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Cour administrative d’appel de Lyon 4ème chambre, Arrêt du 5 juillet 2018 N° 17LY02585, art 47 et 388 CC, art. 511-4 CESEDA, un MIE malien demande à être protégé en tant que mineur isolé. Auditionné par la PAF à la demande du Vice Procureur, l’analyse documentaire conclut à la falsification et contrefaçon pour deux des documents présentés et émet un avis défavorable sur extrait d’acte de naissance et l’acte de naissance. Un TO est réalisé et conclut à un âge de 19 ans avec une marge d’erreur d’un an. A l’appui de sa seconde demande identique, le mineur produit un certificat de nationalité, un jugement supplétif et un acte de naissance, une carte d’identité scolaire et le récépissé du RAVEC. Aux termes de l’ensemble de ces documents, il est né le 09/09/2002. Un jugement de placement est prononcé par le JE de Clermont Ferrand "après avoir constaté qu’aucun élément ne permettait de remettre en cause la présomption de sa minorité". Le préfet n’établit pas le caractère de l’irrégularité des actes d’état civil produits donc il ne pouvait obliger l’intéressé qui devait être regardé comme mineur à la date de l’arrêté, à quitter le territoire. OQTF annulée

Publié le : jeudi 16 août 2018

Source : Cour administrative d’appel de Lyon 4ème chambre - formation à 3

Date : Arrêt du 5 juillet 2018 N° 17LY02585

« RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d’annuler l’arrêté du 11 octobre 2016 du préfet du Puy-de-Dôme portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de renvoi.

Par un jugement n° 1700032 du 30 mars 2017, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 juillet et 14 septembre 2017, M., représenté par Me Osmani, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l’arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ;

- il a été pris à l’issue d’une procédure irrégulière en ce que son accord n’a pas été recueilli avant la réalisation des examens osseux, en méconnaissance de l’article 388 du code civil ;

- il est fondé sur un fait matériellement inexact ;

- les dispositions de l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et les stipulations des articles 3 et 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du 1 de l’article 3 et du 1 de l’article 20 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant ont été méconnues ;

- le tribunal a inversé la charge de la preuve.

Par une ordonnance du 22 août 2017, l’instruction a été close au 26 septembre 2017.

Par une décision du 30 mai 2017, M. a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Le rapport de Mme Michel ayant été entendu au cours de l’audience publique ;

1. Considérant que M. , ressortissant malien, qui déclare être né le 2 septembre 2002 à Bamako, est entré irrégulièrement en France au mois d’août 2016 et a invoqué sa qualité de mineur isolé ; qu’il a été auditionné le 13 septembre 2016 par les services de la police aux frontières sur instruction du vice-procureur de la République près le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand ; que l’examen osseux réalisé le 6 octobre 2016 par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand ayant permis d’estimer qu’il était âgé de dix-neuf ans, le préfet du Puy-de-Dôme, qui s’est également fondé sur le caractère frauduleux des documents d’identité présentés par l’intéressé, a pris, le 11 octobre 2016, un arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant le Mali comme pays à destination duquel il pourra être reconduit d’office après l’expiration de ce délai ; que M. relève appel du jugement du 30 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : " Ne peuvent faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français : / 1° L’étranger mineur de dix-huit ans ; (...) " ; qu’aux termes de l’article 47 du code civil : " Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " ; qu’aux termes de l’article 388 du même code : " (...) Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge, en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l’autorité judiciaire et après recueil de l’accord de l’intéressé. / Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d’erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur. Le doute profite à l’intéressé (...) " ;

3. Considérant qu’à l’appui de sa première demande de mise en place d’une mesure de protection à son égard évoquant un statut de mineur isolé, M. a produit un bulletin n° 3 de casier judiciaire, un certificat de nationalité malienne, un jugement supplétif d’acte de naissance, un extrait d’acte de naissance et l’acte de naissance lui-même ; que l’analyse documentaire par la direction interdépartementale de la police aux frontières de Clermont-Ferrand a conclu le 27 septembre 2016 à la falsification du certificat de nationalité et à la contrefaçon du jugement supplétif ; que s’agissant de l’extrait d’acte de naissance et de l’acte de naissance, la police aux frontières a émis un avis défavorable à leur authenticité ; que, toutefois, à l’appui d’une seconde demande identique et ainsi qu’il l’a fait devant les premiers juges, M. 
a produit un certificat de nationalité malienne établi le 6 janvier 2017, un jugement supplétif d’acte de naissance du 22 décembre 2016 et l’acte de naissance lui-même daté du 4 janvier 2017 ; qu’il produit en outre au stade de l’appel comme dans le cadre de sa seconde demande de protection, sa carte d’identité scolaire ainsi qu’un récépissé du Recensement administratif à vocation d’état civil (RAVEC) pour sa demande de passeport ; qu’aux termes de l’ensemble de ces documents, il est né le 9 septembre 2002 ; que, par un jugement du 28 août 2017, le juge du tribunal pour enfants de Clermont-Ferrand l’a placé en assistance éducative après avoir constaté qu’aucun élément ne permettait de remettre en cause la présomption de sa minorité, alors même que l’examen osseux pratiqué le 6 octobre 2016 par le chef du service d’imagerie médicale du centre hospitalier de Clermont-Ferrand, selon les méthodes de Greulich et de Pyle, avait évalué l’âge de M. à dix-neuf ans, avec une marge d’erreur estimée à un an ; que, dans ces conditions, le préfet du Puy-de-Dôme n’établit pas le caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes d’état-civil produits par le requérant ; que, par suite, il ne pouvait obliger l’intéressé, qui devait être regardé comme mineur à la date de l’arrêté contesté, à quitter le territoire français ;

4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que M. est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;

5. Considérant que M. a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, et sous réserve que Me Osmani, avocat de M. , renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat, de mettre à la charge de l’Etat le versement à Me Osmani d’une somme de 1 000 euros ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700032 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 30 mars 2017 et l’arrêté du 11 octobre 2016 du préfet de la Drôme sont annulés.

Article 2 : L’Etat versera à Me Osmani, avocat de M. , une somme de 1 000 euros en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu’il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. au ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et à Me Osmani.

Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand »