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Conseil d’État, 1ère et 4ème chambres réunies, décision du 21 décembre 2018, n°420393. MIE malien, pris en charge par l’ASE à 16 ans. Refus d’attribution d’une APJM par le CD. Quand bien même le PCD dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour accorder ou maintenir la prise en charge d’un jeune majeur de moins de 21 ans il a l’obligation de proposer un accompagnement lorsque le jeune est en cours d’année scolaire ou universitaire, incluant la scolarisation en UPE2A. Considérant les effets particuliers d’une décision refusant la poursuite d’une prise en charge, la condition d’urgence doit en principe être constatée, sauf si l’administration justifie de circonstances particulières tenant notamment à l’existence d’autres possibilités de prise en charge. Urgence caractérisée : jeune isolé , sans attache familiale sur le territoire ni ressource et hébergement précaire. Obligation de motivation d’une décision refusant le bénéfice de l’APJM en mentionnant les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; à défaut = doute sur la légalité de la décision. Enjoint au PCD de réexaminer la situation dans un délai de 15 jours.

Publié le : jeudi 17 janvier 2019

« 4. Il résulte de ces dispositions que s’il incombe au président du conseil départemental de préparer l’accompagnement vers l’autonomie de tout mineur pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance dans l’année précédant sa majorité, il dispose, sous le contrôle du juge, d’un large pouvoir d’appréciation pour accorder ou maintenir la prise en charge par ce service d’un jeune majeur de moins de vingt-et-un ans éprouvant des difficultés d’insertion sociale faute de ressources ou d’un soutien familial suffisants. Toutefois, lorsqu’une mesure de prise en charge d’un mineur parvenant à sa majorité, quel qu’en soit le fondement, arrive à son terme en cours d’année scolaire ou universitaire, il doit proposer à ce jeune un accompagnement, qui peut prendre la forme de toute mesure adaptée à ses besoins et à son âge, pour lui permettre de ne pas interrompre l’année scolaire ou universitaire engagée.

5. Pour rejeter la demande de suspension de l’exécution de la décision du 12 février 2018 présentée par M.A..., le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a jugé que l’intéressé ne se trouvait pas dans le cas où un accompagnement devrait lui être proposé pour lui permettre de terminer l’année scolaire et que cette décision n’entraînerait aucune rupture dans son parcours scolaire, dès lors que la formation dont il bénéficiait n’aboutissait pas à la délivrance d’un diplôme et n’était pas destinée à lui apporter une qualification professionnelle. En statuant ainsi, après avoir constaté que le requérant avait intégré une classe “ UPE2A “ ou “ unité pédagogique pour élèves allophones arrivants “, ce dont il résulte qu’il était en cours de scolarité, et alors que l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles ne subordonne pas le bénéfice de l’accompagnement qu’il prévoit pour permettre aux mineurs pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance, lorsqu’ils parviennent à la majorité et dans les conditions rappelées au point 4, de terminer l’année scolaire ou universitaire engagée, à la condition que la formation suivie permette d’obtenir un diplôme ou une qualification, le juge des référés a commis une erreur de droit.

9. L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Eu égard aux effets particuliers d’une décision refusant de poursuivre la prise en charge au titre des deux derniers alinéas de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles d’un jeune jusque là confié à l’aide sociale à l’enfance, la condition d’urgence doit en principe être constatée lorsqu’il demande la suspension d’une telle décision de refus. Il peut toutefois en aller autrement dans les cas où l’administration justifie de circonstances particulières, qu’il appartient au juge des référés de prendre en considération en procédant à une appréciation globale des circonstances de l’espèce qui lui est soumise.

10. Il résulte de l’instruction que M.A..., confié au service de l’aide sociale à l’enfance du département de l’Isère jusqu’à sa majorité le 20 janvier 2018, s’est vu refuser le bénéfice d’un accompagnement en tant que jeune majeur par une décision du 12 février 2018. Si le département de l’Isère fait valoir qu’il est désormais hébergé par une famille d’accueil bénévole, il est toutefois isolé, sans attache familiale sur le territoire français et sans ressources et son hébergement revêt un caractère précaire. Dans ces conditions, la condition d’urgence prévue à l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.

11. Aux termes de l’article R. 223-2 du code de l’action sociale et des familles, applicable à l’aide sociale à l’enfance : “ Les décisions d’attribution, de refus d’attribution, de modification de la nature ou des modalités d’attribution d’une prestation doivent être motivées (...) “. Il résulte de ces dispositions qu’une décision refusant à un jeune majeur la mesure de prise en charge temporaire qu’il sollicite doit être motivée et, à ce titre, mentionner les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde.

12. Le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du 12 février 2018 par laquelle le président du conseil départemental de l’Isère a rejeté la demande de prise en charge de M. A...est de nature, en l’état de l’instruction, à faire naître un doute sérieux sur la légalité de cette décision.

14. La présente décision implique nécessairement que le département de l’Isère procède au réexamen de la situation du requérant. Il y a lieu, dès lors, de lui enjoindre de prendre une nouvelle décision dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, sans qu’il soit besoin, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte. »

Source : Conseil d’État, 1ère et 4ème chambres réunies

Date : décision du 21 décembre 2018, n°420393.

Décision disponible en version pdf ci-dessous :

CE_211218_no420393