M.A.

1. Considérant que les deux requêtes sont dirigées contre un même jugement et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour qu’il y soit statué par un seul arrêt ;

2. Considérant que M. A., ressortissant guinéen né le 10 novembre 1996, est entré en France selon ses déclarations en mai 2013 ; que le 11 mai 2013, le juge des enfants a décidé de le placer en assistance éducative afin qu’il soit pris en charge par l’aide sociale à l’enfance jusqu’à sa majorité ; que le 14 avril 2015, il a demandé au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour " salarié " au titre de l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, et à titre subsidiaire, un titre de séjour au titre de l’article L. 313-14 du même code ; que par arrêté du 14 mars 2016, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que M. A. relève appel du jugement du 15 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté ; qu’il demande par ailleurs, par requête séparée, qu’il soit sursis à l’exécution de ce jugement ;

Sur les conclusions de la requête n° 16MA03837 :

Sans qu’il soit besoin de statuer sur tous les moyens de la requête :

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l’article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l’article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, à l’étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l’admission au séjour correspond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu’il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l’article L. 311-7 (...) " ;

4. Considérant que M. A. est entré en France en mai 2013, alors qu’il était âgé d’un peu plus de seize ans ; qu’il a été placé en assistance éducative par le juge des enfants et pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance en qualité de mineur isolé et établit s’être maintenu sur le territoire français ; qu’il est accueilli depuis sa majorité par une association d’aide aux jeunes travailleurs ; qu’il justifie avoir suivi un parcours d’insertion constitué notamment de cinq contrats d’accès à la qualification jusqu’en juin 2015 au cours duquel il a effectué 1 729 heures de formation comprenant notamment des stages en entreprise, puis d’une inscription en février 2016 à l’école de la deuxième chance, dans l’attente de la régularisation administrative de sa situation au regard du séjour ; qu’il a parallèlement suivi des cours d’apprentissage de la langue française du 2 décembre 2013 au 23 mai 2014 ; qu’il ressort des appréciations portées par le personnel enseignant sur son parcours ainsi que par le service social de l’aide à l’enfance que M. A. a, malgré son isolement, suivi avec assiduité et sérieux l’ensemble de ces formations ; que les compagnons du devoir ont accepté de l’admettre en contrat d’apprentissage de deux ans en vue de parfaire sa formation de maçon ; que M. A., qui est orphelin et justifie ne plus avoir d’attaches dans son pays d’origine, doit ainsi être regardé, dans les circonstances de l’espèce et eu égard à l’ensemble de son parcours, comme justifiant de motifs exceptionnels de nature à lui ouvrir droit à un titre de séjour en application des dispositions précitées de l’article L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; que, par suite, en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur ce fondement, le préfet des Bouches-du-Rhône a fait une inexacte application des dispositions de l’article L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; que, dès lors, M. A. est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions de la requête n° 16MA03838 :

5. Considérant que le présent arrêt statue sur la requête à fin d’annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 septembre 2016 ; que, dès lors, la requête de M. A. tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution de ce jugement est devenue sans objet ; que, par suite, il n’y a pas lieu d’y statuer ;

Sur les conclusions à fin d’injonction et d’astreinte :

6. Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque la décision implique nécessairement qu’une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution, dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution " ; que compte tenu du motif d’annulation de l’arrêté en litige et en l’absence de changement dans les circonstances de droit et de fait, il y a lieu d’enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; qu’il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Considérant que M. A. a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle ; que par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, et sous réserve que Me Chartier, avocat de M. A., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat, de mettre à la charge de l’Etat le versement à Me Chartier de la somme de 1 500 euros ;

D É C I D E :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 16MA03838 tendant au sursis à l’exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 septembre 2016.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 septembre 2016 et l’arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 14 mars 2016 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A. une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L’Etat versera à Me Chartier une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Chartier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A, à Me Chartier et au ministre de l’intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille.